Quarante-sept. Mon lecteur multimédia m’indique que ce n’est qu’à la quarante-septième écoute que “Noctourniquet” a réellement pris forme dans mon esprit. Les quarante-six premières fois, le dernier bébé de The Mars Volta paraissait vraiment obscur. Vous me direz : “Avec eux, au début, c’est toujours comme ça.” Pas faux. Formation winneuse issue du split de At The Drive-In, The Mars Volta a marqué la deuxième moitié des années 2000 par d’incroyables clips vidéo, des albums épiques et des pas de danse mystiques. De “De-Loused In The Comatorium” (2003) à “Octahedron” (2009), en passant par le mythique “Frances The Mute” (2005), les compositions rock prog d’Omar Rodriguez-Lopez et les paroles out of space de Cedric Bixler-Zavala ont conquis un public fidèle. Mais après cinq albums particulièrement empreints de l’univers psychédélico-parano-syncrético-éclectico-alternatif du sieur Lopez- Rodriguez, et au moment où At The Drive-In annoncent leur réunion, le speedball estampillé TMV a- t-il encore le pouvoir de nous envoyer en l’air ?
Tout commence avec “The Whip Hand”, un titre qui comporte les éléments typiques de TMV : ces fameux sons évoquant une ambiance SF et un rythme imprécis. Comme d’habitude, le chant a tendance à s’égarer dans des cris d’alerte. D’ailleurs, sur “Aegis”, le refrain présente des airs de “Inertiatic ESP” (“De-Loused In The Comatorium”) : à la place de “Noooow I’m loooo-o-ost….”, Bixler-Zavala nous informe qu’il est “runnin’awaaaay-aaayyyy”… D’entrée de jeu, “Noctourniquet” ne brille pas pour son originalité. Il y a dix ans, “Dyslexicon” passerait pour un morceau génial grâce à sa construction et à l’incompréhensible écriture de l’inénarrable Cedric… si le couple ex-ATDI ne s’était pas enfermé dans un autisme musical. Même “Empty Vessels Make The Loudest Sound” file une impression de déjà-vu. Nous sommes conscients qu’ils ne tiennent pas à refaire “The Widow” (“Frances The Mute”) mais la comparaison s’impose. Ajoutons à cela “The Malkin Jewel” – premier extrait dont le choix nous échappe encore -, et “Noctourniquet” tourne à l’auto-caricature. TMV sont-ils arrivés au bout de ce qu’ils pouvaient donner ? C’est la question que nous nous posons quand nous écoutons “In Abstentia”. La première partie de ce morceau rappelle énormément ceux du projet solo/collectif Omar Rodriguez-Lopez Band MOINS les voix extra-terrestres qui font flipper au début des titres. Cependant la deuxième partie, ballade mid-tempo électro agrémentée de la ligne de basse d’Alderete, parvient à nous enivrer durablement. Toujours déconstruites, les percussions sèment un chaos de moins en moins réjouissant. Deantoni Parks n’a pas le poignet leste de Pridgen, qui s’est séparé du groupe (à moins que ce ne soit l’inverse ?) pour des raisons obscures. L’impressionnant Parks paraît servir de faire-valoir sur cet énième trip de TMV, encore bizarre, encore atmosphérique, et malheureusement fade. Dans notre contexte, il nous est impossible de ne pas prendre en considération l’histoire du projet The Mars Volta. Deux piliers d’une formation underground bosseuse et innovante; paroles “what the fuck?” et sensibilité conceptuelle : dans les années 2000, TMV était un groupe de rêve. Mais avec “Noctourniquet” et la liaison prolongée de Bixler-Zavala avec un mannequin, les doutes surviennent. Après “In Absentia”, l’ennui prend le pas sur la stupeur. Au risque de passer pour des fans trop exigeants ou à côté de la plaque, nous devons dire que ça s’enlise dans le n’importe quoi; et bien que nous admettions la cohérence sonore du début de “Noctourniquet”, la suite manque de saveur. Quand nous pensons au retour de At The Drive-In et à l’incomparable énergie qui habitait chacune de leur compo, nous perdons patience au bout de trente minutes de progressive branlette américaine.
Alors cet album vaut-il la peine d’être écouté une quarante-huitième fois ? Oui et non. Mis à part les petites sensations que peuvent procurer les quelques éclairs de génie et la sensualité inhérente au monde de TMV, il n’y a pas de quoi s’exciter. Cependant, à la place, nous vous suggérons de les rencontrer sur la route des festivals, et même d’attendre la sortie du prochain album de At The Drive-In (avant qu’ils ne remettent ça avec une scission entre eux-mêmes). Malgré l’évident, extrême enfermement du couple Bixler-Zavala/Lopez-Rodriguez dans leur propre délire, nous avons hâte de voir les trois/quatre garçons d’El Paso (Texas) exécuter la salsa chamanique dont seuls des esprits planants et brillants peuvent détenir le secret.
Informations
Label : Warner Music
Date de sortie : 26/03/2012
Site web : www.themarsvolta.com
Notre sélection
- Aegis
- In Absentia
- Molochwalker
Note RUL
3.5/5