The Pineapple Thief – It Leads To This

Le travail intense de trois années, évoqué fréquemment par Bruce Soord lors d’interviews, a finalement abouti à des résultats concrets. Quatre ans après Versions Of The Truth (2020), la formation de rock progressif The Pineapple Thief signe un quinzième album sans prise de risque, mais largement réussi. It Leads To This, un disque tout en légèreté et en délicatesse, vient conforter encore sa place sur la scène progressive actuelle – une place dont personne ne doutait.

Comme sur un nuage

Comme à son habitude, la musique de The Pineapple Thief impressionne par la précision de ses arrangements et de sa production. L’ensemble est harmonieux, et chaque morceau semble avoir été pensée pour complimenter les autres. Particulièrement, les grooves de batterie de Gavin Harrison (batteur emblématique de King Crimson et Porcupine Tree, il a rejoint la formation en 2016) trouvent toute leur place sans en prendre trop, comme sur “Put It Right” et “Every Trace Of Us”. La voix rassurante et posée de Bruce Soord, principal compositeur du groupe, offre cohérence et accessibilité au tout.

Peut-être plus encore que sur les albums précédents, le groupe semble avoir misé sur la construction d’un univers atmosphérique captivant. Le clavier y est pour beaucoup, avec une utilisation parfaitement maîtrisée de différentes textures de son, allant jusqu’à rappeler des sonorités percussives sur “All That’s Left”. Du début à la fin, le disque propose à ses auditeurs comme fil conducteur une sensation d’apaisement qui n’est que rarement perturbée. Un voyage tout en légèreté, comme sur un nuage.

Un chaos organisé

Mais le beau temps laisse parfois place à quelques orages. Si les chansons s’enchaînent avec une fluidité déconcertante, elles laissent une certaine place aux surprises et aux expérimentations. “Rubicon”, deuxième titre du disque, semble annoncer une couleur plus contrastée, avec son riff saccadé et entêtant. Il se positionne finalement comme le morceau le plus rock du disque, évoquant la place de “Far Below” sur Dissolution (2018). D’autres chansons comme “The Frost”, titre d’ouverture de la tournée débutée en février, proposent également des sonorités plus lourdes. Mais au fil de l’album, celles-ci sont rapidement rattrapées par des passages atmosphériques où voix harmonisées et guitares d’ambiance se marient avec délicatesse. Le son est tellement épuré que c’est avec une délicieuse surprise que nos oreilles accueillent le solo de guitare de “All That’s Left”, qui démarre avec une note aiguë et perçante, presque dérangeante tant elle dénote de l’ambiance dominante.

Ainsi, rythmes impairs et sonorités stridentes viennent alimenter l’impression de chaos organisé qui se dégage de It Leads To This. Comme si les instruments, dans de rares instants de rébellion, cherchaient brusquement à exprimer leur frustration avant d’être rattrapés avec finesse, nous laissant parfois sur notre faim. Des discontinuités qui imposent momentanément une ambiance plus pesante, rappelant l’un des thèmes abordés par l’album : l’angoisse qui accompagne le regard d’un père sur le monde dans lequel vont grandir ses enfants.

Avec It Leads To This, The Pineapple Thief confirme ce qui rend son style unique. S’il incorpore des éléments d’une complexité certaine, propres au genre musical dans lequel il s’inscrit, ceux-ci sont toujours nuancés par une ambiance apaisante et légère, rendant le tout plus accessible. Sans trancher avec ses productions passées, le groupe fait ce qu’il sait faire de mieux et nous plonge avec douceur dans l’univers sonore qu’il a construit pour l’album.