Interviews

BIFFY CLYRO (31/05/18)

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Les Écossais de Biffy Clyro ont beau venir d’une contrée pluvieuse, c’est particulièrement rayonnants qu’on les retrouve dans les locaux parisiens de Warner Music pour prendre quelques nouvelles. Sourires plaqués sur le visage, liés par une complicité évidente et la blague facile, les trois acolytes nous ont parlé en profondeur de leur “MTV Unplugged” et de la suite chargée de leur programme. Entre discussions sur des nouveaux morceaux, sur le succès et même sur une certaine ambition politique, on a peut-être une idée de comment va sonner leur prochain single.

Pour commencer, félicitations pour le “MTV Unplugged” ! Vous faites partie de la génération qui a grandi avec le “Unplugged” mythique de Nirvana, et maintenant, pour une autre génération, il y a le vôtre. Même si l’influence de MTV n’est plus aussi importante qu’auparavant, vous devez être plutôt fiers de voir votre nom figurer sur la liste des groupes légendaires ayant accompli ça ?

Simon Neil (voix/guitare) : Merci ! C’est incroyable. Comme tu dis, on est des gosses des années 90. Dans les années 90, “MTV Unplugged” était à son apogée, et tout le monde parlait de chaque concert. Rejoindre cette liste de groupes signifie beaucoup pour nous. C’est vrai que ça ne peut pas être ce que ça a été, il n’y avait qu’une chaîne de musique à l’époque, tu avais Nirvana, puis Madonna, puis…

Ben Johnston (batterie) : Paula Abdul ! (rire général)

Simon : Oui Paula Abdul ! Ça ne peut pas être l’évènement culturel que c’était à cette époque, mais ça a fait partie de notre éducation donc pour nous, avoir notre propre “Unplugged”, c’est putain de magique !

Biffy Clyro est connu pour son son énorme, tonitruant, abrasif, avec une touche vulnérable. N’était-ce pas un peu effrayant de réduire le volume et ne garder que le côté vulnérable, sans avoir plus rien pour le dissimuler sur ces versions épurées de vos morceaux ?

James Johnston (basse) : Oui, effrayant et exaltant et excitant. Après avoir été un groupe pendant quinze, vingt ans et, j’espère, être devenu bon pour ce qu’il s’agit de jouer des gros concerts rock, c’est sympa d’essayer de repenser tes chansons et de créer une connexion avec le public d’une manière différente. C’est presque comme si tu repeignais tes souvenirs avec un pinceau différent. Et tu ne veux pas te rater en bousillant des chansons qui font désormais partie de la vie des gens, et que ça ruine leurs souvenirs. C’est une opportunité géniale. Rien que de sortir un peu de notre zone de confort, c’est super excitant. Tu ne veux pas juste continuer de faire quelque chose que tu espères bien faire.  

Simon : Tu te sens à découvert. Se sentir vulnérable faisait vraiment partie du truc. Je crois que le public se sent également vulnérable à un concert comme ça, parce qu’il n’y a rien, pour personne, derrière quoi se cacher. C’est silencieux, il y a peu de lumière, on peut vous voir. Pour la première fois depuis un moment, on peut vous voir putain ! (rire général) C’est une conversation différente qui circule dans la pièce, et on l’a beaucoup appréciée. On meurt d’envie de revenir et jouer des concerts bruyants et transpirants, mais c’était vraiment une expérience unique donc on a hâte de partir en tournée pour le “Unplugged”. On n’aurait jamais fait une petite tournée acoustique comme celle-ci sans avoir fait le “Unplugged” donc c’est sympa de le faire.

Avez-vous fait un échauffement spécial avant le concert ? Du style yoga, méditation.

Simon : J’aurais aimé qu’on le fasse ! C’est ce qu’on aurait dû faire ! J’aurais aimé que tu sois là pour nous faire faire ça ! (rires)

James : D’habitude pour nous échauffer, c’est étirements et jumping jacks. Mais cette fois, l’énergie n’avait pas d’échappatoire. C’était complètement différent.

Simon : C’est étrange parce qu’on n’avait pas du tout pris en compte cet aspect. Quand on est arrivé sur scène, on était prêt pour un concert normal. J’ai fait mon échauffement à base de tequila ! (rires) Et puis, on a dû s’assoir et essayer d’évacuer cette adrénaline. Donc non on ne l’a pas fait, mais on aurait dû ! (rire général)

Pour vos concerts classiques, vous avez ce schéma de deux trois chansons énervées, puis une ou deux plus calmes pour que tout le monde reprenne son souffle, puis ça repart sur des énervées. Mais cette fois, vous ne pouviez pas jouer sur cette différence d’énergie entre les morceaux. Alors comment avez-vous construit la setlist ?

Ben : J’imagine que tu dois calmer encore plus les choses, parce que tu ne peux plus compter sur le volume pour obtenir une dynamique, il n’y a pas de gros spectacle lumineux ou quoi. Tu dois trouver une autre façon de rendre le set fluide et de garder tout le monde impliqué, donc ce que tu fais, c’est réduire le show à un murmure. Ce moment devient le moment le plus intense du concert, alors que lors d’un concert rock normal, c’est peut-être plutôt le moment le plus bruyant, le plus énervé, qui est le plus intense. C’est un réel challenge quand tu joues pendant plus d’une heure et que c’est seulement acoustique. Normalement à un concert, tu as toutes les chansons acoustiques et ce moment-là n’est pas super, donc c’était un challenge, qu’on espère avoir relevé ! (rires)

James : Je crois qu’on a de la chance d’avoir Simon Neil.

Simon (le coupant) : Mister Simon Neil ! Tu aurais dû voir mon numéro de stand up. J’ai fait quinze minutes sur Donald Trump ! (rire général)

James : Beaucoup de chansons sont tristes, à propos de moments tristes, mais il y a aussi une certaine joie. Les dynamiques émotionnelles sont également très importantes. On ne pouvait pas s’empêcher de le voir sur les visages des gens, ça nous a beaucoup émus aussi. C’était vraiment une sorte très spéciale de rencontre des esprits entre le groupe et le public.

Simon : C’était comme un gros câlin groupé musical ! (rires)

Justement, on trouve que c’est vraiment ce qu’on ressent quand on regarde le concert. Vos concerts classiques sont toujours un gros désordre de gens qui se rassemblent dans le chaos et la sueur. Mais cette fois-ci, le public était beaucoup plus calme, il y a des gens qui pleurent et chantent à la fois en chantant à tue-tête, on peut vraiment ressentir l’émotion.

Simon : Merci. C’est ce que je trouve vraiment beau avec la musique en général. Les chansons que tu aimes, à n’importe quelle étape de ta vie, peuvent te faire sourire et pleurer en même temps. C’est marrant parce qu’on fait ça depuis tellement longtemps, on oublie un peu que nos chansons comptent à ce point pour les gens, qu’elles comptent autant pour eux que pour nous, et faire un concert comme ça c’est… On est si proche d’eux, on peut voir les yeux de tout le monde, c’était très très intime. C’était comme si on partageait des secrets les uns avec les autres. Voir que notre musique compte autant pour les gens, c’est un sentiment incroyable auquel tu ne t’habitues jamais.

 

 

Un de ces moments intimes et touchants, c’est votre très joli cover du “God Only Knows” des Beach Boys. Simon, tu as fait savoir plusieurs fois à quel point cette chanson était importante pour toi, comment était-ce de finalement faire une véritable reprise de ce morceau mythique ?

Simon : Flippant, pour cette raison ! C’est une chanson que personne ne devrait jamais reprendre, parce qu’elle est parfaite. C’était mon ouverture de bal lors de mon mariage avec ma femme et j’ai les paroles tatouées sur la poitrine. Je voulais vraiment faire une chanson qui est une part importante de qui nous sommes et de qui je suis. À ce niveau, c’était plus que de la musique. C’est vraiment un hommage, pas spécialement à Brian Wilson, mais à toutes ces chansons qu’on entend depuis qu’on est tous petits. Elles peuvent être de n’importe qui, mais ce sont généralement des choses que tes parents écoutaient et qui étaient les bandes-son de ta vie. Je voulais vraiment faire une chanson significative et c’est pour ça qu’on a choisi “God Only Knows”. J’espère ne pas l’avoir trop charcutée ! On ne voulait pas faire une version comme celle des Beach Boys avec des harmonies et tout parce que ça aurait été une mauvaise idée ! (rires) Donc on a fait une version très épurée et j’espère avoir fait preuve de respect envers la chanson.

On trouve que c’est le cas ! Une des chansons du “Unplugged”, “Different Kind Of Love”, est nouvelle. Est-elle réservée à cet album spécifiquement ou pourra-t-on peut-être la retrouver sur un album à venir ?

Ben : Oh, on dirait que tu sais déjà des choses ! (rire général)

Simon : On travaille actuellement sur la bande son d’un film, on a quinze chansons pour ça et “Different Kind Of Love” sera sur cet album. Pour nous, c’était la chanson parfaite à mettre sur le “Unplugged”. C’est plutôt une chanson acoustique de toute façon, c’est comme ça qu’elle sera enregistrée. Quand on l’a jouée avec les autres, c’est comme si elle faisait déjà partie de la famille. On a essayé d’autres nouvelles chansons, mais elles avaient peut-être besoin de la dynamique d’un groupe de rock et de la manière normale d’être jouées. Mais “Different Kind Of Love” convient parfaitement à “Unplugged”. Mais oui, elle sera sur la bande son du film.

Puisque tu parles du film, parlons-en. Vous travaillez actuellement sur la bande originale d’un film, “Balance, Not Symmetry”. Est-ce qu’écrire pour un projet différent d’un album de Biffy Clyro a modifié votre façon d’écrire et de réfléchir à comment vous composez ?

Simon : La chose unique à propos de ce projet, c’est qu’ils vont faire le film après qu’on ait écrit l’album, donc on fait un peu ce qu’on veut. Ça va être des chansons, ce n’est pas des musiques de film instrumentales de dix minutes, c’est une collection de chansons. Le réalisateur, Jamie (ndlr : Adams) veut qu’on fasse ce dont on a envie et ce qu’on décidera sera sur la bande-son, et après, ils tournent le film. Donc on n’a pas à s’inquiéter de ça, c’est lui qui doit s’inquiéter ! On pourra lui dire : “cette scène est pourrie !” (rire général)

James : “Et coupez !” (rire général)

Simon : C’est cette démarche inversée qui nous attire, parce que j’ai un peu travaillé sur de la musique pour un programme télé déjà existant. Il y a toujours quelqu’un qui te dit : “c’est vraiment super, ça peut être plus rapide ?”, ou “c’est génial, peux-tu la tonalité?”, et ce n’est pas super excitant. De cette façon-là, on peut presque être le réalisateur ! (rire général)

Dans quelques mois, vous allez partir en tournée avec le “Unplugged”, avec un arrêt au Bataclan en septembre. Doit-on s’attendre à la même setlist ?

Simon : Setlist différente.

Ben : On va jouer la plupart des chansons de cette nuit-là.

Simon : Hell no !

Ben : On essaye aussi d’amener l’arbre ! (rire général) James le mettra dans sa couchette. On a répété entre vingt-cinq et trente chansons et on n’en a joué que quinze sur l’album, donc on jouera certaines qu’on n’a pas pu jouer. Je ne révèlerai aucun nom de chansons au cas où on ne les joue pas ! (rires) Mais on va changer la setlist tous les soirs. Ça serait un rappel du “Unplugged”, mais une expérience différente.

Simon : Comme on savait que ça allait être un album et un show TV, on était assez limités sur le temps qu’on pouvait passer à jouer. Ce qui est beau en tournée, c’est qu’on peut jouer plus longtemps, on n’a pas à être esclaves des caméras et c’est ce qui va rendre cette tournée si spéciale. On a tous vraiment hâte.

Pensez-vous vraiment être capables de rester calme et assis pendant toute la tournée ?

Tous : Non ! (rire général)

Simon : Je me lèverai sûrement ! Ça va être la partie la plus difficile, non ?

James : Absolument ! Pendant quinze, vingt ans, on a appris notre métier en tant que groupe et maintenant on doit apprendre quelque chose de complètement différent. Gérer cette énergie va être un peu bizarre.

Simon : Comme groupe, on n’est pas du genre à se retenir. La retenue est l’essence même de ces concerts, alors que d’habitude on est plutôt (faisant la grimace) : “BLAAAAAAAARG !” (rire général)

James : On va installer des tapis de courses en coulisses. (rire général)

Simon : L’opposé d’un shoot d’adrénaline ! (rires) Peu importe quoi, juste un truc qui nous fasse faire (fait semblant de s’endormir) (rire général)

James : Ça va être vraiment spécial, c’est une si belle opportunité, j’espère que ça sera comme une célébration. Pas juste une célébration de nous, une célébration de la relation qu’on a construite avec nos fans, qui nous tient vraiment à coeur.

 

 

Vous venez de faire le “Unplugged”, vous avez publié un double album quelques années plus tôt, été tête d’affiche du Reading & Leeds, numéro un en Angleterre, bref vous avez rayé un paquet de choses sur la bucket list du groupe de rock. Quelle est la prochaine chose un peu folle que vous rêvez d’accomplir ou de vivre ?

Ben : Toutes ces choses qui sont arrivées, on ne s’attendait vraiment pas à ce qu’elles arrivent donc.

Simon : On n’ose même pas en rêver ! (rires)

Ben : Tout ce dont on rêvait, c’était si possible d’enregistrer un album et de faire un concert dans notre salle locale de cinq cent personnes. On veut faire toutes les choses qu’on a la possibilité de faire et impacter la vie des gens si on peut, mais on n’a pas vraiment de cases à cocher avant qu’elles n’apparaissent ! Quand la case apparaît MTV, je vais…

Simon : LA COCHER ! (rire général)

Ben : La cocher putain, c’est ce qui va se passer oui ! Si on peut avoir un impact positif sur la vie de quelqu’un, c’est tout ce qu’on souhaite vraiment.

Simon : On a parlé récemment avec des groupes qui avaient ce genre de plan sur cinq ans, qui disent des choses comme : “dans cinq ans, on jouera dans cette salle…” et c’est un jeu dangereux et horrible à jouer, surtout avec quelque chose d’aussi pure que la musique. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise façon de faire. Une victoire pour nous, c’est simplement être capable de continuer à faire des albums constamment, continuer à faire partie de la vie des gens, en plus de la nôtre. Avec la musique, avoir un but peut parfois être dangereux parce que tu peux faire un concert devant deux cent personnes et avoir l’impression que c’est la meilleure nuit de ta vie. Si tu es dans le public, tu peux avoir l’impression que c’est le meilleur concert de ta vie, pour le groupe ça peut être le meilleur. Et parfois, tu fais un concert devant vingt mille personnes et tu n’as pas cette impression. J’imagine que ton ambition serait de jouer pour vingt mille personnes, mais il faut profiter de ce qui se passe maintenant. Pour nous, ça a toujours été ça, et c’est comme ça qu’on essaye de rester. Pas trop en avance, toujours à regarder vers l’avenir, mais plutôt d’un aspect créatif.

Vous êtes pas mal occupés en ce moment, en plus du “Unplugged” et de la B.O., vous travaillez également sur le prochain album de Biffy Clyro. On a lu que vous aviez déjà une quinzaine de morceaux ?

Simon : L’album pour le film va compter quinze chansons et je crois qu’on a entre douze et quinze chansons pour l’album numéro huit. Ils sont complètement différents donc pour l’instant on se concentre vraiment sur le film et on retravaillera les morceaux pour l’album huit dans quelques mois, quand on en aura fini avec le film. Mais oui, ça fait trop longtemps qu’on n’a pas sorti de musique. Quand ça a fait deux ans sans qu’on ne sorte quoi que ce soit, je me suis dit : “meeeeeerde” ! (rires) Tu as presque l’impression de ne pas être un groupe à moins de publier de la musique, donc on veut vraiment le faire dès que possible. On apprécie la patience de nos fans parce qu’on espérait sortir notre album de faces B l’année dernière, j’espérais publier un album de ZZC, mais le “MTV Unplugged” est arrivé et c’était évidemment tellement important qu’on n’a pas sorti “Dot Dot Dot” un peu à cause de ça. On veut se rattraper cette année et sortir pas mal de choses.

Peut-on essayer de vous soutirer quelques détails sur le son et les thématiques de l’album? Y a-t-il eu un évènement, livre, album, film, qui vous a particulièrement inspiré ?

Simon : Pour les paroles, je ne suis pas encore rentré dans les détails. Sur le plan musical, comme on a fait le “Unplugged” et qu’on part en tournée avec, je pense que ce qu’on va faire après sera une réaction à ça. Donc je pense que ça sera très bruyant. On a vraiment hâte de se retrouver devant nos amplis et jouer. C’est vraiment ce qui nous motive en ce moment. Qui sait ce qui arrivera dans six mois, mais je pense que ça sera une réaction à l’album “Unplugged”, parce qu’on ne devient pas trop mûr ! (rire général) On n’est pas ce groupe de rock qui se tourne vers le rock acoustique, on veut être des ados crasseux à nouveau sur le prochain album. C’est le but, être des ados puants ! (rire général)

En ce moment, beaucoup de groupes américains sortent des albums sur Trump et les groupes du Royaume-Uni écrivent des chansons sur le Brexit. Peut-on s’attendre à ce que vous preniez la même direction ?  

Simon : C’est bizarre parce que je ne pense pas que j’écrirai un jour directement sur la politique mais le truc triste, c’est qu’au Royaume-Uni, le Brexit va être mis en place. Notre vie de tous les jours va être affectée. La politique est passée de cette chose au loin à cette chose qui intervient directement dans nos vies personnelles. Pour les gens avec des principes, de la bonté en eux, ceux qui veulent rassembler les gens, c’est impossible de ne pas réagir à cet affreux Brexit et cet affreux Trump. Je ne sais pas trop sous quelle forme ça apparaîtra dans l’album, la musique serait peut être plus colérique, peut-être qu’il y aura une ou deux chansons sur le sujet. Je ne sais pas trop encore mais c’est impossible de ne pas se sentir frustré face à l’état du monde en ce moment. On pouvait venir en Europe quand on voulait et voyager, même en tant que groupe. On était à Milan hier, Berlin le jour précédent, aujourd’hui on est à Paris. Ça va presque devenir impossible pour les gosses d’aujourd’hui, ça me brise le coeur. On a eu la chance de pouvoir profiter de faire partie de l’Europe, mais honnêtement, c’est vraiment triste quand je pense à toutes les opportunités que les gens de ma famille n’auront pas. C’est vraiment triste, donc c’est difficile que cette colère ne se manifeste pas dans la musique.

 

 

Récemment, vous avez travaillé sur pleins de projets différents. Sentiez-vous le besoin de rompre la routine du “un album-une tournée-un album-une tournée”, pour vous rafraîchir les idées et restez inspirés pour Biffy ?

James : Je pense. Je veux dire, on a adoré nos dix, quinze dernières années, ça a été génial. C’était un super cycle de faire un album et de partir en tournée, mais il y a quelque chose de super excitant dans le fait de briser ce cycle et peut-être entrer dans un nouveau chapitre de la vie du groupe. Ça ouvre un peu nos horizons. Quand on a commencé à parler du “MTV”, de faire la bande originale, on savait que ça allait repousser le huitième album à un peu plus tard, et ce n’est pas grave. On n’est pas obligé de faire album/tournée/album/tournée, tu peux avoir un cycle différent. C’est excitant pour nous.

Simon : Travailler sur un album qu’on sait qu’on ne va pas tourner, c’est vraiment étrange et libérateur. Comme dit James, le film et le “Unplugged” sont arrivés pile au bon moment parce qu’après avoir fait sept albums, tu peux commencer à tomber dans une routine et c’est là que la musique en souffre. Tu commences à penser : “oh, je ferais mieux de commencer à écrire parce qu’on doit partir en tournée”, et la musique, ça ne devrait jamais être ça. Notre but permanent, c’est de ne jamais avoir l’impression que l’heure de faire de la musique a sonné. Ça devrait venir naturellement, facilement.

À un moment où il semble finalement y avoir un début de conversation à propos de la santé mentale au sein de l’industrie musicale, pensez-vous qu’une des clés pour avoir une carrière longue et fructueuse tout en prenant soin de soi, c’est de rester ouvert à de nouvelles expériences ?

Simon : C’est difficile à cette époque parce que l’idée que se font les gens du succès n’est peut-être pas saine. Le succès devrait être le bonheur, pas nécessairement l’argent, les followers ou une place dans les charts. Le truc génial, c’est que maintenant, les gens parlent de ces choses, les gens n’ont pas honte de dire : “je ne sais pas pourquoi, mais je ne me sens pas bien, je me sens misérable, déprimé” et ce n’est pas grave, tu n’as pas à savoir pourquoi, tu n’as pas à avoir une raison, pour certaines personnes, c’est juste la chimie de leur cerveau.

Mais ce qui est sûr, c’est que si tu n’en parles pas, tu ne sortiras jamais de ce trou. On a beaucoup de chance d’avoir l’opportunité de faire de la musique, j’ai l’opportunité d’écrire des chansons à propos de ces moments, mais beaucoup de gens n’ont pas cette opportunité. Et tu veux seulement t’assurer que ces gens en parlent, à leur famille, amis, à n’importe qui, même des étrangers, parfois, parler à un étranger peut aider. Je n’approcherai pas quelqu’un dans la rue mais… (rires) Mais je veux dire, juste s’entendre dire les choses à voix haute fait partie d’un processus. Vraiment, c’est essentiel à cette époque, surtout avec la pression que les gens endurent, les jeunes particulièrement. Je pense toujours aux gosses, quand ils se font harceler à l’école. À l’époque, tu rentrais chez toi et tu oubliais, mais maintenant, le harcèlement peut continuer 24/24h. La pression d’être beau n’arrête jamais. Et c’est pour ça qu’on doit faire attention à se parler les uns aux autres parce qu’on ressent tous la même chose, à différentes échelles certes, mais tu sais quoi ? Personne n’est aussi heureux qu’il en a l’air sur son putain d’instagram, personne ne sait ce qu’il fait, et il faut qu’on se rende compte de ça, qu’on se rende compte que ce n’est pas négatif d’être vulnérable, ce n’est pas négatif de s’inquiéter de ce qu’on ressent.

Je suis vraiment heureux que la conversation soit ouverte, surtout parmi les jeunes hommes, parce que ce sont principalement les jeunes hommes qui se mordent la langue et pensent que si je parle de ça, peut-être que je ne suis pas suffisamment viril. Mais tout ça c’est des conneries. Nous sommes dans un nouveau siècle, une nouvelle ère d’illumination à propos du genre, de la race, de la sexualité, de tout, et on doit prendre soin de nous. Paix et amour ! (rires)

Wow, tu devrais te lancer dans les élections. On veut dire, ça peut pas vraiment être pire n’est-ce pas ?

(rire général)

Simon : C’est vrai, c’est tout à fait vrai, je ne ferai pas pire. En fait tu as raison, c’est ce qu’on va faire pour le prochain projet d’album ! (rire général)

Ben : Je crois qu’on préférerait tous Kanye West à Donald Trump. Et putain, je déteste Kanye West !

Simon : Oui, je sais plus trop maintenant. Je préférerai Oprah putain !

Ben : Roseanne Barr ? Je rigole, je rigole ! (rires)

Simon : Tu sais que tu es dans une mauvaise situation quand l’idée d’Oprah est en fait une super bonne option. Et la Grande-Bretagne est foutue, aucun espoir. (rire général)

Vous n’avez même pas une Oprah ?

Simon : Non, on n’a pas d’Oprah.

Ben : Jeremy Kyle ? (rire général)

Simon : Non mais oui, je vais annoncer ma candidature au parlement écossais.

Ben : Fais-le !

James : Ce n’est pas si fou.

Simon : À vrai dire, on a une merveilleuse leadeuse en Écosse, Nicola Sturgeon. Elle s’inquiète des bonnes choses, et ça nous rend fiers. Quand il y a tant de gens qui s’inquiètent des mauvaises choses, c’est sympa de voir un leader qui en a actuellement quelque chose à faire des bonnes choses. Avec un peu de chance, le Bien triomphera sur le Mal, c’est ce qu’on doit espérer. Il y a beaucoup d’autres personnes qui s’inquiètent des choses importantes, c’est juste qu’on ne le crie pas forcément sur tous les toits comme le font les bâtards. (rire général)

 

 

Vous êtes ensemble depuis vingt-trois ans.

Tous : Oui… (faisant la grimace)

Quelle est votre plus belle réussite ?

Ben : D’être toujours ensemble ! (rire général)

Simon : Tout groupe qui dure plus de vingt ans est une victoire ! Je ne sais pas trop, on essaye de ne pas trop penser de cette façon. Ça sonne un peu ennuyeux, mais Ben n’a pas tort. Même être ici à Paris, à parler d’un nouvel album, on adore ces trucs là. C’est exaltant de faire quelque chose chez toi tout seul ou avec tes amis, qui te permet soudainement de partir en tournée dans le monde. Je suis toujours fasciné par le processus de création musicale et d’être capable de communiquer avec des gens qui parlent une autre langue, de pouvoir partager ton histoire, pas que ton histoire soit plus importante que celle de qui que ce soit d’autre, mais juste de pouvoir s’exprimer, je pense que c’est notre plus belle réussite. On a de la chance de toujours être en train de grandir en tant que groupe. Je ne pense pas qu’on ait stagné encore, sur le plan créatif ou de quelconque manière. Donc ça, et le fait qu’on ne se soit pas entretué ! (rire général)

OK, on va finir avec notre question traditionnelle : qu’est-ce qui rock votre life ?

Simon : Je vais rester dans les fondamentaux et choisir un album qui rock ma life en ce moment. C’est un album du groupe The Armed, qui s’appelle “Only Love”. C’est un album hardcore vraiment extrême et c’est le premier album de rock que j’ai écouté depuis un long moment qui me donne l’impression de contenir réellement de la colère, de vrais émotions. Il n’essaye pas d’être joli, il essaye juste de transmettre ce sentiment de rage et je trouve que c’est une représentation parfaite du monde en ce moment, qui est tellement complexe, il y a différents points de vue, c’est explosif.

James : Je dirais tout le merdier auquel fait face Mark Zuckerberg. Je pouvais voir les problèmes avec la façon dont fonctionnent les réseaux sociaux. Ces méthodes de communication peuvent être positives, mais comme disait Simon, les gens qui chassent les likes, qui chassent les followers, je ne pense pas que ce soit de vraies relations, et j’ai l’impression que le monde a besoin d’un reboot, d’une réinitialisation. Comme Mark Zuckerberg est un peu le visage de ce monde, je trouve ça bien qu’il se fasse botter les fesses.

Simon : L’idée qu’un homme et une entreprise décident de la façon dont nous communiquons.

James : Oui, et aussi qu’il prend tout cet argent et qu’il va régler le cancer. Ce n’est pas comme ça que le monde fonctionne !

Simon : Ça n’était pas juste le cancer ! Ils allaient régler toutes les maladies. Ils mettent six milliards sur la table pour soigner toutes les maladies. Rock notre monde, Mark ! (rires)

Ben : Mon dieu, comment renchérir après ça…

Simon : Peut-être les séries ? Tu adores toutes ces putains de séries dystopiques. (rires)  

Ben : J’adore Netflix mais c’est super ennuyeux ! (rire général) “3%”, “Altered Carbon”, tous ces shows futuristes Netflix (rires) Ils sont tous intéressants, ils sont tous un commentaire sur vers quoi nous nous dirigeons, et à quel point les choses sont en train de mal tourner. Certains de ces trucs ne sont pas très éloignés de notre monde actuel et c’est assez sinistre, mais c’est bien à regarder. Les gens vont regarder ça et se rendre compte qu’ils absorbent des messages et c’est important qu’on comprenne tous qu’on n’est pas loin d’un énorme merdier. Donc oui, ça rock ma life ! (rires)

Simon : Quand tu regardes les infos et que tu vois des gamins descendre dans les rues pour manifester, ça, ça rock notre monde actuellement. Parce que c’est notre futur, et ce sont des gens qui s’inquiètent des choses importantes. Et The Armed ! (rire général)

James : Abaissons l’âge du droit de vote, abaissons l’âge du droit de vote !

Simon : Oui, baissons l’âge du droit de vote ! En fait, il devrait y avoir un âge maximal !

Ben : Tu vas mourir bientôt, tu ne devrais pas voter putain !

Simon : Exactement ! Les personnes âgées peuvent décider de ce qui va se passer dans les cinquante prochaines années… (commence à scander) ABAISSONS L’ÂGE DU DROIT DE VOTE, ABAISSONS L’ÂGE DU DROIT DE VOTE ! (rire général)

On a un peu l’impression que le prochain album va prendre une direction politique, non ?

(rire général)

Simon : Oui ! C’est justement notre premier refrain ! (rires) (commence à chanter, rapper et à faire semblant de jouer de la batterie) “BAISSONS L’ÂGE DU DROIT DE VOOOOTE, il faut le baisser, il faut le baisser” (rire général)

Ben : C’est un mix des Chili Peppers et de The Armed ? (rires)

Wow, on a hâte d’entendre ça. Merci les gars !

Simon : Merci, c’était un plaisir !

 

 

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