Manuel Gagneux poursuit son défi fou de mélanger negro spiritual et black metal. Le projet solo devenu véritable projet commun continue son bout de chemin. Ce troisième album studio marquera-t-il l’essoufflement de la recette ou l’explosion du style de Zeal & Ardor ?
Une production léchée
Devil Is Fine (2016) et Stranger Fruit (2018) ont démontré que la fusion inattendue des genres affectionnés par le groupe peut fonctionner à merveille. La souffrance et la spiritualité qui se dégagent du gospel et du blues ancien se trouvent renforcées par les passages black metal. L’incorporation des éléments plus industriels et les jeux sur la rythmique permettent d’instaurer une forme de modernité glaçante, qui, une fois encore, sert le propos. Ce nouvel album, donne lieu forcément lieu à des attentes plus élevées. Une envie de voir jusqu’où le concept peut être poussé.
Dès le premier titre éponyme, il est évident que le travail de production a progressé. La densité du son comme l’intensité du de la voix de Manuel prennent vite aux tripes. Lorsque Zeal & Ardor verse dans l’indus, la voix prend des airs de vieux Marilyn Manson avec la sauvagerie d’un Nine Inch Nails. La formation joue la carte de la fluidité des genres. Elle passe d’une couleur à l’autre, d’un rythme à l’autre avec adresse. Malheureusement, l’émotion n’est pas toujours au rendez-vous comme sur “Erase”. Chaque partie fonctionne, mais le lien n’arrive pas à suffisamment se faire pour convaincre. Comme si la maîtrise de la production et de la composition se faisait parfois au détriment du feeling.
Une quête spirituelle
Zeal & Ardor captive quand le groupe arrive à canaliser toute la souffrance des origines du negro spiritual. Cette douleur semblait mieux apprivoisée dans les précédents disques. “Golden Liar” démarre avec ce blues qui manque un peu dans les autres morceaux. Le minimalisme de la première partie du morceau lui confère une dimension mystique. Une guitare lancinante semble répondre au chanteur esseulé. La progression de fin, soutient bien la rage du personnage. Sur “Feed The Machine”, la fureur des passages violents contre balancent bien les passages qui puisent dans la soul. La rage ressort, telles des pensées trop longtemps contenues, qui ont besoin d’exploser au grand jour.
L’agressivité des riffs de “I Caught You” associés avec les jeux de voix de Manuel offrent un spectacle auditif inédit et accrocheur. Le titre reflète toute la virtuosité dont peut faire preuve Zeal & Ardor. Cette capacité à ne se mettre aucune barrière. C’est parfois dans les morceaux qui incorporent le moins de genres que Zeal & Ardor brille le plus dans ce nouvel album. En effet, Manuel sait apporter un groove séducteur dans sa résignation affirmée. “Bow” en regorge de manière jouissive. “Church Burns” alterne plus classiquement violence et apaisement. L’utilisation de l’allemand “Götterdämerung” vient durcir le ton d’un morceau intense.
Zeal & Ardor réussit son pari avec brio.
Informations
Label : MVKA
Date de sortie : 11/02/2022
Site web : www.zealandardor.com
Notre sélection
- Feed The Machine
- I Caught You
- Götterdämmerung
Note RUL
4/5