Zeal And Ardor – GREIF

Quatrième album pour Manuel Gagneux et sa bande. Le pari osé de mêler le metal à la soul et au negro spiritual a payé. Zeal & Ardor est désormais prêt à inclure d’autres couleurs à sa palette si particulière.

Double face

Choisi comme tout premier single, “to my ilk” fait office d’uppercut surprise de la part du groupe. Après un disque éponyme ravageur (2022), avec son lot de morceaux sulfureux et agressifs, Manuel Gagneux et ses compères prennent le parti d’introduire les choses en douceur. Avec ce morceau qui figure parmi les moins agressifs de sa discographie, le groupe montre déjà que ses intentions sont moins houleuses qu’à l’accoutumée. Et ça fonctionne ! Passée la relative déception de ne pas avoir des rouleaux-compresseurs metal à la chaîne, on en vient à apprécier ces titres (relativement) plus doux.

L’ensemble compte heureusement des uppercuts violents auxquels la formation nous avait habitués. Rien qui se rapproche de la violence d’un “I Caught You” ou “Götterdämmerung” du précédent album, mais la lourdeur est bien là. “Kilonova”, “Hide In Shade” ou encore le deuxième single “Clawing Out” montrent que le groupe en a encore dans le coffre et a toujours envie d’en découdre. Même “Are You the Only One Now?”, d’apparence inoffensif dans ses premières minutes, se montre mordant à l’approche de sa conclusion.

Cette drôle de juxtaposition, qui a toujours été dans l’ADN de Zeal & Ardor, fait aussi écho au concept de GREIF. Toujours fortement politisé, le groupe a choisi en plus de faire honneur à une tradition ancestrale de sa ville natale, Bâle, en évoquant dans le titre et dans la pochette régalienne de l’album, le Vogel-Gryff. Un personnage déguisé en griffon qui vient, chaque année, se moquer du côté bourgeois de la ville et apporter un soutien à celui plus populaire.

Éventail de sonorités

Sans aller jusqu’à dire que Zeal & Ardor a exploré des contrées musicales radicalement éloignées du concept original, GREIF est l’occasion pour les Suisses d’emprunter de nouvelles voies dans leurs compositions. On retrouve bien sûr ces mêmes hooks emprunts de gospel qui font la marque de fabrique du projet depuis ses débuts (sur “Go home my friend” par exemple), mais la formation se met à explorer d’autres sonorités.

Un exemple notable est le morceau “une ville vide”, entièrement instrumental, avec des arpèges et nappes de synthés envoûtants qui tranchent encore plus. Plus qu’un simple interlude, le morceau fait presque office de palate cleanser et de voyage introspectif avant que l’album ne reparte de plus belle. On aurait même voulu qu’il dure plus longtemps.

À d’autres endroits du spectre musical, on retrouve “Thrill”, titre lui aussi assez mordant, mais dont le riff recèle un groove certain qui s’écarte donc un peu du metal, tandis que “Solace” joue la note de la morosité avec une ambiance proche d’une bande-son pesante de polar.

Ce sont toutes ces nuances qui rendent GREIF beaucoup plus intéressant qu’il ne l’aurait été de prime abord. Tel un oignon, le disque se dévoile couche après couche, écoute après écoute. Les lieux communs du groupe sont toujours là, comme pour rassurer les fans, mais la présence de nouvelles sonorités vient sortir Zeal & Ardor (et les auditeurs) de sa zone de confort, tout en promettant, si le tout évolue dans cette même direction, de belles choses pour l’avenir.