Découverts lors de la dernière venue de Frank Carter And The Rattlesnakes, la prestation de The Mysterines avait largement piqué notre curiosité. Les Liverpuldiens s’étaient notamment distingués par le charisme de leur chanteuse. La sortie du second album, Afraid Of Tomorrows, est donc l’occasion de se plonger dans leur univers grunge, afin de confirmer cette première belle impression.
Une ambiance sombre et puissante
Une fois n’est pas coutume, la première écoute de ce disque nous pousse à nous intéresser à son architecte sonore. Un rapide coup d’œil aux crédits nous apprend que son producteur n’est nul autre que John Congleton. Loin d’être un inconnu, ce dernier a notamment poli les sorties de The Murder Capital ou d’Anna Calvi. Une patte qui entre en résonance avec la quarantaine de minutes auxquelles nous venons d’assister, projetant une ambiance sombre, parfois oppressante. Il y a du Savages dans cette ombre déployée dès la fin du morceau d’ouverture “The Last Dance”. Tout ici est une question de ressenti, de cohérence globale. L’auditeur est invité à se poser pour s’enfouir dans la forteresse ténébreuse du groupe, mitoyenne de ses propres turpitudes.
La construction de cette œuvre semble avoir été découpée en plusieurs phases de morceaux homogènes, qui se répondent. Après une doublette introductive composée de titres accrocheurs (“The Last Dance”, “Stray”), l’ensemble s’enfonce progressivement dans un crescendo lancinant. “Tired Animal” succède ainsi à l’envoûtante “Another Another Another”. Le tempo est lent, l’atmosphère à peine réchauffée par la basse de “Jesse You’re A Superstar”.
Grunge, mais pas que
La voix suave de Lia Metcalf semble danser dans les ténèbres, investissant des territoires marqués du sceau d’une PJ Harvey. Elle peut tour à tour inspirer la lumière (“Hawkmoon”) comme déchaîner l’orage (“Sink Ya Teeth”). Sur ce single, son spectre vocal se rapproche de la fougue teintée de morgue de Brody Dalle (The Distillers). La doublette mid-tempo “Junkyard Angel” / “Goodbye Sunshine” illustre cette voix chaude et lascive, habillée de quelques pointes de guitare.
Si les compositions s’appuient sur le classique combo guitare/basse/batterie, la formation esquisse quelques pas de côté des plus prometteurs. “Inside A Matchbox” dégage ainsi une couleur chamanique par ses sonorités orientales surprenantes. On soulignera la beauté des arpèges utilisés sur ce morceau amenant une soudaine quiétude. “So Long” achève de baigner la fin du disque dans la lumière. L’intégration d’un synthé aérien, conjuguée à quelques timides (mais prometteuses) incursions en voix de tête donne à ce morceau l’impression d’être touché par la grâce.
Le principal reproche que l’on pourrait faire à cette sortie est l’omniprésence d’un effet appliquant une distorsion sur la voix de Metcalf. L’ultime morceau-titre est assez révélateur, poussant à écourter l’écoute sur cette surprenante conclusion country. De même, “Junkyard Angel” voit son potentiel mélodique gâché par un curseur de distorsion poussé un peu trop haut. Dommage tant le hit n’était pas loin.
Afraid Of Tomorrows est le genre de disque qui nécessite une immersion. Il est de ceux qui se dégustent casque sur les oreilles, isolé dans une chambre seulement éclairée par les lumières de la ville. On peut alors saisir chaque goutte de cette opacité d’ensemble, pour mieux savourer les quelques fêlures laissant passer la lumière. Certaines chansons sont un peu trop linéaires, mais la construction nourrit de grands espoirs pour la suite. Il confirme que The Mysterines est sur la voie et n’a aucune raison d’avoir “peur de demain“.
Informations
Label : Fiction Records
Date de sortie : 21/06/2024
Site web : themysterines.com
Notre sélection
- So Long
- The Last Dance
- Jesse You’re A Superstar
Note RUL
3,5/5