Après avoir fêté les vingt ans de “The Last Splash” (1993), les Breeders ont conscience que bientôt, une décennie va les séparer de “Mountain Battles” (2008). La formation originelle se met alors à jouer, composer, à se retrouver autour d’un projet qui est une part d’elle-même. C’est durant cette quête identitaire que naît “All Nerve”, le cinquième effort studio de celle qui a toujours mérité d’être plus que l’ancienne bassiste d’un des groupes les plus influents de sa génération.
La voix et les notes de guitare de Kim Deal enveloppent d’une atmosphère apaisante nos tympans. Ce calme est de courte durée alors que nous glissons vers “Nervous Mary” qui porte bien son titre. La section rythmique mène la danse tandis que Kelley Deal se fait l’écho de sa sœur jumelle. L’alchimie renaît devant nos oreilles attentives qui peinent à croire que ce morceau soit le fruit d’une récente session d’enregistrement.
L’énergie est toujours de mise quand retentit le “Good Morning” de Kim en ouverture du premier single de l’ensemble, “Wait In The Car”. Morceau rythmé et ramenant aux lettres de noblesse ayant adoubé un groupe qui tient du véritable combat, les thèmes de prédilection sont de nouveau contés avec ce charme désuet et la fougue d’une femme ayant musicalement évolué dans un milieu d’hommes. “Consider I always struggle with the right word” sonne comme la commémoration des nombreux griefs que Deal entretient avec Black Francis durant toute l’histoire des Pixies.
La six cordes change de main pour revenir à Josephine Wiggs qui laisse sa basse pour donner de la voix sur “MetaGoth”, un titre qui nous hypnotise. Toujours dans le registre de la fascination mais en laissant tomber le voile grave, “Spacewoman” ne cesse d’étonner par sa simplicité éloquente. Le quatuor a toujours quelque chose à dire, sachant très bien qu’il ne s’agit pas de quoi mais de comment dont il est question. Les histoires et les sujets se répètent, tout en prenant leur sens dans la bouche et les mains de ces troubadours de Boston. “Walking With A Killer” atteint le zénith de cette idée, malgré le fait que la démo disponible depuis un certain temps séduisait un peu plus par son côté plus brut.
L’impression de voyage est accentuée par la production ayant fait le tour des Etats-Unis, passant par plusieurs états pour retrouver de vieux amis comme le producteur Steve Albini et le guitariste Richard Presley, présent à l’époque pour défendre sur scène le sous-estimé “Title TK” (2002). Le résultat fait penser à une petite famille éparpillée, mais unie à la fin malgré tous les coups du sort. Rien de mal ne découle à ne rien avoir offert au public pendant un long laps de temps car il fait également parti de cette entité, englobée dans l’honnêteté de composer quand l’envie et l’inspiration se penchent au dessus d’eux. Tout cela fonctionne, de la délicieuse piste éponyme à la reprise de Amon Düül II, “Archangel’s Thunderbird”.
Né d’un désir d’exutoire et d’émancipation d’une formation d’origine, les Breeders prouvent de nouveau que leur univers découle de passion et d’un talent de composition indéniable. “All Nerve” est un disque chargé d’émotions, une belle découverte pour certains et une réunion dont l’attente est pardonnée pour d’autres. Et que cela ne tienne s’il faut encore dix ans pour ressentir de nouveau ce plaisir quand le vinyle commence à tourner sur nos platines, nous attendrons. Les temps changent, la musique reste.
Informations
Label : 4AD
Date de sortie : 02/03/2018
Site web : thebreedersmusic.com
Notre sélection
- Nervous Mary
- Wait In The Car
- Blues At The Acropolis
Note RUL
4.5/5