Homme de discrétion et hyperactif de création, Ty Segall parcourt les routes depuis 2008 et se voit élu comme nouvelle figure de la survie du rock. Gros dormeur, comme l’indique le nom de l’album, Ty Segall n’en demeure pas moins un jeune rocker sur-productif; il est le créateur d’une dizaine d’opus, tous sortis entre 2008 et aujourd’hui. Une discographie qui lui a permis de parcourir un éventail de genres allant du lo-fi au glam en passant par le surf et le space rock pour en arriver à l’accalmie folk de “Sleeper”.
Comme depuis le début de sa carrière, le californien surfe sur la vague de l’inattendu. Son dernier effort en date, “Twins” (2012), aux teintes glam rock, mêlées à son esprit grunge, ne laissait pas présager le devenir d’un essai folk. Album remède et introspectif, Ty Segall compose cet opus à la suite du décès de son père et des disputes qui ont suivies avec sa mère. Au lieu de délivrer sa colère et sa tristesse dans un effort énervé, l’artiste fait le choix du pragmatisme. Dans cet album, Segall fait ressortir la simplicité et l’évidence du couple chant/guitare sèche (“Sleeper”, “Crazy”). Dans la logique des choses, “Sleeper” commence en douceur avec son titre éponyme. On y découvre alors une voix angélique, en contraste avec la voix rauque et l’énergie garage de “Lemons” (2009). Toutefois, Ty Segall est loin d’avoir souhaité un album naïf. “Sleeper” est paisible mais qui renferme une charge émotionnelle que l’on ressent dans le cynisme des chansons comme “She Don’t Care” qui oscille entre acceptation et lamentation; ou encore à travers l’acharnement de sa guitare qui se fait robuste et tenace. Elle se charge de tonifier les chansons, notamment “The Man Man”, sans doute la plus entrainante de l’ensemble, qui, avec son rythme franc, termine par l’offrande de la seule explosion électrique de la galette, dans un solo aguichant. Les titres battent de cette amertume que l’on ressent dans un chant souvent aigre et aux connotations désabusées (“She Don’t Care”, “The Keepers”); mais aussi par l’effet trainant du rythme appuyé de “The Keepers”. Segall joue également de la satire dans “Crazy” avec une énergie déjantée tout en gardant un calme épuré avec le combo chant/guitare, simple mais solide. Chaque morceau contient une couleur différente, reflétant le goût de Segall de se frotter à toutes sortes d’influences musicales. L’aspect glam ressort dans le chant de “Sweet C.C.”, l’euphorie pop psychédélique dans “Crazy” et les senteurs américana des Black Rebel Motorcycle Club ne sont jamais loin, par son timbre de voix et le bottleneck de “6th Street”. Entre ange et démon, l’angélique des choeurs de “Come Outside” se disloque en dissonances méphitiques, le tout rythmé par une avancée country aux battements opaques. Le rocker californien livre une légèreté musicale qui couve une réelle profondeur. “Queen Lullabye” avec l’atmosphère pesante de son grondement de fond et une énergie pleurante en est toute l’illustration. Mais, histoire de laisser l’auditeur sur une note agréable et optimiste, Ty Segall clôt le disque en faisant le choix de l’ensoleillement de “The West”.
“Sleeper” est un album d’un grand esprit qui marque à nouveau la richesse créative de Ty Segall. Malgré l’aigreur cachée, la légèreté de cet épisode folk est un véritable havre de sérénité qui apaisera nos nuits. Inépuisable jeune rocker, Segall se démène également en assurant le rôle de batteur et de chanteur dans le groupe hard rock Fuzz, aux côtés de ses amis Charlie Mootheart (guitare) et Rolan Casio (basse).
Informations
Label : Drag City
Date de sortie : 24/08/2013
Site web : ty-segall.com
Notre sélection
- Sleeper
- She Don't Care
- Sweet C.C.
Note RUL
4/5