Ils forment le premier groupe de beatbox blues au monde. Le duo anglais Heymoonshaker nous a reçu la veille de son incroyable performance au MaMA Event, à Paris.
Votre album “Noir” est disponible depuis le 2 octobre. Quel est votre état d’esprit, maintenant qu’il est sorti ?
Dave Crowe (beatbox) : Très content ! On a eu assez de temps pour tout faire, mais le délai était court. La tournée en cours était déjà organisée avant la sortie de l’album, ce qui n’est pas la façon normale de faire. Mais d’après toutes les critiques qu’on a eu, genre les magazines, ils nous donnent quatre ou cinq étoiles sur cinq, alors c’est très sympa. Le public dans les concerts est aussi complètement fou alors… On en est au point où on continue de l’écouter, et je n’ai toujours rien envie de changer. Ce qui est étrange…
Andy Balcon (chant/guitare) : Il y a un truc que je changerais, c’est une note sur “Lazy Eye”, une note en plus que j’ai trouvé après. Mais ça arrive toujours je crois, quand tu termines quelque chose, des fois tu apprends à le jouer d’une façon différente et tu te dis “oh !”, parce que ça change complètement le ressenti du morceau. Mais on est très content du produit fini. Surtout qu’on a enfin l’opportunité de sortir quelque chose de nouveau, la dernière fois, c’était “Shakerism” (ndlr : EP, 2013).
Revenons un peu sur l’histoire de Heymoonshaker, pour nos lecteurs qui ne vous connaitraient pas. Comment tout cela a-t-il commencé ?
A : On a tous les deux quitté nos villes d’origine et on s’est rencontré en Nouvelle Zélande. On était tous les deux en backpacking, et on jouait de la musique. Le jour de notre rencontre j’ai invité Crowe pour un barbecue. Il est venu et il a vu que j’avais une guitare, il me dit “oh, on pourrait jammer”, et je pensais qu’on allait jouer une chanson de Tina Turner, ou quelque chose comme ça et qu’il allait chanter, mais il a commencé à beatboxer.
D : Il sait pas jouer de chanson de Tina Turner, c’est pour ça.
A : Et tout de suite, je me disais “wow, c’est brillant !”, donc on a continue à jouer ensemble pendant environ trois mois, ensuite on a continué notre voyage séparément et on s’est revus plus tard en Suède. Mais c’est seulement en 2012…?
D : Ouais, fin 2012. On est venus en France pour la première fois et on a tourné un peu. Notre premier festival était un festival étudiant en France.
A : C’est eux qui nous ont invités, du coup on est venu en pensant qu’on était des rockstars (rires), venant des rues pour être la tête d’affiche d’un festival étudiant. C’était magnifique. Ensuite on a continué à jouer en France, parce qu’on avait joué à travers le monde, comme en Suède, en Nouvelle Zélande, en Australie… Mais c’est sûrement en France que les gens comprenaient ce qu’on voulait créer. Et c’est un peu ce qui a fait la fondation de ce qu’on fait aujourd’hui. On a été chanceux de rencontrer des gens ici qui nous ont emmenés dans des endroits comme le Japon, le Canada, les Etats-Unis, le Mexique… Dans le monde entier en fait.
Comment était le processus d’écriture et d’enregistrement ? Aviez-vous des techniques particulières ? Quelque chose de différent par rapport à avant ?
A : On ne passe jamais beaucoup de temps au même endroit. Donc en général, on écrit dans des gares, des halls d’hôtels. Et il nous vient souvent l’idée d’un riff, ou…
D : Ouais, quelque chose que l’un de nous joue, et on est genre “ouais, c’est putain de cool !”. Et si ça revient encore et encore… Quand on s’est rapproché de l’album, on a spécifiquement gardé des idées de morceaux et des riffs qu’on aimait, et qu’on a développé. Mais quand on a pas de deadline, on jam, on jam, on jam, c’est tout. Et les idées viennent au fur et à mesure. Quand c’est le cas, tu sais que c’est un bon titre. Mais comme on n’avait rien sorti depuis “Shakerism”, il y a eu une période et dix-huit mois où l’on a passé du temps avec des auteurs, chez eux, pour comprendre une autre façon de faire. On a bossé avec différents producteurs qui avaient différentes sensibilités artistiques. On ne les a pas fait taire, au contraire on les a incorporées, pour apprendre à développer des chansons. On a fait ça avec trois différents producteurs avant celui qui a travaillé sur “Noir”.
A : C’était super, parce que travailler avec tant de personnes différentes nous a permis d’entrer en studio et d’enregistrer “Noir” avec une idée très claire de ce qu’on voulait.
D : Quand on est entré en studio, on a commencé par écrire les morceaux qu’on voulait enregistrer, et après en avoir écrit quatre, on sentait vraiment que tout se mettait en place. Qu’il y aurait un son propre à l’album, et pas juste une succession d’idées, comme on peut en avoir l’impression sur “Shakerism”.
A : C’était aussi bien qu’on ait fait l’artwork avant d’enregistrer l’album. Du coup on avait un genre de…
D : Une ambiance.
A : Une idée de ce à quoi ressemblerait le produit fini.
Dites-nous en plus sur cet artwork.
A : On a juste enlevé notre haut et on s’est frotté l’un contre l’autre, et ça avait l’air de bien marcher. C’est souvent comme ça dans la vie non ? (rires)
D : Ouais, enlève tes fringues et tente des trucs ! (rires) On adore faire des shootings photos, surtout avec de grands professionnels, c’est un vrai plaisir. Parce que quand ils prennent plusieurs clichés, c’est comme si tout ce qu’ils allaient capturer serait juste. Donc ensuite c’est à nous d’essayer de trouver des angles, des impacts avec nos propres émotions et nos mouvements. Et comme on est très proche, ça ne nous dérange pas si on doit se tenir l’un l’autre pour se mettre dans telle ou telle posture. Et la photo pour cet album là…
A : C’est un peu théâtral, tu ne trouves pas ?
D : On se tient vraiment l’un l’autre. On a dû en prendre une vingtaine avant de trouver la bonne posture nous permettant de se dévoiler, de sortir une vraie émotion. Après, on a vu la photo, et pour la première fois dans la carrière du boss de notre label, il a dit “c’est la première fois que tout le monde est d’accord sur l’artwork dès le départ”. Tout le monde a regardé la photo et s’est juste dit “c’est ça”.
On doit vous le demander souvent, mais pourquoi “Noir” ?
A : En fait, c’est la première fois qu’on nous pose la question.
D : Dès nos débuts, on discutait de l’idée de l’art à travers le temps. Ton travail en entier. Si tu imagines l’art dans ton premier album et dans ton dernier, tu peux vraiment construire une pièce entière. Donc on s’est dit que pour chaque sortie officielle, chaque album, on lui donnerait le nom d’une couleur. C’est facile à se représenter, c’est clair, et en même temps une couleur peut faire ressortir des tas d’émotions chez des gens très différents.
Ca, c’est pour les sorties officielles. Si on fait des EP comme “Shakerism”, on peut se lâcher et trouver d’autres idées, mais pour les albums, on gardera sûrement la même imagerie, en changeant de couleur. C’est pas forcément réaliste comme plan, quand tu dois bosser avec des partenaires. Là, ça fait dix-huit mois qu’on dit que l’album sera appelé “Black” ou “Noir”. Et en fait, ça décrit vraiment notre place dans l’industrie musicale. Essayer de créer quelque chose de nouveau et être mis dans l’ombre genre “ouais, super idée, mais je ne vais pas t’aider”. On a fini par trouver des supers partenaires, mais on s’est longtemps senti mis de côté.
“Noir” et pas “Black”, c’est un merci à la France, pour avoir été la fondation, et pour être encore aujourd’hui tout ce dont on a besoin. Les gens, les fans français, ils nous ont vraiment accompagné sur la longueur, donc c’est un remerciement.
A : C’est simple, mais ça évoque beaucoup de choses je crois.
Au delà de cet esprit général y a-t-il un message ou une émotion que vous voulez faire passer ?
A : La musique est faite pour être interprétée de la façon qu’on veut. Peut être prendre conscience de notre histoire, parce que c’est un chapitre de nos vies qu’on a comme résumé dans ce disque. Mais quand j’écoute de la musique, je veux pouvoir la voir à travers mes propres yeux.
Et maintenant ?
D : Faire de putains de tournées avec cet album. On va en Allemagne, en Hollande, toute l’Europe, et au Canada pour Noël. Ensuite, on reviendra en Europe pour faire des tournées plus longues. Peut être des festivals cet été. Et on a même déjà recommencé à écrire, ce qui est génial. On a eu de superbes idées ces dernières semaines. Donc la suite, c’est encore beaucoup de tout ça, mais en mieux.
Dernière question : notre site s’appelle “RockUrLife”, qu’est-ce qui rock votre life ?
C : (réfléchit) Il faut que je fasse gaffe à ce que je vais dire. (rires) Je reste sexuellement actif. Je vais dans plein de pays. En fait, j’ai commencé à la rocker un peu moins ces derniers temps.
A : Histoire de pouvoir la rocker plus longtemps.
C : Ouais ! Vraiment, si tu m’avais demandé ça il y a deux ans, j’aurais dit des trucs vraiment dingues. (rires) Mais maintenant, voilà comment je rock ma vie : je rentre chez moi après un concert, je me roule un joint, et prends un bon bain chaud. Et je m’installe dedans en me disant “putain, j’ai tout déchiré”. (A Andy) Comment tu rock ta vie mec ?
A : J’aime bien rocker les vies des autres, comme ça on peut tous rocker.
C : D’ailleurs, je disais que le fait de tourner la plupart du temps, genre 200 jours par an, c’est assez rock n’roll.
A : J’ai trouvé la réponse parfaite ! Redemande-moi.
D’accord. Andy, qu’est-ce qui rock ta life ?
A : “Noir” !
Site web : heymoonshaker.com