Interviews

ZEAL AND ARDOR (12/01/17)

English version

Il y a quelques semaines, RockUrLife a rencontré Manuel Gagneux, créateur de Zeal & Ardor, un nouveau projet musical mélangeant ingénieusement black metal et musique afro-américaine.

Le premier album de Zeal & Ardor, “Devil Is Fine“, sortira officiellement dans un mois. Comment te sens-tu ?

Manuel Gagneux : Je suis très enthousiaste. C’est étrange, la façon dont tout ça s’est construit, et j’ai vraiment hâte de poursuivre dans cette voie.

Le processus a déjà commencé, n’est-ce pas ? Ton album était disponible en ligne il y a quelques mois, mais maintenant que tu es signé chez MVKA, il a une date de sortie officielle. Comment tout cela est arrivé ?

Manuel : Oui, un gars qui travaille avec moi s’est rendu compte que MVKA était intéressé, et ils ont appelé. C’était assez irréel comme situation, entendre un gars me dire “hey je suis d’un label et on veut te signer”. C’est arrivé comme ça. Ils m’ont entendu via internet, comme beaucoup de gens.

Ton album est devenu viral en ligne, effectivement. T’y attendais-tu ?

Manuel : Non ! Je l’ai mis sur Bandcamp en me disant que ma mère l’achèterait peut être, qui sait. Et puis cette journaliste Kim Kelly (ndlr : de “Noisey”) en a parlé, ce qui a amené beaucoup de monde, et ensuite il y a eu un article dans le “Rolling Stone”, et c’est là que j’ai réalisé que c’était du sérieux. (rires) Je voulais juste faire la musique que j’aime, et je savais même pas que d’autres gens l’aimerait. Donc c’est très surprenant pour moi, d’en être arrivé là. D’être ici, à répondre à des questions. C’est bizarre. (rires)

Question évidente : comment as-tu eu l’idée de mixer ces genres musicaux ensemble ?

Manuel : Je travaillais sur un autre projet, appelé Birdmask, et j’étais… Pas frustré, mais j’en avais un peu marre. Je suis allé sur ce site qui s’appelle 4chan, où je demandais souvent des retours sur ma musique. Je leur ai demandé de me citer des genres musicaux. Ils m’en donnaient deux, et je devais en faire un morceau en trente minutes. Et un jour, un gars a dit “black metal”, et un autre “musique n****”. Je l’ai pas fait sur le moment, parce que je me sentais un peu… Peut être énervé, ou insulté, j’en sais trop rien. Mais j’ai gardé l’idée en tête, et j’ai expérimenté avec.

Penses-tu que ces deux styles ont des points communs, ou pas du tout ?

Manuel : Pas musicalement, non. Mais je pense que les gens qui les jouent en ont. On a imposé le christianisme aux esclaves américains, et aussi aux Norvégiens. Ces deux régions sont liées de manière assez intéressante, je trouve.

La religion a toujours une place très importante dans la société de nos jours. Est-ce quelque chose que tu veux combattre ?

Manuel : Je crois que je veux juste montrer que c’est la même merde partout. (rires)

Penses-tu que ça changera un jour ?

Manuel : Je l’espère ! Le “penser”, c’est une autre histoire, mais je l’espère, c’est sûr. (rires)

Il y a cette thématique sataniste à travers l’album entier. Est-ce que ça a un rapport avec tes propres croyances, ou est-ce plutôt une prise de position politique ?

Manuel : Je crois que c’est un peu comme pour les Norvégiens. Il ne s’agissait pas tellement de satanisme, mais de rejeter le christianisme. C’est un peu pareil pour moi. Donc oui, c’est plus politique que concernant le satanisme en soi.

En plus de ces deux genres principaux, on remarque clairement beaucoup d’influences (des sonorités électroniques dans “Sacrilegium I”, par exemple). Etait-ce quelque chose que tu voulais intégrer dans ton album, ou est-ce arrivé par hasard quand tu composais ?

Manuel : C’était un truc sur lequel je travaillais depuis un moment, en jouant juste comme ça. Et puis j’ai réalisé que c’était un autre genre de sacrilège, d’avoir des éléments électroniques sur un album de rock ou de metal. C’est sacrilège en soi. Donc oui, il y avait cette réflexion derrière ça.

 

 

La scène metal peut être assez fermée sur ce genre de mélange, il y a beaucoup de métalleux puristes. Mais en fait, ça a marché en ta faveur !

Manuel : Tout à fait ! Mais aujourd’hui il y a tout ce mouvement un peu bizarre de la synthwave, et des fans de black metal vont à ce genre de concert électro. Donc je crois qu’il y a un petit changement dans l’ouverture d’esprit de tous ces gens. C’est encourageant.

Aimes-tu la synthwave ? On imagine que tu écoutes plein de choses différentes.

Manuel : Oh oui. J’adore Perturbator, qui est l’un de ces mecs. D’ailleurs on va faire un truc ensemble bientôt. Je ne peux pas t’en dire plus, mais c’est enthousiasmant.

Y’a t-il d’autres collaborations ou des projets que tu voudrais réaliser à l’avenir ?

Manuel : J’aimerais faire une super tournée, déjà, avec des super concerts. J’adore assister à des concerts, je trouve que c’est vraiment exceptionnel de voir un groupe ou artiste que tu aimes sur scène. C’est toujours différent, et parfois, ça a vraiment quelque chose de magique. C’est cette magie que je dois poursuivre.

Tu as posté sur Twitter que tu avais été voir Gojira il y a peu. C’était comment ?

Manuel : Fantastique ! J’ai pu rencontrer les gars aussi. Leur album “Magma” est incroyable. Et pouvoir parler aux gens qui l’ont fait, et les voir jouer… C’était fantastique.

A quoi vont ressembler tes concerts ? As-tu prévu d’avoir un groupe live ?

Manuel : Oui, j’ai des musiciens avec moi. On répète comme des fous en ce moment. Il y a quatre autres personnes. Une basse, une guitare, une batterie, et deux choristes pour les parties chantées. Et oui, ça va être plutôt cool je pense !

Sais-tu déjà ce que tu vas faire niveau scénographie ?

Manuel : Oui, on a les lumières, et aussi des accessoires qu’on va pouvoir utiliser pendant le spectacle. Ca va être vraiment cool.

Sens-tu que tu veux construire ton univers non seulement à travers la musique, mais aussi à travers le travail visuel ?

Manuel : Je pense que c’est une grande partie de l’oeuvre. Je suis très fan de Tom Waits par exemple, parce que quand j’écoute sa musique, j’ai des images en têtes. Des paysages urbains tristes, ce genre de chose. Et j’adorerais pouvoir créer quelque chose comme ça. Donc j’ai toujours le composant visuel en tête, et aujourd’hui je peux vraiment le mettre en scène dans le monde réel, c’est vraiment génial.

On peut déjà voir la vidéo de “Devil Is Fine”. Comment a-t-elle été créée ? Etais-tu impliqué ?

Manuel : C’est arrivé un peu par hasard en fait. Mon manager habite avec le réalisateur de la vidéo. Et il ne savait pas que c’était un réalisateur, et un jour en faisant la lessive, je crois qu’ils étaient un peu bourrés, il y en a un des deux qui a demandé “eh tu fais quoi dans la vie ?”, et c’est comme ça qu’il l’a découvert. Donc je l’ai rencontré, il s’appelle Samuel Morris, et j’ai aussi rencontré son ami Fabio Tozzo qui a été directeur de la photographie. On a fait une réunion pour parler du concept de la vidéo, et puis on a tourné. Je suis vraiment impressionné par les vidéastes, c’est tellement de travail. Tout ce que j’ai fait moi, c’était des sandwichs pour l’équipe. (rires) C’était même pas de très bons sandwiches. C’est un peu triste (rires).

Avais-tu une idée de ce que tu voulais, ou leur as-tu laissé carte blanche ?

Manuel : C’était un genre de collaboration. Je ne peux pas dire que j’ai co-réalisé, parce que je n’y connais rien dans ce domaine, mais j’ai donné quelques directions.

 

 

Quel est ton processus de création ?

Manuel : Je commence toujours par boire beaucoup de café. Et je vois où je vais à partir de là. En général je commence avec les chants, du coup je commence à screamer au hasard des trucs satanistes. Mes voisins ne sont pas fans. (rires) Et puis ça se construit là dessus. Mais je n’ai jamais de but en particulier, parce que, d’expérience, quand j’en ai un je ne m’y tiens pas, et ça sonne toujours différemment au final, de toute façon.

Tu écris, joues et fais tout toi-même, en fait. N’est-ce pas trop de boulot ?

Manuel : Pas tellement, en fait. Je peux tout faire en sous-vêtements si j’en ai envie. C’est plutôt une bonne situation.

C’est quoi le plus difficile ?

Manuel : Le mixage je suppose, et tout ce qui concerne la production des morceaux. Je veux dire, les gens étudient ces trucs là. Moi j’essaye, c’est tout. (rires)

Une idée de ce à quoi ton futur va ressembler, comment il va sonner ?

Manuel : Pas vraiment. Je sais que je vais enregistrer cet automne, mais j’ai aucune idée de ce à quoi ça va ressembler. (rires) Je veux dire, j’écris des morceaux, mais je ne sais pas si je vais les garder au final.

As-tu prévu de jouer des nouveaux titres sur scène ?

Manuel : Absolument. L’album ne dure que vingt minutes, et si on veut faire des concerts, on ne peut pas faire un set de vingt minutes ! Les gens nous tueraient.

 

 

Hormis le concept que tu as développé, qu’est ce qui t’inspire dans ta composition ?

Manuel : Surtout les livres et les comics. C’est difficile de dire ce qui t’inspire, en fait. Je pourrais citer un ou deux groupes cools, mais au final ça peut très bien être une pub ou un truc qui te reste en tête, et que je vais reproduire inconsciemment. Donc c’est difficile à dire. Mais oui, les livres sont une énorme inspiration, ça c’est sûr.

Quel genre de livres ?

Manuel : Des trucs de James Joyce. Tom Robbins aussi. Et puis après, des comics, plein. “Transmetropolitan”, “Saga”, “Fables”.

Tu as l’air de t’intéresser à plein de formes d’art, est-ce que tu aimerais les explorer personnellement ? Ecris-tu et/ou dessines-tu, toi-même ?

Manuel : J’écris et je dessine beaucoup, mais je ne pense pas que les gens en aient quelque chose à foutre (rires). Pour moi c’est surtout un moyen d’extérioriser mes pensées, mais c’est pas pour être montré aux gens. Et c’est tout à fait satisfaisant comme ça. Faire de la musique me rend si heureux. Après une journée de composition et d’enregistrement, je souris.

Dernière question : notre webzine s’appelle “RockUrLife”, alors simplement : qu’est ce qui rock ta life ?

Manuel : Je crois que c’est la vie en elle-même. Parce que tu peux jamais vraiment choisir ce qui va t’influencer ou te faire avancer. Donc tous les trucs bizarres qui peuvent arriver, que ce soit un super morceau de brocoli, de la musique, n’importe quoi. Tout rock ma life.

 

 

Site web : zealandardor.bandcamp.com