
Avec la sortie de son douzième album, Blood Dynasty, Arch Enemy consolide sa place comme pilier de la scène metal. Michael Amott, leader et guitariste du groupe, se confie sur la création de ce nouveau disque, les défis de leur carrière durable et leur vision pour offrir des shows live inoubliables. Entre anecdotes personnelles et réflexions sur l’évolution du metal, plongeons dans l’univers toujours créatif d’Arch Enemy.
Vous allez sortir votre douzième album studio, donc d’abord félicitations. Tu as dit qu’il y a une règle dans le metal : rester fidèle tout en ajoutant de nouveaux éléments. Comment avez-vous conçu ce nouvel album pour le garder frais à la fois pour les fans et pour vous-mêmes ?
Michael Amott (lead guitare) : Je pense que c’est toujours un processus naturel, car entre chaque album, il s’écoule toujours quelques années, au moins deux. Pendant ces années, tu fais de nouvelles expériences ou tu as de nouvelles idées. Je pense que chaque album que nous avons fait, surtout au cours des dix dernières années, est presque une réaction au précédent. On ne veut pas trop se répéter. Donc, si on a fait une chanson d’un certain style sur l’album précédent, on part instinctivement dans une autre direction – que ce soit au niveau des tonalités, des tempos, des types de riffs ou des mélodies. On pense aussi beaucoup au live. Quand on part en tournée, on veut un set vraiment varié, avec des chansons et des atmosphères différentes pour créer un spectacle captivant.

Vous avez réussi à nous surprendre, surtout si on est français, en reprenant le morceau “Vivre Libre”, qu’on ne savait même pas qu’elle existait. Comment avez-vous découvert ce morceau, et pourquoi avez-vous voulu la reprendre ?
Michael : Eh bien, c’est intéressant, parce qu’on fait toujours une série de reprises, généralement en tant que titres bonus. Elles apparaissent sur différentes éditions – comme une édition japonaise, un coffret spécial ou une édition deluxe. Mais c’est en fait la première fois qu’on inclut une reprise sur notre album principal. Je suis un peu collectionneur de disques. Je m’intéresse beaucoup au heavy metal obscur et j’écoute pas mal de metal français des années 80. Blasphème est l’un de ces groupes. Leur deuxième album inclut cette magnifique ballade. Au départ, l’idée était de l’utiliser comme morceau bonus. Comme Alissa parle français, cela semblait être un défi intéressant. Quand nous avons entendu le mix final, ça sonnait incroyable. C’est là que l’idée est venue de l’inclure dans l’album principal, Blood Dynasty. Cela ajoute de la variété et apporte une saveur différente à l’album. C’est quelque chose dont les gens peuvent parler – qu’ils adorent ou détestent.
Les paroles des chansons sont également très spéciales. Elles résonnent particulièrement avec le monde que nous connaissons aujourd’hui, notamment avec les récents événements aux États-Unis et dans le monde.
Michael : Oui et c’est très poétique.
Vous nous avez également surpris avec “Illuminate The Path” et les voix claires dans le refrain. C’est assez rare pour vous. Est-ce que vous vouliez augmenter l’impact émotionnel de la chanson ?
Michael : Oui, j’aime essayer différentes choses. En 2017, sur l’album Will To Power, on a fait l’inverse, avec un couplet clair et ensuite des growls, des cris, dans les refrains, sur une chanson appelée “Reason To Believe”. Sur le dernier album, Deceivers, par exemple, il y a toute une section dans “Handshake With Hell” qui se construit avec beaucoup de voix claires. Là, c’est juste une autre façon de faire. Avoir un refrain clair est quelque chose que nous n’avons pas trop fait par le passé. C’est aussi quelque chose qu’on a évité parce que c’est la manière la plus évidente d’intégrer des voix claires dans notre type de musique. Mais pour cette chanson, ça marchait bien. On n’a pas de règles fixes; chaque chanson est différente. Si quelque chose semble juste, il faut y aller.

Vous avez conçu cet album pour nous faire passer d’une émotion à une autre. Mais vous avez choisi de l’ouvrir avec “Dream Stealer” et de le clôturer avec “Liars And Thieves”. Pourquoi avoir décidé de commencer et terminer avec ces morceaux ? Y a-t-il une histoire ou une ambiance particulière que vous vouliez transmettre à l’auditeur ?
Michael : Eh bien, pour le choix des morceaux, je ne sais pas à quel point c’est important aujourd’hui. On me dit que les fans n’écoutent plus vraiment les albums – ils écoutent juste des playlists ou des chansons sorties du contexte de l’album. Mais je pense qu’il y a encore des gens qui écoutent les albums. Pas parce qu’ils y sont obligés, comme pour une critique, mais parce qu’ils aiment l’expérience. J’écoute encore les albums du début à la fin. Je suis à l’ancienne, parce que, quand j’ai commencé à acheter des disques et à m’intéresser à la musique, c’était comme ça qu’on écoutait. Tu retournais le disque pour écouter la face B, tu découvrais des morceaux plus discrets qui ne te marquaient pas tout de suite mais qui finissaient par devenir tes préférés. Donc, composer une liste de morceaux reste important pour moi. Je veux créer un voyage, une expérience à travers différentes émotions, atmosphères et sons. C’est une question de rythme – si quelque chose se termine doucement, tu enchaînes avec quelque chose de rapide, ou après un morceau mid-tempo, tu changes. Ce n’est pas vraiment un concept, mais je pense que faire des albums reste important. Cela fait partie de ce qui rend la musique artistique, de ce qui fait qu’on est artiste, du moins dans mon monde et ma façon de faire.
C’est une approche assez nouvelle que de ne pas sortir d’albums complets, mais seulement des EP ou des chansons, et de publier de la nouvelle musique tous les deux mois environ. Mais vous, vous semblez vraiment vouloir créer un album et avoir une intention derrière. Il y a une logique dans la manière dont vous sortez vos morceaux. Le titre principal est “Blood Dynasty”. Est-ce qu’il y a un autre message derrière ? Que représente ce concept pour toi personnellement ?
Michael : Je veux dire, “dynastie” est évidemment un mot très fort, et il reflète l’époque dans laquelle on vit. En même temps, je n’aime pas trop expliquer les paroles, parce que, pour moi, ça gâche l’expérience. Quand un artiste que j’aime s’assoit et explique chaque chanson, ça m’empêche de créer mon propre univers en écoutant la musique. C’est pour ça que, parfois, les explications de paroles ou même les clips musicaux me gâchent un peu l’expérience. Je préfère créer mes propres images et significations à partir des chansons que j’écoute. Donc, je ne suis pas trop dans l’idée d’expliquer tout ça. Mais “sang” et “dynastie” sont deux mots très puissants, et je pense qu’ils sont intéressants ensemble. Les gens peuvent les interpréter comme ils le souhaitent.
D’accord, donc c’est à nous de décider ce qu’on en fait. Malgré votre succès mondial – vous êtes indéniablement un groupe à succès – vous décrivez Arch Enemy comme “un petit groupe underground” ou “le plus grand petit groupe underground de metal“. Comment maintenez-vous cet esprit underground tout en atteignant de nouveaux sommets de popularité et en étant tête d’affiche de plus en plus de festivals ?
Michael : Je vois ce que tu veux dire. Quand j’ai dit ça, c’était pendant une interview pour The New Yorker. Ce que je voulais dire, c’est que, si tu prends du recul et regardes toute la scène musicale – la musique mainstream et tout le reste – le metal reste relativement petit. Nous sommes juste l’un des nombreux groupes de metal dans cette scène. Même si nous avons eu beaucoup de succès en tant que groupe de metal, surtout un groupe de metal extrême, le metal lui-même reste une sous-culture. Ce n’est pas une musique pour tout le monde. Et personnellement, je ne veux pas que ce soit une musique pour tout le monde. Je trouve ça cool que tu puisses découvrir quelque chose d’underground, en dehors du mainstream, avec sa propre scène unique. Mais la scène metal est en fait énorme, surtout aujourd’hui. Elle est bien plus grande que dans les années 90, quand le metal a connu un déclin. Maintenant, on a de grandes tournées, et même Arch Enemy joue dans des arènes. C’est assez dingue, avec de grands festivals célébrant ce genre de musique. C’est magnifique.
Mais au fond, je reste connecté à l’époque où j’ai découvert cette musique dans les années 80. À l’époque, il s’agissait d’aller à des concerts locaux, de jouer dans des groupes, de faire venir un groupe d’une autre ville pour jouer dans ta salle, puis qu’ils te fassent venir dans la leur. C’était cet esprit underground, un sens de l’histoire et une atmosphère très solidaire. Bien sûr, tout cela a en grande partie disparu pour nous maintenant, parce que tout est devenu beaucoup plus orienté business, avec beaucoup de personnes impliquées. C’est complètement différent. Mais dans mon cœur, je garde cet esprit.
Oui, et vous avez l’habitude de faire des éditions limitées, comme avec le vinyle Liquid Blood. On a l’impression que vous voulez vraiment maintenir une connexion spéciale avec vos fans, conserver ce sentiment de communauté et leur offrir des formats uniques que d’autres groupes n’ont pas.
Michael : Oui, merci. On met beaucoup de temps et d’efforts dans tout ça. Ce n’est pas toujours très rentable. Certaines choses sont juste pour les fans. Quand il s’agit de jouer en live et de partir en tournée, on est le genre de groupe qui va partout où on peut. Là où les gens nous programment et veulent nous voir, on y va. On a tourné dans toute la Chine, l’Extrême-Orient, l’Amérique Latine – pas seulement dans les grandes villes, mais aussi dans des endroits plus reculés. Bien sûr, l’Europe reste notre principal marché, comme pour beaucoup de groupes de metal, mais en gros, le monde entier est notre terrain de jeu.
C’est incroyable. Internet a vraiment réduit les barrières. Par exemple, on joue en Malaisie, et il y a des milliers de fans qui chantent nos paroles, alors qu’on n’a jamais sorti d’album officiellement sous un label malaisien. Rien n’a été licencié là-bas, mais il y a quand même une base de fans solide. C’est extrêmement excitant, et ça donne l’impression de rendre quelque chose aux gens qui nous soutiennent. Ça nous donne aussi de l’énergie. Récemment, on a fait 18 concerts au Mexique. C’était une longue tournée, et on a joué dans des villes dont je n’avais jamais entendu parler. Voir les fans là-bas apprécier la musique, c’était vraiment spécial et inspirant. Ça m’a donné l’inspiration et l’énergie dont j’ai besoin pour continuer ce que je fais.
Cela te donne-t-il envie de créer de nouvelles chansons ou de collaborer avec des groupes de ces endroits ?
Michael : C’est quelque chose dont beaucoup de gens parlent en ce moment -les collaborations. Mais je ne viens pas vraiment de cette époque. Les groupes avec lesquels j’ai grandi ne faisaient pas beaucoup de collaborations. Aujourd’hui, les collaborations visent souvent le marché du streaming, essayant d’élargir leur portée en combinant les bases de fans d’artistes ou de régions différentes. Si on fait une collaboration, je voudrais qu’elle soit organique. J’aimerais travailler avec un artiste qu’on respecte vraiment, et où le respect est mutuel, pour créer quelque chose de cool. Cela devrait être un projet authentique plutôt que de forcer deux choses qui ne vont pas ensemble. Cela dit, collaborer avec des artistes locaux du monde entier est une excellente idée. Je vais prendre note de ça – ça vaut la peine d’y réfléchir.
Ce serait très inattendu que vous fassiez un duo ou une collaboration avec un groupe malaisien, par exemple. Tu es dans le milieu depuis si longtemps maintenant. Qu’est-ce qui te pousse encore à continuer la musique et à élargir tes horizons ?
Michael : Je peux parler de mon expérience personnelle. Il doit y avoir quelque chose qui ne va pas chez moi, je suppose, parce que je suis toujours super excité à l’idée de partir en tournée, de faire les balances, de rencontrer les fans, de faire le show, de voyager vers la prochaine ville, et de tout recommencer le lendemain. Je fais ça depuis de nombreuses années. Je joue dans un groupe depuis que j’ai 13 ou 14 ans. J’ai commencé à tourner vers 19 ou 20 ans, et je fais ça depuis très longtemps. Je suppose que j’ai trouvé ma véritable vocation très tôt dans la vie. La plupart des gens essaient différentes choses avant de trouver leur chemin, mais je me souviens d’être un gamin de 13 ans, marchant vers une salle de répétition avec une guitare à la main, et de juste savoir que c’est ce que j’aime faire. Je ressens toujours ça – c’est sans fin pour moi. J’ai trouvé quelque chose d’infini dans la création musicale. Il y a beaucoup de liberté dans le metal pour faire ce que je veux et m’exprimer, et j’apprécie ça autant qu’avant. Je n’ai aucun problème à trouver l’inspiration.

Tu as aussi renouvelé ton expérience en intégrant un nouveau musicien. Comment ça fonctionne avec lui ?
Michael : Oui. Très bien. Il est très talentueux, en bonne santé, et c’est un excellent guitariste. En fait, il a joué avec mon frère. Mon frère, un des membres fondateurs du groupe, a déménagé en Amérique il y a environ 10 ans et a commencé à enseigner la guitare là-bas. Joey était un de ses élèves. Joey a pris des cours et a fini par jouer avec mon frère dans un groupe qu’il avait monté, où Joey jouait la deuxième guitare. C’est comme ça que j’ai entendu parler de lui pour la première fois. Avec le temps, j’ai appris à connaître Joey personnellement. Il a grandi en écoutant Arch Enemy, et je pense qu’on était un des premiers groupes de metal qu’il a découverts quand il avait environ 12 ans. C’est assez dingue qu’il ait fini par jouer avec nous.
C’est une belle histoire. Pour lui, c’est comme s’il vivait un rêve. Est-ce que tu ressens une certaine pression ou des attentes de la part de tes fans ? Pour être en tête d’affiche des festivals, un groupe doit désormais proposer des shows spectaculaires avec beaucoup d’effets spéciaux. Ressens-tu une pression pour te démarquer ou rester fidèle à ta vision ?
Michael : C’est une excellente question. C’est quelque chose avec lequel je lutte un peu. Pour moi, la musique est la priorité – ça suffit. Je préfère voir des groupes dans des petites salles intimes, en me concentrant sur la musique elle-même. Cela dit, Arch Enemy a dépassé la scène des petits clubs. On a commencé à incorporer des éléments qui renforcent la musique sans que le show ne devienne une distraction. C’est une ligne fine, cependant. Certains disent que le public “écoute avec ses yeux“, ce qui rend difficile de trouver le bon équilibre.
Arch Enemy n’est pas un groupe avec un seul gimmick ou une seule thématique. Certains groupes ont un concept très spécifique – chaque chanson, production scénique, et élément visuel est lié à une seule idée. Ce n’est pas notre cas. On est davantage un groupe axé sur la musique. Mais il est toujours important de proposer un show marquant – quelque chose de cool et mémorable. Le défi est de se démarquer. Par exemple, tout le monde utilise des effets pyrotechniques, mais après les tournées de Rammstein, c’est difficile d’impressionner qui que ce soit avec du feu. Donc, on essaie constamment d’innover. On verra ce qu’on trouve. On va tourner à travers l’Europe en octobre et novembre, donc ce sera excitant de voir comment tout se met en place.
Quels sont les morceaux que tu as le plus hâte de jouer en live ?
Michael : Eh bien, on a déjà commencé à jouer certaines des nouveaux morceaux. On a joué “Liars And Thieves” et “Dream Stealer” en tournée, notamment au Mexique et dans d’autres endroits. C’était vraiment amusant et génial. On les a aussi jouées en Europe. Je pense qu’il y aura encore quelques singles avant la sortie de l’album. On vient de sortir le dernier, “Blood Dynasty”, qui est la chanson titre. Peut-être qu’on pourra aussi la jouer en live. Mais c’est compliqué, n’est-ce pas, avec les setlists ? On en est à notre 12ème album maintenant.
30 ans…
Michael : Mon Dieu… Les gens se plaignent tout le temps – jouez plus d’anciens morceaux, jouez plus de nouveaux morceaux – c’est très difficile et compliqué. Mais j’espère qu’on trouvera quelque chose de cool, un peu différent de ce qu’on a joué l’année dernière.
Avez-vous déjà fait un concert où le public choisit les morceaux ?
Michael : Oui, on l’a fait. Au Japon, on a fait ça une fois en 2012. On a laissé les fans voter en ligne pour la setlist. C’était cool, mais vraiment stressant, parce qu’on a dû apprendre des chansons bizarres et anciennes- des trucs qu’on n’avait pas joués depuis une éternité, voire jamais joués en live. On l’a filmé aussi, mais je pense que ça n’a été diffusé qu’au Japon dans le cadre d’un petit projet DVD.
Un changement sympa pour vous en tant que groupe.
Michael : Oui, c’était cool. Mais tu sais, beaucoup des chansons choisies étaient celles qu’on joue déjà habituellement. Quand les fans votent, ils veulent généralement entendre les gros hits. On y a beaucoup réfléchi – combien de fois les gens ont-ils vraiment l’occasion de voir Arch Enemy en live ? La plupart des fans ne voient leur groupe préféré qu’une ou deux fois dans leur vie. Pour eux, ils veulent entendre les classiques : “Nemesis”, “Ravenous”, “My Apocalypse”, et ainsi de suite. Mais on essaie aussi d’intégrer un peu de nouveau matériel et peut-être de remplacer quelques chansons anciennes par quelque chose de plus frais. Le déroulement du show est vraiment important. Tu ne veux pas jouer trop de chansons que les fans ne connaissent pas bien, parce que tu risques de casser l’ambiance. Pendant la tournée européenne, maintenant qu’on sera en tête d’affiche en octobre et novembre, on aura un set plus long comparé aux 70 minutes qu’on avait en co-tête d’affiche avec In Flames lors de la dernière tournée. Ça nous donnera plus de liberté pour ajouter de la variété.
Notre média s’appelle RockUrLife. Donc dernière : qu’est-ce qui rock ta life, Michael ?
Michael : Qu’est-ce qui rock ma life ? La musique. La musique, c’est ma drogue. C’est ma passion. Ça a commencé comme un hobby et c’est devenu ma carrière, ce que je n’avais pas prévu. La musique, c’est ma drogue. Je ne prends pas de vraies drogues, mais j’ai besoin de musique. Je suis une personne simple -j’aime mes vieux albums de Slayer et quelques bières.

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