Chroniques

The Dream Syndicate – How Did I Find Myself Here?

Quand un groupe ne sort pas un seul album en vingt-neuf ans, il est légitime de penser que la probabilité qu’un astéroïde frôle la Terre soit plus forte. Mais c’est également faire preuve de peu de foi, et s’il faut l’entendre pour le croire, The Dream Syndicate réussit cet exploit avec son cinquième album, “How Did I Find Myself Here?”.

Arborant une pochette jazz rendant hommage ou parodiant le genre, l’ambiance sonore nous entraîne là où tout s’est arrêté, en 1989. Inspiré par la tornade rock n’roll des Stooges et les douces mélodies de Lou Reed, Steve Wynn reprend la barre d’un navire californien voguant sur les traces de la nouvelle vague post punk située bien plus à l’Est.

Le premier morceau “Filter Me Through You” délivre une ambiance à la mélancolie aérienne, calme avant la tempête qui se profile au loin avec “80 West”. Introduction à la basse ronde et percutante, guitare hurlante teintées de feedback, une preuve suffisante pour qui cherche encore le chainon manquant entre Joy Division et Sonic Youth. L’atmosphère âpre et la puissance rock n’roll s’enlacent sur “Out Of My Head” et, ironie du sort, créent un pattern impossible à se sortir de la tête. Les codes sont dynamités pour mieux se les approprier, sans être une conception qui se répète sans présenter un point de vue neuf sur le monde qui nous entoure.

L’exemple le plus représentatif demeure “The Circle”, martelée par la batterie sourde de Dennis Duck, et un brouillard de saturation dévoilé par Jason Victor, fatalité du cercle qui n’en finit jamais. Le prodigieux tour de force continue en démontrant le caractère de la session rythmique avec le titre éponyme. Méritant sa place dans la bande son d’un film de Guy Ritchie, “How Did I Find Myself Here?” se permet de faire planer l’auditeur avec un rock alternatif mariné dans l’influence de John Coltrane, pour l’enrober dans la faille temporelle que représente ce disque. Le passé nous invite à tendre l’oreille et d’être attentif à Kendra Smith. La bassiste de la formation originelle, n’ayant pas pris part à la renaissance de la formation, conclut l’album en chantant une composition de son cru, “Kendra’s Dream”. Une retrouvaille envoûtante et mystique, qui nous redonne les pieds sur terre. On ne trouvera pas la réponse à la question, mais nous sommes bien contents de nous être retrouvés ici.

De Tom Waits à Wilco, Anti- a le chic pour s’acoquiner avec des artistes intemporels qui débordent d’inspiration, peu importe le nombre d’albums enregistrés. Dénué de cynisme, le groupe a trouvé un précieux collaborateur pour plaquer sur bandes le ressenti honnête de la génération précédant MTV, observant le progrès s’effriter petit à petit. Restant dans l’ombre après avoir inspiré des musiciens tels que Kurt Cobain et J Mascis, c’est le 24 octobre au Centre FGO Barbara de Paris qu’ils viendront se produire pour présenter le constat de presque trois décennies. Inutile de préciser que cette prestation sera plus rare qu’une aurore boréale dans le ciel de la capitale.

“How Did I Find Myself Here?” ne fait pas dans la dentelle, et nous agrippe littéralement par les tripes. Cette sensation, c’est l’adolescent qui sommeille en vous qui vient de se remettre sur pied avec la rage de vivre. Le syndicat du dream a encore frappé, et vous propose de remonter le temps. C’est moins cher qu’une Delorean dotée d’un convecteur temporel.

Informations

Label : Anti-
Date de sortie : 08/09/2017
Site web : www.thedreamsyndicate.com/how_did_i_find_myself_here_release.php

Notre sélection

  • 80 West
  • The Circle
  • How Did I Find Myself Here?

Note RUL

4.5/5

Ecouter l’album