The Fray – The Fray Is Back

2024 était frappée du sceau de la nostalgie pour les millenials dont l’éducation musicale s’est étalée entre la fin des années 1990 et les années 2000. Si certains cadors du tournant 2000 en ont profité pour tirer leur révérence (coucou Sum 41 et You Me At Six), d’autres ont rendu hommage à leur(s) œuvre(s) de consécration (coucou Keane et Green Day). D’autres enfin ont plutôt décidé de faire leur retour sur la scène ou en studio : on ne mentionne même plus Oasis, Linkin Park, My Chemical Romance ou les deux tiers restants de Nirvana. Mais c’est aussi le cas de The Fray, que le départ de la mythique voix d’Isaac Slade n’a visiblement pas empêché de replonger son auditoire dans sa pop rock doucereuse et mélancolique avec un tout nouvel EP, première production originale en plus de dix ans. Pour reprendre le titre choisi pour l’occasion, The Fray Is Back.

The Fray is back

Ce n’est pas un secret pour celles et ceux qui continuent de suivre The Fray sur ses tournées depuis son dernier disque vieux de plus de dix ans, Helios (2014) : le quatuor est désormais un trio, Isaac Slade ayant quitté la formation en 2022. L’interprète de “How To Save A Life” laisse néanmoins le groupe entre de bonnes mains, puisque c’est à Joe King, guitariste et compositeur principal, que revient le micro du lead.

Est-ce que The Fray est toujours The Fray sans les percées chargées d’émotion, légèrement éraillées de Slade ? La patte est incontestablement toujours là : des arrangements simples, laissant le premier rôle au chant et à une sensibilité assumée. Comme un symbole de ce nouveau départ, “Angeleno Moon”, placée en ouverture, sert de pont entre le passé et le futur en proposant une introspection oscillant entre regrets et espoir sur une instrumentation légère et lumineuse. Même son de cloche pour la sympathique “Not Now”, qui s’intéresse au potentiel de survie d’une relation sur le point de s’effondrer. Le ton est plus résigné sur “Time Well Wasted”, la ballade de l’EP, et sur “Known You Always”, la clôture. De façon générale, et avec une certaine ironie peut-être, Joe King traîne sa belle voix claire (dont certaines accentuations rappellent parfois son ancien collègue) sur des textes tournés vers des échecs passés. Le tout avec l’accessibilité typique de leurs productions, rendant l’écoute agréable. Mais The Fray doit-il pour autant en être réduit à sa facette easy-listening ?

Tableau incomplet

Si The Fray a toujours fait preuve d’une grande sensibilité dans le choix des paroles, ce nouvel EP manque peut-être d’un peu de diversité thématique. D’autant que si certains refrains parviennent à nous emporter avec eux (“Angeleno Moon”, “Don’t Look Down”) quitte à rester un peu trop coincés en tête (“Not Now”), la moitié du disque souffre d’une écriture mélodique trop pauvre pour que les messages nous touchent autrement que par une appréciation littérale des mots. C’était pourtant l’une des principales forces du groupe : l’équivalence expressive des instruments et du chant.

Justement, côté instrumentation, le piano est bien plus en retrait que sur les albums passés, et c’est peut-être finalement là que l’absence d’Isaac Slade se fait le plus ressentir. Si les guitares virevoltantes de “Angeleno Moon” auraient pu annoncer une direction artistique plus proche d’un Wallows que d’un Keane, le potentiel de renouvellement est rapidement délaissé sur les morceaux suivants. Pourtant, Helios (2014) avait constitué un premier pas de côté ambitieux avec ses grooves délaissant le lyrisme du piano habituel (“Love Don’t Die”, “Give It Away”, “Hurricane”), démontrant les capacités de diversification stylistique de ses auteurs, qu’elles soient acclamées ou décriées. “Not Now” est sans doute le morceau qui nous évoque le plus facilement les premières aventures sonores de The Fray, mais elle se complait dans une trop grande banalité pour pouvoir rivaliser avec ses prédécesseuses. Il manque à plusieurs chansons de l’EP le dramatisme d’une “Never Say Never” (The Fray, 2009) pour transformer la simplicité en coup de poing émotionnel.

Si ce nouvel EP ne nous dépayse pas et s’écoute sans le moindre effort de patience, il semble coincé entre deux directions irréconciliables, incapable de se positionner : sans proposer de renouvellement significatif du son de The Fray, il ne rend pas non plus complètement honneur aux splendeurs mélodiques du passé (“How To Save A Life” et “You Found Me”, bien sûr, mais aussi “Little House”, “Fall Away”, “Munich”, “Break Your Plans”, …). The Fray Is Back n’est pas si loin de constituer une copie aseptisée des œuvres précédentes, quoique fluide et agréable à l’écoute. Heureusement, l’EP n’est pas le seul projet actuel des Étasuniens : après une rapide tournée en son honneur, place à la tournée des vingt ans de How To Save A Life, de passage à la Salle Pleyel le 13 novembre prochain !