The Luka State – More Than This

Après avoir soudainement percé sur la scène britpop avec Fall In Fall Out (2021), la bande de Winsford s’apprête à passer à l’étape supérieure en très bonne compagnie. En effet, la production de son successeur a été confiée à la crème du rock britannique, Dan Austin et Adrian Bushby. Loin d’être des novices, l’association avec les collaborateurs de Biffy Clyro, Muse ou encore U2 présente la perspective d’un son énorme. Sonnant comme une déclaration d’intention, ce More Than This saura-t-il porter The Luka State vers de nouvelles sphères ?

Un voyage cathartique

Cet album, très personnel, est marqué au fer rouge par un sentiment d’urgence, tant par son rythme que dans les thèmes abordés. Le chanteur y évoque ses démons et addictions, passés et actuels (“Ne veux-tu pas m’aider à réparer mon cerveau / Pourquoi est-ce que je m’auto-médique / Quand tout se résume à cela…“, scande Conrad Ellis sur “Losing Streak”). La doublette “Oxygen Thief” / “Losing Streak” détient la clef de lecture du disque, puisqu’elle dévoile les répercussions du traumatisme imposé par un “Oxygen Thief”. Ce morceau, profondément intime, permet au frontman de faire face à la personne responsable de sa descente aux enfers (“Je n’ai jamais voulu que cela devienne mon destin / Tu n’es qu’un voleur d’oxygène / Tu ne seras pas ma mort“)

Loin de se morfondre, la formation a à cœur de diffuser des messages de résilience, sans édulcorer les difficultés à y faire face. En contrepoids des titres précédents, “Two Worlds Apart”, et sa rythmique imparable, apporte un regard plus positif sur la possibilité de saisir la main tendue par ses proches. Cette capacité à faire jaillir l’espoir dans l’adversité se décline sur “Stick Around”, et ses envolées lumineuses proche d’un Jimmy Eat World. La signification de ce More Than This n’est au final pas envisagée comme un dû, mais bien une exhortation à trouver la volonté de sortir de sa condition, pour réaliser ses objectifs.

Rendez-vous en terrain connu

Sur la forme, ceux ayant été cueillis par l’incisive “Bury Me” ou “[insert girl’s name here]” du précédent album ne seront pas dépaysés. On retrouve ici l’ADN et les tirades enflammées de Conrad , soutenus par des musiciens bercés au rock alternatif et au punk. Dans ce nouveau disque, les brulots s’appellent “Oxygen Thief”, “Metamorphosis” et “Tightrope (Walking On A Wire)”. Avec ses accents de Queens Of The Stone Age, cette dernière trouvera sa place parmi les toutes meilleures compositions du groupe. Chant rageur, riffs tranchants et frappes ultra puchy nous emmènent dans un tourbillon susceptible de faire chavirer plus d’un amateur de rock.

Et que dire du single “More Than This” ? Non content de nous prendre aux tripes avec son timbre rocailleux, ce morceau transpire l’authenticité au moment d’évoquer le quotidien d’une mère célibataire, cumulant les jobs mais peinant à nourrir ses enfants. Joignant les actes aux paroles, les Anglais ont fait le choix de reverser le budget du clip à une banque alimentaire de Grande Bretagne. Preuve que la classe du quatuor ne se limite pas au domaine musical.

Kings of Albion

Alors que les mélodies naviguaient jusqu’à présent dans des eaux on ne peut plus British, la fin du disque nous emmène soudainement de l’autre côté de l’Atlantique. “Swimming Backwards” nage vers les rivages nord-américains, et plus particulièrement vers le Tennessee. “Change” fait carrément croire à un B-side de Kings Of Leon, avant que l’acoustique “Movies” ne parachève la comparaison avec les interprètes de “Use Somebody”. Cette ballade très réussie permet de conclure sur une douce note d’espoir, après un voyage cathartique au sein d’un album nerveux.

Ce trio final apporte une nouvelle couleur à un ensemble qualitatif, mais parfois trop homogène. Individuellement, certains morceaux devraient tout emporter, mais ne ressortent finalement pas suffisamment de leurs voisins. Certains salueront la cohérence des enchainements, d’autres en attendront “more than this“.

Si cet album gagnerait à présenter davantage de nuances mélodiques, l’authenticité déployée par The Luka State lui confère un charme fou. Viscéral et accrocheur, cette immersion dans le combat de son leader fait mouche. Après la sortie de Circa Waves, ce début d’année confirme que le rock alternatif britannique se porte à merveille.