Même les légendes n’y échappent pas. Face à la COVID-19, petits et grands groupes sont tous égaux. Contraint d’annuler sa tournée américaine, la formation de rock alternative culte The Smashing Pumpkins a mis ce temps à profit. Il nous revient aujourd’hui avec un double album intitulé “CYR”. L’imprévisible et l’insatiable folie créatrice de son leader, Billy Corgan, est-elle toujours capable de faire des miracles ? Ou fera-t-elle cette fois-ci exception ?
Cela ne date pas d’hier
S’il y a bien un artiste qui n’a pas attendu un confinement pour être prolifique, c’est Billy Corgan. Il y a vingt-cinq ans déjà, les Américains s’illustraient avec le cultissime “Mellon Collie And The Infinite Sadness” (1995), l’album double le plus vendu des années 90 dans le monde ! Pour “CYR”, son géniteur aurait écrit trente-cinq chansons pour ne finalement garder que les vingt meilleures. Désireux de combler l’attente et de préserver le lien avec son public, Billy Corgan a partagé pas moins de dix titres. Soit la moitié du disque, du mois d’août au mois de novembre. Mais la raison de ce teasing intensif a peut-être une autre explication.
La couleur de la différence
Pas du genre à faire des concessions, le maître à penser des Smashing Pumpkins a gardé la mainmise sur cette onzième production. Si Rick Rubin était le producteur de l’album précédent, c’est cette fois Billy himself qui s’y colle. Drivé par l’idée de faire une musique contemporaine, The Smashing Pumpkins abandonne tous les fondamentaux qui ont fait son succès. Les guitares abrasives de son rock alternatif laissent la place à une profusion de synthés analogiques. De même, une boîte à rythme recouvre la batterie de Jimmy Chamberlin. En résulte une new wave mélodique et dansante (“Colour Of Love”) et parfois teintée de mélancolie (“Birth Grove”). On est clairement plus proche d’un disque solo de Billy Corgan que du rock énergique des Smashing Pumpkins. Seule “Wyytch” conserve quelques réminiscences où la distortion d’une guitare prête à sourire. Mais voilà, c’est bien maigre sur soixante-douze minutes de musique, dont la grande moitié est assommante de répétition.
Une frustration à la hauteur de l’ambition
Très vite, “CYR” apparaît pourtant comme un objet mur et réfléchi, présenté par son géniteur comme “une folie dystopique”. La production est soignée, la pochette est attirante, cinq morceaux ont fait l’objet de clips animés et les paroles, carrément cryptiques et spirituelles, sont le fruit d’heures de travail et de réflexion. L’approche musicale, qui rend hommage aux Sisters Of Mercy et autre Joy Division, relève également d’un parti pris assumé. Mais voilà, le soleil de l’ambition ne chasse pas le nuage de la frustration. Hormis les singles entêtants et dansants (“Cyr”, “Anno Satana”), la ballade “Save Your Tears” et quelques moments isolés ici et là, “CYR” souffre d’une grande linéarité. Les rythmes et les ambiances se suivent et se ressemblent. Même après de nombreuses écoutes, il est difficile de ne pas trouver le temps long.
Faire moins, mais mieux
Pourquoi ? Pour son précédent album, The Smashing Pumpkins avait fait le choix inverse en proposant huit titres pour seulement trente minutes de musique. Sachant difficile de reproduire le génie du double album suscité, les Américains avait fait le tri du trop pour s’assurer de proposer un ensemble qualitatif. Essai qui aurait pu être brillamment réitéré si “CYR” avait vu son nombre de morceaux divisé par deux.
Informations
Label : Sumerian Records
Date de sortie : 27/11/2020
Site web : smashingpumpkins.com
Notre sélection
- Cyr
- The Colour Of Love
- Save Your Tears
Note RUL
2,5/5