C’est au lendemain de leur prestation réussie, que nous avons eu l’opportunité de dialoguer avec Tobi Morelli, guitariste canadien du groupe Archspire, fer de lance du death metal technique. Toujours auréolé de leur succès sur la Altar du Hellfest, il se confie sur leur dernier album, les futurs projets du groupe, ses prochaines venues en France mais également d’intelligence artificielle !
Alors, peux-tu nous parler un peu du show d’hier? Vous attendiez-vous à une aussi bonne réaction du public ?
Tobi Morelli (guitare) : On ne savait pas vraiment à quoi s’attendre. Je veux dire, étant signé chez Season Of Mist, qui est un label français, et pouvant compter sur leur soutien, et vu notre créneau horaire qui était très bon. Bien sûr qu’on espérait une bonne réponse du public, ou du moins une tente pleine. Mais on ne savait pas à quoi s’attendre. On n’avait jamais joué dans un festival comme celui-ci. Lorsqu’on est monté sur scène et qu’on a constaté combien de personnes étaient présentes, c’était incroyable, bouleversant. Moi-même, je n’arrêtais pas de rire tout seul style : “c’est du délire”. Et quand on a commencé à jouer, de voir la réaction du public, qu’un circle pit s’était créé immédiatement, que les gens faisaient le signe des cornes du diable, comme je le disais, c’était assez bouleversant. Cela a complètement dépassé nos attentes.
Un mot sur les retours que vous avez de votre dernier album “Relentless Mutation” (2017) jusqu’ici ?
Tobi : Jusqu’ici, le retour a été génial, on a eu beaucoup d’opportunités de partir en tournée depuis la sortie de cet album. En fait, on tourne depuis presque deux ans maintenant, presque sans s’arrêter, depuis sa sortie. C’est quelque chose qu’on a toujours voulu faire, une tournée intensive, donc on est ravi. Cet album nous a clairement aidé, nous a fait passer au niveau supérieur. On voulait que chaque élément qui le compose soit meilleur que ce qu’il était sur l’album précédent. C’est-à-dire, meilleur enregistrement, meilleure production, meilleure musique, se dépasser, franchir nos limites. Faire quelque chose de plus rapide et de plus technique, mais toujours écoutable en même temps. Et avec tous ces éléments, cumulés à une sortie effectuée au bon moment, la réponse a été excellente. On est très satisfait.
Cet album a quelque chose de très particulier. Vous jouez des chansons très rapides, mais composées de structures complètement progressives, avec évidemment une énorme technique. Or la durée de l’album est très courte, ce qui est plutôt rare dans ce style de musique où les chansons dépassent souvent les dix minutes ou plus.
Tobi : Oui, il tourne à peu près à trente minutes. Bien évidemment, pour ce style de musique, il est tout à fait normal d’avoir des titres qui durent huit minutes ou plus, mais pour notre style un peu spécial, je trouve que c’est beaucoup. L’auditeur peut se fatiguer, peut-être pas s’ennuyer, mais se fatiguer à écouter une chanson de cette durée avec notre style. Il s’y passe beaucoup de choses, alors il peut être difficile de garder sa concentration et de maintenir toute son attention. On n’a rien planifié, on voulait juste faire un véritable album, d’une durée suffisante pour ne pas être considéré comme un EP, alors, du moment que l’on a atteint cette durée, c’était parfait, on n’avait pas à enregistrer de chanson supplémentaire.
Cela prend énormément de temps d’écrire une chanson, et on n’aime pas les chansons pour faire du remplissage. On aime prendre du temps pour chaque chanson. Le processus est très particulier, chaque idée passe à travers une sorte de filtre, on doit tous l’aimer, et donc, chaque partie composant un titre doit satisfaire tout le monde. Cela nous a aidés sur notre dernier album, court et efficace, c’est ce qu’on voulait. On ne voulait pas d’un long album. On voulait que les gens se disent : “wow, c’est allé trop vite, remets-le”. Si c’est trop long, les gens vont plutôt dire : “OK, ça me suffira pour un moment”.
Toi et Dean utilisez des guitares sept et huit cordes. Était-ce le cas dès le début ? Sinon, comment s’est déroulé la transition d’une six cordes vers ces guitares ?
Tobi : Je joue une sept cordes et Dean une huit cordes. On utilise ces instruments depuis le tout début en fait. Dean a rejoint le groupe quelques mois avant moi, et entre lui et nos anciens bassistes, ils écrivaient déjà des riffs avec des sept cordes. Et lorsque j’ai rejoint le groupe (en 2009), j’étais là : “oh, je vais avoir besoin d’une sept cordes”, et c’est ce que j’ai fait.
Et pour ce qui est de la transition ?
Tobi : En fait, oui. J’ai toujours cherché une excuse pour posséder une sept cordes, depuis longtemps, car j’accordais toujours plus bas mes guitares, et c’était toujours chiant à faire à chaque fois, pour que cela soit jouable. Là, j’avais l’excuse parfaite. D’ailleurs, je cherche toujours des excuses pour me procurer du nouveau matos. (rires) A l’époque, quand j’ai eu cette guitare, un ami de Dean vendait sa huit cordes, alors Dean en a profité, et avec un bon prix. J’étais un peu dégoûté. (rires) Mais comme je l’ai dit, beaucoup de riffs étaient déjà écrits avec une sept cordes, donc on s’est juste adapté à cela et on a commencé à composer également. Mais la huit cordes n’est pas trop proéminente, je pense qu’elle est juste utilisée de manière intelligente, et j’accepte déjà le fait que j’aurai tôt ou tard une huit cordes pour peut-être écrire pour le prochain album, pour rendre les choses encore plus heavy et expérimentale. Là encore, une excuse pour avoir plus de matos. (rires)
En parlant de ça, des nouvelles pour le prochain album ?
Tobi : On n’a pas encore commence à écrire pour le prochain, cela prend du temps notamment du fait que l’on arrête pas de tourner.
Mais pourtant, votre musique est plutôt simple à composer, non ? (rires)
Tobi : Oh, oui, oui. (rires) Dès qu’on aura dix minutes devant nous, on pourra écrire n’importe quoi, on pourra même le faire dans la journée, enregistrement et tout. C’est devenu compliqué de planifier des sessions d’écritures vu qu’on est pas rentré chez nous depuis un moment. Mais après ces festivals, on va rentrer à la maison et y rester jusqu’à fin novembre, et je pense qu’on écrira donc de manière intensive pendant cette période. Limite, on le traitera comme un travail, tu vois ? C’est la prochaine étape. On a des petites parties ou idées pour deux ou trois chansons peut-être, alors, quand on sera rentré.
Qui a eu l’idée de faire une vidéo karaoké pour “Calamus Will Animate” au lieu d’une plus traditionnelle ?
Tobi : Je pense que c’est Oli (Rae Aleron, chant). On aime tourner des vidéos tutorielles, et donc, l’idée était marrante d’en faire une pour le chant, car c’est quelque chose de plutôt rare dans ce type de vidéos, probablement du fait que cela peut être ennuyeux de voir un mec s’asseoir et chanter (comparé à un jeu de guitare ou de batterie). Mais on l’a tournée comme un karaoké, et c’est très marrant. Essayez de tenir la distance avec Oli, parce que son chant est tellement rapide, pas vrai ? C’est un peu débile aussi. (rires)
Un mot sur Databots (duo de programmateurs qui ont créés un réseau neural/neuronal d’après leur musique) ? Plus d’explications peut-être ?
Tobi : OK. Ce que j’ai compris que ces gars faisaient, et qu’ils font avec quelques autres artistes, et qu’ils ont créé une intelligence artificielle qu’ils nourrissent de musique, et celle-ci essaie d’apprendre cette musique et d’interpréter ce qu’elle entend afin de créer sa propre version de cette musique. Bien évidemment, l’IA est une machine, et n’a donc pas de sentiment ou de ressenti, or, un être humain est tellement important dans la création d’un morceau de musique. Ici, c’est plus un maquillage génétique pour ressembler à de la musique. Ils ont essayés avec de la pop et cela n’a pas vraiment fonctionné à cause des tempos (lent et medium), car la machine traite les données extrêmement rapides, n’accélère rien. Ils ont alors essayés Dillinger Escape Plan il me semble, et ils ont commencé à obtenir quelques résultats parce que leur musique est tellement chaotique, avec beaucoup de choses.
Et puis, ils ont essayé avec nous, parce que notre death metal est très rapide, il voulait voir ce que cela pouvait donner, et ça a plutôt bien fonctionné. C’était la seule musique que l’IA semblait comprendre. Ce qui est tordant, j’imagine que notre musique est uniquement compréhensible pour les ordinateurs et les machines. C’est cool, non? (rires) On sera peut-être au chômage dans les prochaines années parce que l’IA fera tout et nous remplacera. Mais c’est intéressant, ils ont une chaîne sur YouTube où l’on peut réellement entendre notre musique vu par l’IA, et c’est vraiment fou, spasmodique, chaotique parce qu’on peut entendre une peu nos mélodies, au milieu d’autres. Je veux dire, l’IA essaye vraiment de faire sa propre version de ce qu’elle entend, ce qui est tout bonnement incroyable. Pour le prochain album, on s’inspirera peut-être de ce résultat. (rires)
En tant que Canadiens, on imagine que vous êtes fiers de la victoire de Toronto en NBA, qui est une première historique.
Tobi : Aucun de nous n’est vraiment un fan de sport en tant que tel, on ne regarde pas vraiment de hockey, ce qui est très étrange pour des Canadiens, je sais. Quand j’étais plus jeune, j’étais plus dans le sport, le skateboard, sans que cela soit une révélation non plus. Ceci étant dit, au vu de l’exploit qu’ils ont réalisés, une partie de moi et forcément un peu fière parce que c’est incroyable. Il n’y avait que deux équipes Canadiennes en NBA, dont une de Vancouver d’où nous sommes originaires, et maintenant, il n’y en a plus qu’une, à Toronto donc. C’est marrant car à l’origine, le basketball a été inventé au Canada. (ndlr : James Naismith était effectivement Canadien, mais a été naturalisé Américain et a inventé le basketball en 1891 dans le Massachusetts, donc aux U.S.A.)
D’où puisez-vous votre inspiration ? De films ? De séries TV ?
Tobi : Cela serait plus une question pour Oli mais je vais faire de mon mieux pour y répondre. Je mentionnerais évidemment la science-fiction et l’horreur en tant que source d’inspiration pour nos paroles. On adore tous ces styles. Je sais que depuis le début, chaque album est un concept, chaque album à une histoire, et chaque album suivant continue cette histoire. Il me semble que certaines paroles de l’album “Relentless Mutation” provient de rêves bizarres qu’il a eu. Des rêves vraiment étranges qu’il a commencé à utiliser, les mélangeant avec des romans qu’il lit. Je pense que c’est vraiment bien de passer autant de temps sur ces paroles, pour les rendre plus intelligentes que simplement des histoires de zombies, aussi marrant que cela puisse être.
Allez-vous revenir en France prochainement ?
Tobi : Ce n’est pas encore annoncé officiellement, je ne peux donc pas vraiment en parler. Peut-être potentiellement cette année. Vous aurez plus de détails très prochainement.
Un plaisir musical coupable ?
Tobi : (rires) La musique pop des années 80, les vieux Dire Straits. Les autres me tueraient si je mettais une chanson de Dire Straits. Cela ne finirait pas bien. Des trucs comme a-ha. Sérieusement, “Take On Me” ?
Y-a-t-il une personne non liée au monde de la musique qui est une inspiration pour toi ?
Tobi : Oh, c’est difficile. C’est une bonne question. Etant un grand fan de films d’horreur, je dirais John Carpenter.
Non, non, ce n’est pas bon, il est également musicien ! (rires)
Tobi : (rires) Oui, il compose aussi. Bon, les films d’horreur. Bref, c’est une bonne question.
Enfin, nous sommes “RockUrLife”, donc qu’est-ce qui rock ta life Tobi ?
Tobi : Le Hellfest en ce moment. Carrément le Hellfest, l’une des meilleures expériences pour un groupe qui nous aidera à grandir et à jouer dans plus de festivals.
Site web : facebook.com/Archspireband