When Reason Collapse – Dark Passengers

Il y a parfois des groupes qui ne reçoivent pas la reconnaissance qui leur est due. C’est le cas de la formation de deathcore/metalcore When Reason Collapse qui, depuis sa création en 2008, a déjà fait trois tournées européennes, sans se faire remarquer outre-mesure dans la scène parisienne. Pourtant, le premier album “Dark Passengers”, faisant suite à deux EP (“Tale Of Crime” en 2010, puis “Full Of Lies” en 2011), nous démontre que le quintette a largement sa place dans le genre, surtout que ce dernier a le mérite d’être auto-produit.

“All Roads Lead To Chaos”, avec son introduction crescendo, explosant de façon brutale et mélodique, résume l’opus, sans pour autant dévoiler le plus surprenant : un chant féminin, dont les growls n’ont rien à envier à ses homologues masculins. Bien au contraire, au milieu de la testostérone, la vocaliste apparaît comme un médiateur efficace entre la brutalité, la hargne qu’elle exprime, et une certaine délicatesse à fleur de peau, que l’on retrouve dans la saturation de son chant.

La formation, portée par le duo Cristina (chant) et Thierry (guitare) à l’écriture, nous offre des morceaux riches, qui ont la qualité de ne pas être saturés : chaque membre a sa place dans ce tourbillon sonore, et tous sont audibles de façon équitable. La belle part est faite à la basse de Michaël, lourde et efficace, qui ne s’efface pas derrière les envolées des guitares de Julien et Thierry, ou les martèlements de la batterie de Guillaume (“Breaking The Silence” est assez représentatif à ce sujet).

La lourdeur et la technique font écho à ce que l’on peut trouver dans les textes : l’ordre au-delà du chaos, de la lumière derrière l’obscurité. Lorsque la musique s’évanouit après l’éponyme “Dark Passengers”, c’est un champ de questionnements qui nous est laissé. Contrairement à ce que dit son nom, When Reasons Collapse ne fait pas s’évanouir la raison, mais l’éveille bel et bien. Les textes nous renvoient à notre condition d’être humain dans ce qu’il a de moins magnifié, de plus laid et détestable. Le portrait est celui d’un Homme, pécheur, qui a ouvert la boîte de Pandore (“No Time For Regrets”, “Anesidora”), et en subit les conséquences; il est un être brisé, dont le passé et la soif de vengeance le hante (“Breaking The Silence”, Past In Peace”), et ne maîtrise pas sa vie, soumis au pouvoir (“Our Way To Oblivion”), la mort semble être la meilleure alternative (“Doomsday”).

Ce qui est intéressant, c’est que l’on ne parle pas de noirceur pour parler de noirceur, mais parce qu’il y a un dépassement. A travers tout un champ lexical de la croyance, de la rédemption, la chanteuse nous offre des éléments de réponse pour nous en sortir, de l’espérance en quelque chose de meilleur. Aller de l’avant, tenter de reprendre possession de sa vie, malgré le mal qui peut exister. Derrière des cris bruts, dont la signification ne nous est pas directement offerte, il y a des textes pleins de sens, porteurs de lumière. Et pour ceux qui en douteraient, un bref coup d’oeil à la pochette nous rassure sur nos suppositions : l’Homme au milieu, tourne le dos à un lieu détruit, dans lequel les mains (les fantômes de son passé ?) essaient de l’attraper, et fait face à une ville pleine de lumières, mais le vide rend le passage de l’un à l’autre plus difficile, il ne peut, pour l’instant, que contempler un horizon meilleur, et ne pas abandonner.

Au final, “Dark Passengers” prouve que, tant dans la construction des morceaux que dans les paroles, When Reasons Collapse est un groupe qui balance sa part d’ombre avec celle de lumière de façon habile, et technique. Le disque est bien plus poétique que ce qu’il laisse présager, et l’on en sort décrassé, comme d’un purgatoire des passions, pour nous laisser face à notre raison, pour que celle-ci ne s’évanouisse pas et ne laisse place à ce “dark passenger” qu’est la peine, mais bien plutôt s’éveille, et nous garde debout.