Monstre sacré dans l’univers sombre du metal extrême, Adam Darski, dit Nergal, fondateur et leader de Behemoth, n’en est pas moins un musicien complet et accompli. En témoigne ce side project surprenant, Me And That Man, en compagnie du rocker John Porter. RockUrLife a eu la chance de s’entretenir avec ce duo atypique dans le showroom Gibson à Paris. Le temps de revenir sur la genèse de cet album, mais aussi sur cette aventure perpétuelle qu’est la vie de rockstar.
Salut les gars, dans un premier temps nous voudrions savoir qui est “Me” et qui est “That Man” ?
(Ils se désignent mutuellement)
John Porter : C’est plutôt évident, non ? (rires)
On se dit que ce nom de groupe désigne le moi et tous les autres “moi” à l’intérieur de nous.
Nergal : Oh c’est intéressant.
John : Cette idée me plait !
Nergal : Tu entends par là la dualité permanente de l’Homme ? Oui, il est toujours question de ce mec qu’on adore et de celui qu’on déteste et qu’on essaie de cacher en permanence. Oui, c’est une théorie intéressante.
Que pensez-vous de Paris ? Comment vous sentez-vous ici ?
John : Je me sens libéré. Je me sens toujours très bien ici, j’adore cette ville.
Nergal : Ma mère a longtemps travaillé à Pigalle. OK, c’était sensé être une blague ! (rires) Sérieusement, je suis déjà venu pas mal de fois ici et j’adore cette ville. Pour les concerts tout d’abord, le public est l’un des meilleurs du monde. Les Français, les parisiens, le Hellfest, c’est toujours “wow” ! Notre premier concert à Paris était au Gibus à la fin des années 90, nous avions joué très violemment !
Est-ce que vous avez vécu des histoires un peu folles ici ?
John : Bien sûr, j’en ai vécu beaucoup. Tu sais, on l’appelle la ville de l’amour donc.
Nergal : Oui, je me souviens d’une fois, je faisais de la promo pour Behemoth à Paris. Je regarde l’agenda et je vois que Nick Cave joue le soir même au Zénith. Le concert était complet mais j’ai trouvé un mec qui me vendait deux places, bien que j’étais seul à y aller. Donc, je prévoyais de voir le concert et de rentrer en taxi à l’hotel. Mais impossible d’attraper un taxi. Je suis resté une heure entière à chercher un taxi mais tout le monde s’en foutait de moi. Donc je vais au bar juste à coté pour demander au barman comment je peux me rendre à mon hôtel. Le mec m’explique en anglais qu’il faut que je prenne le métro, mais j’étais crevé et vu que tout est en français dans le métro, je n’avais pas envie d’y aller. Donc je retourne dehors, dans l’espoir d’enfin trouver un taxi mais à nouveau un échec. Donc je me résigne à prendre le métro et évidemment, je me perds. J’arrive à une station qui est en travaux et je finis par apercevoir un mec qui joue de la musique. Le gars ressemblait à un sans-abri, mais il jouait de la musique donc, je me dis qu’entre musiciens, il va peut-être pouvoir m’aider. Je l’aborde en anglais, lui disant “Excuse-moi, je suis perdu, je dois retourner à mon hôtel mais je ne sais pas comment faire, peux-tu m’aider ?”. Et là le mec me regarde et me répond en polonais “Hey, mais tu es Nergal ?!”. Donc je me réjouis d’avoir trouvé un copain ! Le mec a été super sympa, il m’a accompagné dans le métro jusqu’à mon hôtel et s’en est allé comme il est venu ! C’était mon histoire parisienne !
Voyager c’est aussi se perdre.
Nergal : Oui ! On voyage pour se perdre et pour, éventuellement, se trouver en tant que personne, d’une manière ou d’une autre.
John : Ou tu peux te perdre encore plus. T’enfoncer encore plus au fond de la jungle.
C’est un peu l’histoire de cet album aussi.
John : C’est un voyage, c’est sûr.
Nergal : Oui, c’est une sorte de voyage. Etre à Paris, faire de la promo, c’est déjà une aventure. Et encore, on n’est même pas encore parti en tournée avec. On aime les réactions et les interactions que cela suscite. Ca prend vie.
Et quand-est ce que ce bébé a été conçu ?
Nergal : (s’adressant à John) Oui je lui ai dit que nous formions un couple. J’ai appelé John il y a quelques années, lui demandant de me rejoindre au restaurant. On a discuté et décidé de faire de la musique ensemble. Après ça, on s’est vu et nous avons commencé à jouer et les chansons ont commencé à naître. On a continué à jouer les mois qui ont suivi malgré le fait que je sois occupé avec Behemoth et lui avec son projet solo. Mais nous l’avons quand même fait !
John, avais-tu peur de Nergal ?
John : Non, pourquoi devais-je avoir peur ? A cause de la musique qu’il joue ? Non c’était même ma motivation première ! C’est bien plus agréable de faire quelque chose de différent avec d’autres personnes plutôt que de refaire sans cesse la même chose tout seul. Je ne savais pas à quoi m’attendre, et lui non-plus, donc c’était un challenge excitant. C’est le genre de peur que tu ressens mais qui te pousse à tout faire.
C’est comme un nouveau départ au final, comme être un musicien débutant à nouveau.
John : Oui, c’est un nouveau départ, un nouveau quelque chose, un nouveau chapitre, et c’est très excitant.
Nergal : C’est comme une redéfinition de ma personne pour ma part. C’est un nouvel élément dans ma vie. Je viens tout juste de l’amener, je le fais grandir et on verra comment il va évoluer.
Est-ce que tu penses qu’avoir été malade (ndlr : Nergal a guéri d’une leucémie en 2011) a changé ton approche de la musique ?
Nergal : Ca a changé mon approche de la vie ! Je suis plus conscient de ce que je fais, je suis plus dans le présent, j’essaie d’être une meilleure personne.
Quelles étaient vos influences durant l’enregistrement ?
John : Un peu tout et rien. Toutes les choses que nous avions dans la tête à ce moment ! Des souvenirs, des films, de la musique, ce qu’on voit, ce dont on se souvient. Tout ça est présent dans les chansons de ce disque.
Nergal : Je pense que certaines chansons ont été influencées de manière inconsciente par des choses qui apparaissent de manière assez évidentes. Par exemple, je regardais “True Detective” durant l’enregistrement et j’adorais cette série, le générique en particulier. A un moment, j’ai pris ma guitare en pensant à ça et c’est comme ça que “Voodoo Queen” est née ! Mais on s’en fout ! Certaines choses influencent nos chansons de manière assez directe et d’autres de manières plus sous entendue. Pour John et moi, la guitare est comme une extension de notre corps. On en joue dès que nous avons quelque chose en tête, c’est comme ça que l’inspiration vient. C’est très naturel.
Etiez-vous conscient que vous alliez enregistrer un album lorsque que vous jouiez ces chansons au début ?
John : Pour ma part je crois que oui. Quand nous avons commencé à jouer ensemble, nous n’attendions pas de chansons. On faisait juste du bruit quelque part. Et c’est seulement au bout de la troisième session que des chansons ont commencé à émerger. Mais toutes les personnes impliquées dans ce projet ont d’autres engagements et Nergal et moi ne sommes le genre de personne à jouer avec le temps des autres. Donc nous devions concrétiser ce projet quelque part. Il y a eu comme une ellipse entre ces deux phases car Nergal et moi étions très occupés mais je suis toujours resté confiant sur le fait que nous allions finir par y arriver.
Nergal : On a abordé les choses jour après jour mais nous gardions en tête que nous voulions faire de bonnes chansons. Mais nous n’avions pas de plan, pas de label, pas de tournées de prévues. Donc on s’est dit “OK, enregistrons cet album et nous verrons”. Et c’est toujours cet état d’esprit d’ailleurs. On attend le jour de la sortie de l’album, puis la tournée et si les choses se passent bien on avisera !
Nergal, penses-tu que cet album va influencer le prochain album de Behemoth ?
Nergal : Oui c’est sûr.
John va t’il apparaître dessus ?
(rires)
John : Oui mais je dois me faire quelques tatouages avant !
Nergal : Je ne veux pas que mes ambitions tuent ma liberté donc j’essaie de ne pas trop séparer les choses que je fais. Quelque part, tout ce que j’ai vécu entre “The Satanist” et la composition du prochain album l’influenceront, ce projet y compris. Je ne veux plus faire de disque pour me prouver des choses, comme je l’avais fait avec “The Apostasy” par exemple.
Est-ce vrai que tu composes les chansons de Behemoth sur une guitare acoustique ?
Nergal : Non mais par exemple “The Satanist” a uniquement été composé sur une Telecaster. Par la suite je me suis servi d’autres outils pour aboutir au son de l’album mais j’adorais le feeling de la Telecaster à cette époque, comme j’adore celui de la Gretsch pour ce projet !
John, que penses-tu de Nergal comme chanteur ?
John : Mec, je n’aurai pas fait ce disque je pensais des choses négatives de son chant. Ne compte pas sur moi pour lui faire un compliment ! (rires)
Nergal : Je n’ai jamais été très confiant sur le fait de chanter. J’ai appris à ouvrir correctement ma bouche et à chanter du mieux que je peux pour cet album. Je ne veux pas offenser les chanteurs donc je ne me considèrerais pas comme un chanteur. J’espère juste ne pas être trop faux et j’espère être le plus honnête dans ma façon de chanter.
Dernière question : notre site web s’appelle “RockUrLife” donc qu’est ce qui rock votre life ?
John : Qu’est ce qui rock ma life ? Cette prometteuse entreprise ! (S’adressant à Nergal) Et toi ? Qu’est ce qui rock ta life ?
Nergal : Vivre !
John Porter : Oui vivre, faire ce qu’on fait aujourd’hui par exemple, rencontrer des gens sympas à Paris.
Site web : meandthatman.com