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ARCH ENEMY (01/06/22)

English version

Cinq années après Will To Power (2017), Arch Enemy fait son grand retour dans les bacs ! Michael Amott et Alissa White-Gluz nous en disent plus au sujet du nouvel album Deceivers !

Tout d’abord comment allez-vous ? Quel a été votre ressenti en retournant sur scène suite à cette longue pause forcée ? Reprendre les habitudes, voyager d’une ville à l’autre etc…

Michael Amott (guitare) & Alissa White-Gluz (chant) : Bien !

Michael : Quoi ? Que s’est-il passé ?

(rires)

Michael : C’était vraiment bien. Nous venons tout juste de terminer notre première tournée depuis deux ans et demi. Et puis nous étions soudainement de retour pour jouer des concerts pour les fans. Les fans avaient eux aussi répondu présents, aux Etats-Unis et au Canada. Les shows étaient d’ailleurs excellents, on pouvait ressentir une énergie particulière une fois sur scène.

Étiez-vous peut-être un peu anxieux de remonter sur scène après une telle pause ?

Michael : Personnellement non. Je m’y étais préparé, aux différents scénarios et puis quand nous sommes montés sur scène en Arizona, lors du premier concert, c’était un peu comme avant oui. J’étais simplement plus fatigué car j’avais perdu l’habitude de courir sur scène en tenant une guitare, alors que je restais assis chez moi durant deux ans et demi. C’était forcément une différence majeure. Mais l’effort et l’adrénaline que produisent une performance d’Arch Enemy étaient bien sûr, un peu choquants pour nos corps au départ. Mais à part cela, c’est comme si on avait juste repris le vélo. On n’oublie jamais vraiment ces choses.

Alissa partages-tu le même ressenti que Michael ?

Alissa : Oui, je n’étais pas anxieuse dans le sens d’être nerveuse. J’étais juste excitée à l’idée de remonter sur scène !

Pour ce nouvel album, vous avez commencé à composer et enregistrer des démos à l’étranger, puis vous êtes retournés en Suède. Ce changement soudain a-t-il affecté l’ensemble de votre processus créatif au début ? En dehors d’une météo différente.

Michael : Pas vraiment. Vous savez, c’était plus une question de s’évader et de composer, composer et d’enregistrer un peu. Je pense que c’est une chose saine de rompre parfois avec son environnement habituel. Il suffit de le faire quelque part. Je veux dire, c’était encore à l’époque des jours normaux, juste avant que le monde ne se lance dans cette grande chose que nous venons de traverser. Il ne s’agit donc que de composer et d’enregistrer. Nous en avons tiré six/sept titres bien avancés, à l’image de ce que vous pouvez écouter instrumentalement sur l’album. C’était génial.

De nombreux groupes travaillaient à distance, mais il semble que vous préfériez travailler “en personne”. Malgré le fait que Jeff ait enregistré aux États-Unis, à quel point était-ce difficile pour vous tous ? On veut dire : discuter des chansons, du processus. Aviez-vous des appels en visio récurrents durant cette période ?

Michael : A vrai dire, j’envoyais des chansons à Alissa, des chansons instrumentales en 2020 déjà. Puis elle est arrivée en Europe pour travailler avec nous. Et donc tout cela a très bien fonctionné… heureusement ! Autrement cela aurait été assez complexe. Mais c’était dommage pour Jeff. Vous savez, il a essayé de prendre deux ou trois vols, sans succès. C’était une période très difficile et c’était dommage parce que j’aime travailler en face à face.


Qu’en est-il de ce titre Deceivers ? Qui sont-ils ? Y a-t-il un parallèle avec le monde d’aujourd’hui ?

Alissa : Il y a toujours quelque chose de particulier lorsque le titre d’un album se résume à un unique mot. Ce n’est qu’un mot, n’est-ce pas ?  Donc, je pense que les gens peuvent comprendre et interpréter cela de différentes manières, et j’aimerais les laisser faire.

Michael : Vous pouvez aussi le voir un peu à travers la pochette de l’album. Elle montre deux personnages tenant des visages qui ne reflètent pas ce qu’ils sont vraiment et il y a aussi beaucoup de dualités dans la musique. Il y a beaucoup de beauté et de laideur, ce truc vraiment lourd et sale. Et puis il y a des mélodies vraiment belles et planantes, et de merveilleuses progressions d’accords. Des moments musicaux. C’est la beauté naturelle. Il se passe donc beaucoup de choses et je pense que tout fonctionne très bien.

Ce titre résume-t-il d’une manière ou d’une autre l’ensemble de l’album ou y a-t-il peut-être un lien avec “Deceiver, Deceiver” ?

Alissa : “Deceiver, Deceiver” est un peu le morceau éponyme. C’était le premier single, mais également le premier clip vidéo et nous en avons quatre depuis. Je pense que cela a touché une corde sensible chez nous et nous avons commencé à plonger un peu plus dans cette idée et cette pochette d’album. Avant même de savoir comment nous allions appeler l’album, nous en discutions déjà. Donc je pense pas que ce soit comme un album concept, mais je pense que l’idée de tromperie peut trouver son chemin dans la plupart des morceaux.

En parcourant les paroles, certains thèmes ont attiré notre attention, comme la trahison, le mensonge ou le conformisme (avec “One Last Time”). Est-on proche de la vérité avec ces thèmes ou est-ce juste notre vision et notre interprétation des paroles ?

Michael : Non, je pense que tu as raison. Je pense que tu es assez proche. Je veux dire, une fois que ces choses sont là… Oui !  (rires)


Deceivers est le troisième album avec Alissa au chant.  On dit souvent que le troisième album d’un groupe est une sorte de tournant. Même si ce n’est pas exactement le troisième album d’Arch Enemy, depuis War Eternal (2014), Deceivers reflète-t-il le meilleur de cette version actuelle du groupe ? Au fil des années, ressentez-vous la différence ? Votre évolution, en tant que groupe mais aussi en tant qu’être humain.

Michael : Oh, il y a certainement une évolution dans la collaboration. Mais, vous savez, je n’ai ressenti aucune pression comme un album qui se veut être décisif. Je ne ressentais pas cela du tout. Peut-être que si jamais je sentais pareille chose, c’était davantage pour Will To Power (2017), le deuxième, parce que j’étais coincé : “merde le premier a si bien fonctionné et War Eternal est devenu si génial. Comment pouvons-nous refaire cela ? Comment cela fonctionne-t-il ?” Mais nous l’avons fait.  À l’époque, je n’y pensais pas du tout. Et effectivement, je pense que ce genre de pression, ce sont plus des choses auxquelles peut-être d’autres personnes pensent. Nous ne nous mettons pas cette pression. Nous sommes déjà très engagés et sérieux vis à vis de ce que nous faisons. Il vous faut beaucoup pour créer quelque chose à partir d’une feuille vierge et c’est ce qu’il se passe lorsque vous créez/touchez à de l’art. Tel un livre de pages vides et vous n’avez qu’à les remplir d’une histoire intéressante. Bien sûr c’est un peu intimidant au début mais ensuite vous vous lancez et puis vous aimez écrire la première chanson, le premier chapitre, et puis vous aimez tout à coup ce qui en découle. Vous vous retrouvez avez six ou sept chansons et puis vous savez, c’est très amusant en cours de route aussi.

Nous prenons le processus très au sérieux. Mais nous avons aussi passé un bon moment à faire ces nouveaux morceaux. C’est très inspirant et énergisant. C’est aussi beaucoup de choses positives. Je pourrais m’asseoir là et penser que nous devons atteindre monter la barre une fois de plus. Nous sommes allés si haut avec le précédent. Mais je ne pense jamais à ce genre de choses. Vous savez, c’est vraiment des railleries, et des ventes et vous ne pouvez pas laisser cela entrer dans votre tête. D’autres personnes travaillent avec nous pour s’occuper de tout cela. Je pense que nous avons fait notre travail en étant très créatif et en proposant de la bonne musique.

Mais on suppose que vous abordez chaque album comme un nouveau défi. Aller au-delà, faire mieux que le précédent, etc.

Michael : Bien sûr. Mais ce n’est pas une pression extérieure. C’est une pression que nous nous mettons sur nous-mêmes. C’est peut-être quelque chose que nous voulons faire. On se pousse à mieux jouer, à mieux chanter, à mieux composer.

Alissa : Mais je pense que tu dois le faire, autrement pourquoi le faisons-nous ? Si tu fais juste quelque chose et que tu ne t’en soucies pas, que le résultat n’est pas aussi bon que le projet précédent, alors autant arrêter. Je pense que tous ceux qui sont passionnés par leur travail veulent toujours s’améliorer. Tout comme nous avec Deceiver.

Donc, après “Deceiver, Deceiver”, vous avez partagé “House Of Mirrors”. Question simple : quel est le message derrière ces miroirs ? On a senti que cela pouvait refléter des choses différentes selon chacun d’entre nous. Faut-il s’approprier ce titre et s’y projeter musicalement et vis à vis des textes ? Peut-être plus qu’avant encore.

Alissa : J’ai écrit les paroles de celui-là. Je voulais vraiment écrire des paroles auxquelles les gens pourraient s’identifier. Avec “House Of Mirrors” je suis un peu fascinée par l’idée d’une maison, d’un foyer. Les humains ne sont pas vraiment des animaux nomades, mais les musiciens le sont. Nous sommes constamment en voyage, d’un endroit à l’autre. Donc c’est un peu déroutant lorsqu’il faut identifier l’endroit que l’on identifie comme notre foyer car nous passons la plupart de notre temps partout ailleurs. On me demandera toujours : “où habites-tu ?” “Je ne sais pas“. (rires) Il y a comme cette association avec “home sweet home“, à l’image de ce genre d’environnement chaleureux. Mais comment le définir ? Est-ce quatre murs ? Est-ce l’emplacement géographique sur la carte ? Ce sont les gens avec qui vous êtes ? Est-ce l’expérience que vous vivez ? Comment définir cet espace positif et réconfortant ? Donc je voulais explorer cela car nous avons tous fait l’expérience de couvre-feu et autres confinements. Soudainement ton espace, ton foyer, ta maison était une mauvaise chose. Telle une prison, nous devions rester là et le monde était si dystopique que je l’étais aussi. Honnêtement j’imaginais Alice au Pays Des Merveilles, que se cache-t-il de l’autre côté ?

Cette réalité alternative. Car en 2019, si quelqu’un vous disait que cela allait arriver dans quelques mois, personne ne l’aurait cru. Nous n’aurions jamais pu le croire. Mais nous y voilà. Alors oui, je pensais juste que “House Of Mirrors” était une image vraiment forte. Je pense que cette chanson est peut-être assez pertinente car nous ressentions tous cet isolement en étant forcés de rester seuls ou au moins de rester confinés à un endroit. Donc je pense que ces paroles trouveront échos auprès de beaucoup.


On imagine que tu peux comprendre que les interprétations sont diverses malgré tes explications précédentes.

Alissa : Bien sûr.  C’est pourquoi j’écris des paroles avec beaucoup d’allégorie et de métaphore. Je ne suis jamais vraiment directe. Car j’essaie de créer des images avec les paroles. Donc j’utilise beaucoup de noms et d’adjectifs plus que de verbes, car je ne fais “qu’étaler” les propos. Je suis juste en train de construire une petite maison autour de vous, dans cette chanson, afin que vous puissiez simplement l’interpréter comme vous le souhaitez.

De même avec d’autres morceaux tels que “Poison Arrow”, “Sunset Over The Empire”, “Eye Of The Storm”. On a senti qu’il y avait une base commune, qui est l’état du monde d’aujourd’hui, mais sur des sujets différents. Beaucoup des textes semblent liés : au contrôle, à la pression, à la politique, aux médias. Est-ce juste notre interprétation encore une fois ?

Michael : Bien sûr, je pense que oui.  Mais je n’ai vraiment rien de plus à dire à ce sujet. La musique est là, les paroles sont là. Maintenant c’est à vous de les apprécier et de les interpréter comme vous le souhaitez. A vrai dire, je n’ai pas vraiment l’envie, ni le besoin, de toute détailler pour que le disque soit apprécié. En revanche, tu es plutôt dans le vrai vis-à-vis des thèmes.

Comme pour “House Of Mirrors”, vous nous laissez de l’espace pour interpréter / imaginer les chansons comme nous le voulons peut-être ?

Alissa : Bien sûr. oui. Absolument, nous encourageons cela.

Michael: “Sunset Over The Empire”. J’ai écrit les paroles de celle-ci avant la guerre en Europe. Et cela se passe en ce moment-même. Je veux dire, beaucoup de gens la relient à cela maintenant. Et j’aimerais que ce ne soit pas le cas, qu’une telle chose se passe réellement en ce moment, mais c’est toujours d’actualité. Ces types de sujets toujours un peu délicats et sont évidemment plus sensibles lorsque l’on est plus concerné encore.

De quoi êtes-vous le plus fier avec Deceivers ?

Michael : Je déteste être ennuyeux, mais je suis fier de tout le processus qui nous a permis de faire cet album malgré des circonstances un peu difficiles. Je suis vraiment fier de la façon dont cela sonne et de la façon dont tout cela s’est assemblé. Une fois de plus, cela a marché. Chaque album est comme un grand sentiment d’accomplissement. Comme je l’ai dit, c’est beaucoup de travail et d’efforts qui y sont consacrés. Et pas seulement les paroles et la musique, mais aussi les illustrations, les mises en page, tout. Enfin lancer tous ces singles, c’est comme un énorme projet, vous savez ? Puis les réactions ont été si positives. J’en suis très fier !

Une fois l’album enregistré, mixé, masterisé, faisiez-vous face à des retards ou des reports comme pour beaucoup d’autres groupes ?

Michael : En interne, peut-être, oui. Mais nous n’avons jamais annoncé de date et avons ensuite dit que nous l’avions déplacée. (ndlr : depuis l’interview, l’album a été repoussé de deux semaines). Mais effectivement, on souhaitait sortir l’album plus tôt, mais cela a changé.

Alissa : C’est comme tout le reste avec la pandémie, c’est très compliqué en fait. Comme des choses auxquelles vous ne penseriez pas. Le papier pour la couverture, y a-t-il une pénurie de vinyle ?  Le vinyle, il y a une pénurie. Le merchandising aussi. Donc, vous savez, nous faisons face à tout ce genre de choses et essayons de sortir l’album, mais aujourd’hui nous y sommes presque !

Top 3.

Alissa : Je dirais “Deceiver, Deceiver”, “Handshake With Hell”, que nous avons jouées toutes les deux maintenant en tournée, ce qui est cool et “Spreading Black Wings”, que nous n’avons pas encore joué. “Deceiver, Deceiver” dégage une énergie forte, vraiment brutale, donc c’est plaisant. “Handshake With Hell” est assez variée dans le son, donc c’est vraiment distrayant à jouer également et enfin, “Spreading Black Wings” est ma chanson préférée sur l’album.

Michael : Je suis un peu excité à l’idée de jouer “Sunset Over The Empire”. C’est notre dernier single, et il va être très exigeant à jouer à la guitare. Donc j’ai un peu peur de cela, mais cela va être super plaisant et nous devons le répéter un peu avant. (rires) J’imagine comme deux mosh pits, peut-être trois immenses circle pits en même temps. J’espère donc que cela se produira. Il y a aussi “In The Eye Of The Storm” et son groove si particulier que j’apprécie énormément. Enfin, je suis également impatient de jouer à “Spreading Black Wings” en live. C’est aussi l’un de mes morceaux préférés. Il dégage une atmosphère différente et sera intéressant de voir comment cela se concrétisera sur scène.


Nous arrivons presque à la fin de notre entrevue et on aimerait vous poser une question différente à tous les deux sur vos autres projets. Tout d’abord Alissa, du nouveau concernant l’album solo que tu avais annoncé ?

Alissa : Oui, j’ai une tonne de chansons écrites et enregistrées, donc je travaille constamment dessus. Mais ce n’est pas comme si je pouvais simplement me dégager un peu de temps pour m’y consacrer car depuis que j’ai décidé de le faire, nous avons été constamment en tournée ou en studio. Puis en 2020 ou 2021, même à ce moment-là, nous composions et enregistrions un album, puis les tournages vidéos et… (rires) J’ai fait beaucoup de choses au cours des deux dernières années, donc oui cela ne va pas tarder !

Et pour toi Michael : peut-on s’attendre à du nouveau avec Spiritual Beggars dans un avenir proche ?

Michael : Probablement pas. Le dernier album est sorti en 2016 et je n’ai pas composé ou vraiment pensé à de la musique dans ce style depuis. Donc je ne force pas les choses. Je joue de la guitare tous les jours, peut-être deux heures par jour, c’est ma routine à la maison. Et toutes les idées qui me viennent ces dernières années sont davantage destinées à Arch Enemy tout simplement.

Ne jamais dire jamais ?

Michael : Évidemment. Je ne veux pas dire non. Je n’ai d’ailleurs jamais rien refusé auparavant. Je pourrais être soudainement très inspiré pour faire un nouveau disque dans ce style, mais j’en doute. Je ne sais pas. Mais on ne sait jamais alors. Mais il n’y a pas de projet concret pour le moment.

Nous voici arrivé à la fin de notre entrevue, merci beaucoup !

Michael & Alissa : Merci !

Site web : archenemy.net