Interviews

A PERFECT CIRCLE (03/03/18)

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Il aura fallu attendre quatorze longues années avant de retrouver A Perfect Circle dans les bacs. L’occasion était trop belle, RockUrLife s’est empressé de partir à la rencontre de Billy Howerdel, tête pensante du groupe pour une interview toute aussi profonde que le nouvel album de la formation américaine.

Salut Billy ! Bon retour à Paris, comment vas-tu ?

Billy Howerdel (guitare) : Je suis fatigué ! Je suis en Europe depuis six jours et concrètement, ce que je fais depuis c’est de répondre à des interviews et de commander des room services (rires). Mais je vais bien. Je voyage à travers le monde pour parler d’un album dont je suis très fier. Les choses pourraient être pires.

En même temps, après quatorze années de silence, tu te devais de marquer le coup ! Comment vis-tu le fait d’être de retour après tout ce temps ?

Billy : C’est comme si nous n’étions jamais vraiment partis. Nous avons fait des tournées en 2011, 2012, 2013 ainsi que quelques shows en 2014 aussi. Mais oui, pour ce qui est de la musique, nous n’avons sorti “The Doomed” qu’à la fin de l’année dernière. C’est un grand délai pour un album mais nous retrouver dans ce processus à nouveau fut très familier. Même si quelque part, nous n’avons pas travaillé de la même manière que nous avions l’habitude de le faire. Par exemple, j’ai voulu travailler avec un producteur extérieur pour voir si nous pouvions explorer nos idées autrement afin de servir notre musique. Mais bon, pour la plus grosse partie, le processus reste le même. J’écris quelques idées, je les envoie à Maynard et on voit comment il se sent à propos de ces ébauches. Nous décidons alors si nous travaillons dessus, ou pas.

Avez-vous maintenu ce processus régulièrement durant quatorze ans ou est-ce que “Eat The Elephant” a été écrit à une période particulière ?

Billy : Nous avons vraiment commencé à travailler dessus en janvier 2017. Cet album fut créé surtout l’an dernier malgré le fait que nous soyons partis en tournée durant deux périodes. Cela nous a pris entre trois et six mois à enregistrer cet album. Mais ces quatorze années depuis “eMOTIVe” ont contribué à qui nous sommes devenus en tant que personne et à comment nous faisons de la musique. Donc quelque part, oui cet album a mis quatorze ans à naître.

Ce n’est donc pas un patchwork des différentes idées que vous avez pu avoir durant ces quatorze années ?

Billy : Certaines idées sont plus vieilles que d’autres. Le truc c’est que pour faire un album, il faut que Maynard et moi soyons à un même niveau d’implication. Et cette connexion est arrivée en 2017 même si durant ces quatorze années, nous avions déjà essayé de travailler sur certaines idées ici et là. Sauf pour “By And Down The River” qui a été écrite il y a quelques années déjà.  

On devine facilement le lien entre Maynard et toi comme étant le moteur créateur du groupe. Lequel d’entre vous deux a dit le premier “D’accord, allons-y, faisons cet album.” ?

Billy : Maynard. Sa disponibilité détermine quand nous allons pouvoir faire l’album. Il a trois groupes, une vigne, une famille. Tout cela représente beaucoup de paramètres à prendre en compte avant de pouvoir se plonger dans le processus qu’un album implique.

De ton côté, comment t’organises-tu en fonction des divers projets sur lesquels tu travailles ? Comment répartis-tu tes différentes idées ?

Billy : Je mets toutes mes idées dans un grand dossier et parfois, je joue certaines de ces idées à mes amis ou à ma famille. Je leur demande : “Qu’est-ce que tu penses de ça ? A quel groupe devrais-je attribuer cette chanson ?”. Et ça ne veut pas dire que je vais forcément suivre chaque recommandations. Mais je trouve intéressant d’entendre les retours des gens. La plupart du temps, je leur joue des chansons qui ne sont pas terminées. Pour cet album en particulier, toutes les chansons furent guidées par les choix de Maynard. Il faut voir s’il se sent inspiré par les idées que je lui envoie. J’essaie donc de lui fournir les meilleures ébauches possibles.

N’est-ce pas frustrant d’être autant dépendant des envies de Maynard ?

Billy : Bien sû que ça peut être frustrant mais c’est un paramètre dont j’ai connaissance depuis le début de ce projet en 1999. Je savais qu’il avait Tool donc qu’il m’accorderait le temps qu’il peut m’accorder quand ça lui sera possible. Donc oui, je peux dire que c’est frustrant mais j’ai pleinement conscience des conditions. C’est comme vivre dans une maison mais vouloir en avoir une plus grande. Tu dois trouver un nouveau travail et mettre de l’argent de côté afin d’obtenir cette nouvelle maison. Ce n’est pas le genre de chose qui va m’énerver pour être honnête. Mais si ça ne tenait qu’à moi, nous entamerions une nouvelle campagne pour un nouvel album, nous partirions en tournée, nous ferions une pause de six mois et nous recommencerions ce cycle ensuite.

 

 

Maynard semble être un étrange compagnon de route. Comment avez-vous construit cette relation entre toi et lui ?

Billy : Je pense que nous sommes d’abord devenus amis. Comme dans toutes bonnes relations, l’amitié vient en premier. Ensuite vient la confiance et les intérêts communs. Je crois que les films comiques est la première chose sur laquelle nous nous sommes connectés. Tu as besoin quand tu es assis à coté de quelqu’un d’avoir cette chose que tu ne peux pas clairement exprimer mais qui traduit une compréhension mutuelle entre les deux partis. C’était comme ça entre nous dès le début. Et musicalement nous avions des goûts en commun et d’autres pas du tout. Je pense donc que c’était un bon départ pour que ça fonctionne entre nous.

Quand nous écoutons l’album, nous ne sommes pas surpris qu’il sorte après quatorze années. Par quoi as-tu été influencé pour le composer ?

Billy : C’est un peu étrange à dire mais ce sont surtout les expériences de vie qui m’inspire. Plus ça va, plus il est facile de faire de la musique pour tout le monde. La technologie rend ça vraiment plus simple. Même écouter de la musique, la musique que nous avons toujours écouté c’est devenu plus simple. Lorsque j’entends Pink Floyd ou Missing Persons aujourd’hui, ça n’a pas la même résonance que lorsque j’écoutais au tout début. Je peux déconstruire aujourd’hui ce que j’écoute. Ce qui est une pratique dangereuse car tu peux désormais identifier où se trouve la bizarrerie dans ce que tu aimes et ainsi perdre la passion. J’essaie donc de rester concentré mentalement. Je n’essaie pas d’être plus efficace dans ma manière de faire de la musique. C’est aussi pour ça que j’ai voulu travailler avec un producteur. Musicalement, j’ai été influencé par beaucoup de choses durant ces années. Des vieux groupes évidemment mais aussi des choses plus nouvelles comme The Horrors ou Fever Ray.

Tu as produit les trois premiers albums de A Perfect Circle, mais pas celui-ci. Pourquoi ce choix subitement ?

Billy : Je voulais essayer quelque chose de nouveau. Je voulais me sentir plus comme un musicien que comme un producteur. J’ai préféré dirigé les choses à partir de mon coeur et non pas à partir d’un ordinateur. Tu peux avoir un résultat considérablement différent en laissant le contrôle à quelqu’un d’autre, même si vous semblez suivre le même but.

Aujourd’hui, les gros groupes ont plutôt tendance à s’autoproduire, notamment parce que c’est devenu plus facile comme tu l’as dit. Vous prenez donc la direction opposée.

Billy : J’avais l’habitude de produire mes propres albums notamment parce que j’étais trop nerveux à l’idée de présenter ma musique à d’autres personnes. Je ne savais pas si j’étais capable de communiquer correctement mes idées concernant ma musique. Et, un autre paramètre qui a beaucoup compté sur cet album est que nous avons signé un contrat avec une maison de disque, BMG. Nous avions donc plus d’argent pour faire cet album. Et c’était appréciable d’avoir la liberté d’embaucher quelqu’un pour nous aider sur ce projet.

Parfois, les groupes se perdent lorsqu’ils ont un budget pour faire un album. Comme s’ils n’arrivaient pas à gérer l’ensemble des possibilités et se perdaient en chemin.

Billy : La raison pour laquelle j’ai d’abord commencé à travailler pour d’autres groupes était surtout d’apprendre ce qu’il faut et ne faut pas faire. J’ai vu ce genre de mésaventures arriver à beaucoup de groupe. Les gros groupes ont beaucoup d’argent tout le temps. Donc j’ai appris à ne pas être floué par ça. Et Maynard excelle de son côté avec les deadlines et les plannings. Ca rend la chose plus facile car quand tu n’as pas tout le temps à ta disposition, tu te dois de rester concentré sur ton but. Comme si quelqu’un connaissait la date de sa mort, il aurait une approche différente de sa vie. C’est un exemple un peu extrême mais ce que je veux dire c’est que l’urgence nous a beaucoup aidé pour cet album.

Tu pratiques la méditation. Est-ce que cela t’aide dans ta musique ?

Billy : Cela m’aide dans tout. Dans tout ce qui m’arrive dans ma vie. Cela influe sur ma manière de voir le monde, sur ma manière de me connaître moi-même. Parfois tu te sens comme un ordinateur au bord du crash. Je vois la méditation comme un reset. Ca peut t’aider à rester concentré sur ce qui est important.

Nous savons que A Perfect Circle a une face engagée, politisée même. Mais nous avons surtout le sentiment que cela s’exprime sur cet album. Ce qu’il se passe dans le monde est une source d’influence majeure pour vous ?

Billy : Oui, comme je te l’ai dit, toutes les expériences de vie depuis quatorze ans et même avant nous inspirent. Quand tu es un musicien, il est impossible de ne pas réagir face à ce qu’il se passe dans le monde.

Sauf si tu es Taylor Swift…

Billy : (rires) Oui ! Mais tu sais, d’autres groupes ou artistes voient la musique comme un échappatoire. Et c’est cool d’avoir la possibilité de faire ce choix. Les gens peuvent écouter de la musique pour s’échapper de leur quotidien. Et ils peuvent aussi écouter des albums plus lourds également. Mais oui, c’est facile de constater que “Eat The Elephant” est une réaction à ce qui arrive dans notre monde. Nous vivons de très lourdes années.

 

 

L’artwork est également assez provocant et dérangeant. Qui est venu avec cette idée ?

Billy : Maynard. C’est vraiment son bébé ce projet.

Parlez-vous beaucoup de lien qu’il doit y avoir entre l’artwork, le titre des chansons, les paroles etc… ?

Billy : Si l’un d’entre nous vient avec une idée très forte, l’autre va toujours l’écouter et lui donner la possibilité de s’exprimer pleinement sur l’album. Il y a une pleine confiance entre nous. Il avait cette idée très précise autour de l’artwork de l’album. Il m’en a parlé en termes très précis il y a des mois et, j’ai essayé de tout comprendre dès le début. Mais je lui ai juste dit “OK”. Il a alors lancé le processus afin d’aller au bout de son idée et je me suis juste joint à lui pour l’accompagner dans cette idée. Pour les paroles de l’album, je sais que c’est comme si il dessinait une très grande image dans sa tête. Tout fait sens pour lui.

 

 

Pour finir, notre site s’appelle “RockUrLife”. Donc qu’est-ce qui rock ta life Billy ?

Billy : Ce programme promo (rires) ! J’ai une famille, c’est très important pour moi. Avoir une famille et continuer de faire de la musique qui m’excite toujours autant après autant d’année est clairement un chemin qui rock ma life.

 

 

Site web : aperfectcircle.com

Nathan Le Solliec
LE MONDE OU RIEN