Chroniques

Ty Segall – Fudge Sandwich

Prolifique, c’est le mot qui convient pour définir la figure du garage californien nommé Ty Segall. Batteur, chanteur, guitariste, il compose plus vite que son ombre depuis déjà plus d’une décennie. Avec quatre albums étalés sur l’année 2018, dont le dernier “Orange Rainbow” uniquement disponible en cinquante-cinq exemplaires sur cassettes audio, ce dernier a décidé de ne pas s’en arrêter là en nous dévoilant un projet proche du “Spaghetti Incident” (1993) des Guns N’ Roses croisé avec l’album fictif “Shark Sandwich” de Spinal Tap. Ce mélange intriguant donne cet album de reprises intitulé “Fudge Sandwich”.

Au delà de la référence, ne jugeons pas un album à sa pochette. Si nous avions adapté cette philosophie, l’Histoire n’aurait pas retenu certains joyaux que nous chérissons aujourd’hui. Même s’il ne s’agit pas de compositions originales, légion sont les reprises ayant plus de succès. Ici, ce n’est pas ce qui nous intéresse. C’est de constater si la personnalité du jeune prodigue transcende les onze titres sélectionnés.

L’hymne de War “Low Rider” ouvre les festivités avec cette déferlante fuzz qui est la signature du Californien. L’esprit funk de la piste d’origine demeure intact, avec une touche flirtant avec les dissonances du grunge, conférée par la voix lancinante à souhait du jeune homme. On peut déplorer une légère perte d’énergie, palliée par le titre suivant, “I’m A Man” par The Spencer Davis Group. L’énergie est au rendez-vous, apportée par une ligne de basse lourde et des choeurs entêtants. Le tour de force commence avec “Isolation” de John Lennon, là où Ty Segall emprunte à d’autres artistes absents de la compilation. Nul ne peut nier ne pas penser à Marc Bolan et à ses envolées lyriques au sein de T-Rex lors de l’interprétation de la ballade de l’ex Beatles, dont le piano a été remplacé par des guitares aux couleurs passées et aux sonorités distordues.

Curieusement, ce sont les chansons engagées qui prennent encore plus de sens dans la bouche de l’artiste. “Class War” des Dils suit un traitement folk englobant le tout dans une faille temporelle nous ramenant à la fin des années 60. Le contre-pied est un outil plus qu’intéressant quand il s’agit d’interprétation à sa sauce. On peut même pousser l’atmosphère d’un morceau dans ses retranchements, comme avec l’excellent “Pretty Miss Titty” de Gong qui atteint des sommets mystiques avec uniquement la sobriété de sa production. Notons que Amon Düül II est honoré cette année d’une seconde reprise de son “Archangel Thunderbird”, la première figurant sur le dernier album des Breeders, “All Nerve“.

L’ensemble, de par la qualité de sa production musicale et un bon goût certain de Grateful Dead à Neil Young, demeure bien plus qu’agréable. Loin d’être indispensable, l’artiste déclare avoir fait ça pour le fun. Mais pourquoi faire simple quand on peut faire plaisir aux auditeurs ?

Il est important de savoir d’où l’on vient. Dis moi ce que tu écoutes, je te dirais qui tu es. Qu’il s’agisse d’un jeune groupe jouant à la fête de la musique de Massy Palaiseau ou un artiste remplissant les stades, l’art de la reprise n’est pas chose aisée. Ty Segall réussit haut la main ce défi lancé à lui-même, pour le plaisir de nous faire découvrir ou redécouvrir les artistes qui ont façonné le musicien talentueux qu’il est aujourd’hui. Une chose est sûre, le résultat est bien plus digeste que sur la pochette.

Informations

Label : In The Red
Date de sortie : 26/10/2018
Site web : www.ty-segall.com

Notre sélection

  • Isolation
  • Class War
  • St. Stephen

Note RUL

3/5

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