En pleine tournée promotionnelle pour le prochain album d’Annihilator “Feast“, Jeff Waters était de passage à Paris fin juin, et voici donc les réponses à nos questions !
Salut Jeff, comment vas-tu ?
Jeff Waters (chant/guitare) : Fatigué mais heureux.
Il semblerait que nous soyons les derniers de la journée
J : C’est la bonne partie justement. (rires)
Donc votre nouvel album va sortir fin août. On dirait que ce fut gardé tel un secret; bien évidement qu’un nouvel album allait venir mais aucune information n’a réellement filtrée. Comment s’est déroulé le processus autour de “Feast” ?
J : Le dernier opus est sorti en 2010 et nous n’avons rien composé avant la mi-janvier 2013. Dave Padden proposa : “tu sais quoi ? Faisons tout plein de trucs entre temps mais aucune composition” et j’ai répondu “ok, ça me parait bien”. Car l’idée aurait pu être de faire un nouvel album, pour 2011 mais il aurait pu ressembler au précédent, voire un peu meilleur ou pas du tout, nous ne voulions pas faire ainsi. Nous avons pris notre temps, entre les tournées et les festivals avec Annihilator, mes clinics pour Gibson et Epiphone, le 70.000 Tons Of Metal; j’ai également masterisé et produit quelques CDs. Nous étions très occupé puis en janvier “bon, allez, au travail”. Dave m’a rejoint à Ottawa et il avait raison, c’était comme si nous avions bu trop de café durant trois mois. C’est l’album d’Annihilator le plus rapide de l’histoire.
Le referais-tu ?
J : Non, trop long. Peut-être deux ans.
Qu’est-ce qui t’as inspiré pour les phases d’écriture ? N’est-il pas difficile d’innover après treize albums ?
J : Oui c’est dur d’innover tout le temps. La chose est que lorsque tu sors quatorze albums, bien évidemment tu vas répéter beaucoup de choses, c’est normal. Slayer, AC/DC, Iron Maiden, nous faisons tous la même chose. Parfois nous avons de superbes compositions, d’excellents albums; parfois ça passe, parfois pas vraiment. Tu ne peux pas être parfait à chaque fois. Tu peux avoir “Back In Black”, “The Number Of The Beast”, “Killers”, “Screaming For Vengeance” or “Painkiller”, tu ne peux pas faire ça à chaque fois sinon nous serions tous riches, célèbres et limite des dieux, c’est impossible. C’est pourquoi cette petite pause fut bénéfique, cela a changé quelque chose, cependant ce qui ressort de cet album ne provient pas de cette coupure où nous étions tout excités. La musique provient de démos passées. Il y a une ballade, le type de musique que j’aime beaucoup composer; une chanson punk/Guns N’ Roses/Roses Tattoo hard rock avec Danko Jones chantant dessus. Dave et moi avons dit “bon, on appelle Danko pour celle-là”. Nous n’avions rien changé et nous n’avons pas changé de style, nous avons surement apporté quelques vieilles touches. Il y a tout de même deux éléments “neuf” lâchés dans l’album : la première sur l’intro de “No Surrender”, je ne sais pas, je n’ai jamais acheté d’album des Red Hot mais il y a quelques secondes funk là
Avec la basse !
J : Avec la basse et la guitare et je me suis dit “les Red Hot ?” Flea et le batteur sont géniaux, le groupe également, c’est juste que je n’ai jamais acheté le moindre album mais j’ai dû l’entendre quelque part, peut-être dans un DVD ou en live et l’un de mes neurones a sans doute eu un flash funky et voilà le résultat. Le troisième titre “Smear Campaign”, nous étions en tournée pour trois semaines en Amérique du Sud et Dave me regarda et me dit, alors qu’il écoutait l’album pour la première fois, “Smear Campaign, tu as écouté “St Anger” l’année dernière ?” moi “Non, je n’ai même pas ce CD”, “Tu ne l’aimes pas ?” “Je n’ai jamais vraiment écouté celui-ci mais j’ai maté le DVD” et quelque chose au sein de ce DVD a touché un autre de mes neurones et est apparu lors du riff principal de ce titre. Dave réagissait souvent “ça sonne comme Slayer, ou Judas Priest, Iron Maiden etc.” Je suis un grand fan, la moindre originalité que j’ai provient un peu de tout le monde.
Si tu devais choisir trois titres, lesquels et pourquoi ?
J : Numéro 1 : “No Way Out”. J’adore le groove du duo basse/batterie, c’est un peu comme “Toxic Waltz” d’Exodus, bien que le titre ne ressemble en rien à celui-ci mais il y a ce feeling où le thrash rencontre le groove; Testament a “Trial By Fire”, idem, le groove de la basse et de la batterie avec les guitares bien heavy. Je pense que j’en ai fait ma propre version, pas l’influence de ces groupes mais ce feeling dans “No Way Out” avec les paroles aussi, traitant d’une affaire américaine, un procès, celui d’une fille qui s’est déroulé de janvier à avril, soit la même période durant laquelle on a fait l’album. Chaque jour, les audiences furent diffusées à la TV et avec ma fiancée ce truc nous a rendu accroc; on regardait l’émission six heures par jour sans compter les rediffusions le soir. Une petite addiction alors que c’était horrible. La fille en question a coupé la gorge de son ex-petit ami, lui a tiré une balle en pleine tête et l’a poignardé 29 fois. Elle fut reconnue de meurtre au premier degré mais parce qu’elle est folle, ou plutôt malade, elle a fait appel à des avocats, tirant sur les ficelles du système et elle, maintenant, reconnue de meurtre au premier degré mais il reste encore des audiences à venir; c’est frustrant de voir cela, tu as des envies de vengeance; car tu es en colère envers le système, envers cette personne; ça peut paraitre fou, mais je suis très fier de ce titre.
Représente-t-elle le personnage de la pochette ?
J : Non. Donc la première est celle-là, ensuite la ballade “Perfect Angel Eyes”, si tu lis attentivement les paroles, tu verras bien évidemment que je suis amoureux et d’habitude tout le monde à ce type de moment. Je me devais de l’écrire au travers d’un titre et de mettre tous les auditeurs sous cette torture, l’enfer, à écouter mes sentiments intimes. Puis enfin “Smear Campaign”, la troisième.
Que peuvent attendre les fans de celui-ci ? Du bon vieux thrash metal old school à la sauce Annihilator ?
J : Du typique Annihilator, du thrash metal, avec un peu de speed metal, beaucoup d’heavy metal et un peu d’éléments diverses ici et là.
Que prévoyez-vous autour de cette sortie ? Il y aura une tournée européenne et ensuite ? Aurons-nous la chance de vous voir au Hellfest l’année prochaine ?
J : Je dirais que oui car nous avons communiqué avec le Hellfest plusieurs fois ces dernières années mais ils avaient déjà la programmation complète ou je ne sais quoi. Mais nous y avons joué en 2010 et nous avons reçu un très bon retour et je pense que maintenant il y a de bons éléments qui vont dans ce sens : les ventes des trois derniers albums augmentent à chaque fois et je pense que la France s’y met aussi, petit à petit les ventes augmentent. et je pense que le Hellfest se doit de nous reprendre, j’espère du moins, c’est un super festival, fantastique même; un des meilleurs fests, nous aimons le Wacken, le Sweden Rock Festival, le Masters Of Rock et le Hellfest.
Tu es un très bon ami d’Alexi Laiho de Children Of Bodom. As-tu écouté son dernier album ?
J : Pas encore. J’ai écouté au premier titre et comme les journalistes, on m’a demandé de le commenter, or il ne m’a pas envoyé le CD encore, donc je pense que je vais devoir l’acheter, de ma propre poche. Il m’a demandé de joué un solo sur une des reprises qui y figure, un bonus sans doute, qui figure sans doute sur l’édition japonaise du CD.
Que dire à propos de ta pédale Devil Drive Overdrive ? Retrouve-t-on le son exact de Jeff Waters ?
J : Un peu ouais, car ma pédale préférée que j’utilisais était la BOSS OD1 et n’était disponible que dans les années 80 et il y en avait trois modèles. Après cela, ils ont fait quasi la même pédale, mais ce n’était plus pareil. Du coup, beaucoup de guitaristes m’ont contacté pour m’offrir des milliers de dollars pour que je leur vende une de mes pédales. Le soucis – c’est que je ne les ai jamais vendu, j’en ai trois – les circuits imprimés même s’ils restent dans un coin pour trente ans, elles se détériorent et le son change. J’ai contacté une entreprise à Montréal, histoire de copier la pédale qui n’est pas la mienne, une BOSS, en l’améliorant un peu et ils m’ont dit “ok mais on aimerait également y mettre un switch apporte un son plus moderne” que beaucoup de musiciens aiment et j’ai dit “ok donc un des interrupteurs commute tout et rend un son tel qu’on trouve sur les albums d’Annihilator” et avec l’autre, ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient. Mais c’est super, c’est cool pour moi car maintenant j’ai une pédale qui ne se détériora pas rapidement.
Quels conseils pourrais-tu donner aux guitaristes qui voudraient jouer du Annihilator ?
J : Et bien, je pense qu’il faudrait apprendre avec la main gauche, de tenir le manche de manière classique, comme avec une guitare sèche. Lorsque tu me regardes jouer, tu ne vois jamais mon pouce, il est caché derrière le manche et avec la main droite, il faut juste s’exercer encore et encore comme les Kerry King, Jeff Hanneman, James Hetfield et Gary Holt d’Exodus, fais-le ainsi et tu seras prêt.
Car même les morceaux les plus simples sont difficiles à jouer, c’est très fatiguant.
J : Ouais, c’est fatiguant pour moi également. L’un des points positifs d’avoir son propre studio, c’est que tu n’es pas obligé de jouer toute la chanson en une prise. Tu joues la première minute puis tu fais une pause, tu te lèves, tu t’étires, tu prends un café et ensuite tu continues. C’est pour le live que cela devient difficile, car je dois m’entretenir énormément pour me muscler pour ensuite passer à la guitare et aux exercices.
Quid d’un jeune groupe qui voudrait faire de la musique professionnellement ? Quels conseils pourrais-tu leur donner ?
J : Ne prend pas de drogues, surveille ton rapport à la boisson et fait en sorte de ne pas avoir un problème avec car l’un des soucis majeurs aujourd’hui, c’est que les maisons de disques veulent toutes tes rentrées d’argent, ils veulent tout. Tu dois donc avoir l’esprit clair et tu dois apprendre comme marche le business, et c’est vraiment difficile pour les jeunes groupes car ils n’ont pas l’expérience, donc il faudra sans cesse poser les questions et la meilleure des questions est de demander ce qu’ils ont fait par le passé. Si t’as un manager, un mec qui vient te voir et dit “hey, je suis manager, j’adore ta musique, vous êtes les meilleurs, les plus doués blablabla” ne l’écoute pas ! Demande lui ce qu’il a fait par le passé et s’il n’a rien fait, passe ton chemin sans attendre, c’est la règle numéro 1. Si un label veut te signer, demande “quels groupes figurent sur votre label ?” et si tu n’as jamais entendu parler d’eux : passe ton chemin. Si tu as entendu parler d’eux, email les autres groupes et demandes leur s’ils sont contents, s’ils gagnent de l’argent. Si non, va-t’en. Il faut tenir tête, tu n’es pas obligé d’être un enc*lé, juste d’être réglo. Je peux serrer des mains, regarder ces gens dans les yeux, sourire et être très cordial avec eux mais si je sais qu’ils essaient de me voler ou d’être malhonnête. C’est l’alcool, la drogue, apprendre le business et musicalement, écoute à plein d’artistes, divers styles, n’écoute pas seulement un ou deux groupes; n’essaye pas d’être un shreddeur, apprend à écrire une chanson et à jouer en rythme. Personne n’en tiendra compte, sauf avec Malmsteen, Satriani, Steve Vai etc. Ecoute Malcolm Young d’AC/DC et ne rit pas lorsque tes potes te disent “il ne joue que trois accords” parce que Malcolm Young est un des meilleurs compositeurs de tous les temps et a vendu le meilleur album de tous les temps “Back In Black”, il l’a composé, c’est une des meilleures influences en tant que guitariste. Tout musicien, Mike Mangini de Dream Theater, Annihilator, Steve Vai, le beat AC/DC est la première chose à apprendre pour un batteur, comme une machine, avant de faire comme Mangini ou Portnoy. Sauf que si tu ne sais pas jouer le beat d’AC/DC, tu ne pourras jamais bosser dans un studio en tant que batteur – j’ai pas mal de conseils non ? (rires) – Tu dois garder la tête sur les épaules, écouter à beaucoup de musique et demander à toute personne ce qu’ils ont fait auparavant; et s’ils n’ont rien fait, cours vite, même si cela implique la signature chez un label; cours loin, c’est la meilleure chose à faire.
Quels sont les derniers CDs que tu as écoutés ? As-tu écouté le dernier album de Black Sabbath ?
J : A vrai dire je n’ai écouté qu’au premier single “God Is Dead?” et j’ai aimé. Ok il y a Ozzy, il chante et c’est Ozzy. On a tellement entendu Ozzy mais un truc m’a fait réagir “wow, ça faisait un bail que je n’avais pas entendu Tony Iommi”. Ses riffs, la première chose qui m’est venue en tête: Pantera, Down, écoute juste le riffing, Metallica, Tony Iommi nous a tous influencé, c’est évident.
Y-a-t-il quelque chose que tu changerais dans ta carrière, si tu en avais la possibilité ?
J (Montrant le paquet) : Les cigarettes sont déconseillées mais autrement, non, pas vraiment. J’ai arrêté de boire il y a quatorze ans mais j’étais également très chanceux lorsque je faisais un peu n’importe quoi, or je n’ai blessé personne, sauf peut-être mon foie, mais je me suis amusé donc je ne regrette rien car je n’ai mis personne en danger, ni même moi-même. Peut-être que six ou huit ans auparavant, je t’aurais parlé des changements de line up. Nous avons des fans à travers le monde, chacun d’eux aime des albums différents et si ce n’était pas le cas, j’aurais été déçu en tant que compositeur; or nous en sommes à quatorze albums et cela continue, youhou ! (rires)
Finalement, nous sommes “RockYourLife!”, donc : qu’est-ce qui rocks ta life Jeff ?
J : Rocks my life, qu’est-ce que “rocks my life”? La nourriture ! C’est mauvais pour toi mais la bonne nourriture ! Les films, (chuchotant) les moments intimes avec ma femme; quoi d’autres encore ? Bien évidemment, regarder les audiences du tribunal, (rires) à vrai dire j’aime observer la façon dont laquelle fonctionne le système juridique, la TV. Je suis plutôt ennuyeux en dehors de la musique car ce que j’aime c’est la musique, aller à des concerts, aller backstage et rencontrer les gens, aller dans les magasins de musique et regarder pour de nouveaux équipements studios, des trucs tout naze. Les concerts sont cool mais les musiques faites via informatique: bof, mais j’adore bosser avec en studio; donc en grande partie la musique.
Tu sais, Kobi d’Orphaned Land a dit “hummus”.
J : Oh yeah ! Tadziki, hummus et le pain pita ! Je tiens ma réponse !
Une bien belle conclusion !
J : Une très belle !
Site web : annihilatormetal.com