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AVATAR (10/07/20)

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À l’occasion de la sortie du huitième album, crise sanitaire oblige, c’est via Skype que le chanteur et leader du groupe Avatar, Johannes Eckerström a bien voulu se livrer sur “Hunter Gatherer”. Un disque bien plus sombre et agressif voulu à l’image de l’humanité !

N’est-ce pas trop compliqué de devoir faire la promo du nouvel album dans ces conditions ?

Johannes Eckerström (chant) : Non ça va, il y a toujours eu des moments où l’on faisait des choses par téléphone, Zoom, Skype ou d’autres plateformes. La seule différence est que maintenant tout se fait de cette façon ! (rires) Ce qui me va parfaitement, même si j’aurais aimé faire les voyages que nous étions censés faire. Mais réaliser les interviews depuis le confort de chez moi auprès de ma femme et de mon chien a vraiment ses bons côtés. Je ne peux pas beaucoup me plaindre, ça aurait pu être pire.

Justement, n’est-ce pas un peu bizarre quand même d’être forcé à rester chez soi quand on est la moitié de l’année sur les routes et qu’une tournée est prévue? On vit une période bizarre, mais en tant qu’artiste et performeur, n’est-ce pas trop compliqué ? Même si apparemment tu le vis bien !

Johannes : Oui ça n’a pas été trop difficile. On a passé énormément de temps sur la route l’année dernière et l’on devait de toute façon passer le printemps chez nous. On rentre cette semaine dans la période où des shows ont été annulés pour nous. On a fait tous les concerts initialement prévus, jusqu’à cette semaine. Donc je ne le ressens pas encore même si oui, les déplacements pour faire la promotion de l’album me manquent et encore une fois, il y a des bons côtés et des mauvais côtés.

Mais ce qui est marrant c’est que je me suis habitué à voyager avec la météo. (rires) Par exemple, en hiver on va partir au Canada et quand l’été arrive on va privilégier l’Espagne ou le Texas et c’est devenu une routine. Maintenant les choses se sont ralenties et j’ai passé tout le printemps et très certainement tout l’été chez moi. On peut dire que je voyage dans le temps désormais. (rires) Ça paraît stupide de le dire, car beaucoup de gens vivent comme ça, mais quand tu as un métier qui fait voyager, soudainement un “lundi” pour quelqu’un devient quelque chose de fascinant pour d’autres dans ma position et je ne déteste pas du tout cela. Je deviens vraiment familier avec la vie des oiseaux autour de notre appartement. (rires) J’ai aussi eu la chance de n’avoir personne autour de moi d’impacté sévèrement par le virus.

Avez-vous déjà réussi à vous voir avec les autres membres du groupe ou pas encore ? Vous privilégiez peut-être Zoom ou Skype pour l’instant ?

Johannes : Déjà le fait qu’ils vivent en Suède et moi en Angleterre n’aide pas de toute façon et je ne voyage pas là-bas non plus. On a fait plusieurs points sur comment on allait pouvoir faire la promotion de l’album ou continuer de communiquer avec nos fans. Par exemple, pour la sortie de “Colossus” ma femme m’a filmé dans notre salon et ça devient des projets très fun ! Donc même ici ça aurait pu être pire, mais quand on retournera sur scène c’est sûr que cela va faire beaucoup de bien.

As-tu profité de ce temps libre chez toi pour faire quelque chose dont tu n’avais pas l’habitude, comme d’autres projets ou au contraire prendre de l’avance sur quelques morceaux déjà en préparation ou des idées de mise en scène ou autre ? 

Johannes : À vrai dire une très grande partie était liée au “travail” et liée à la musique, la sortie de l’album et sur mon temps libre j’ai écrit quelques textes, bien plus que ce que j’aurai pu faire dans une autre situation, je suppose, mais à part ça c’était la vie à la maison. J’ai maintenu mon programme d’entraînement, j’ai été très discipliné là-dessus. (rires) C’était aussi une chance pour moi et ma femme de passer plus de temps ensemble même si nous avons chacun beaucoup travaillé, mais on a l’habitude, car je pars toujours en tournée le reste du temps.

On devait arriver à cette question, mais… Où est passé le Roi ? Que lui avez-vous fait ?

Johannes : Et bien le Roi vit sa nouvelle vie sur avatarcountry.com. (rires) On a gardé ce fan club, pour que ceux qui sont intéressés puissent continuer dans ce projet. Mais artistiquement en termes d’écriture, d’album, de tournée et tout ce qui va autour c’est complètement terminé ! Cela a été uniquement ce qu’il était prévu d’être à l’époque.

Cela fait des années qu’on se dit qu’être dans un groupe peut être vu comme de l’art conceptuel. Et lorsque l’on s’est posé ces questions on a commencé à réfléchir sur quelles sortes d’images on pourrait avoir, ce qui serait cool et comment faire un bon mélange avec de la musique et “Avatar Country” (2018) était une très bonne idée pour cela. La comédie est quelque chose de génial.

Pour ceux qui n’ont jamais essayé, c’est une forme d’art vraiment sous-estimée. On s’est demandé si l’on pouvait faire cela et être volontairement drôle. Apparemment cela a fait rire les gens donc je suppose que cela a fonctionné. Mais on ne pouvait le faire qu’une seule fois. Au final c’est à vous de décider si c’était drôle ou pas, mais ce dont je suis certain c’est que si c’était drôle cela ne le sera qu’une seule fois. Un deuxième album comme celui-ci serait comme battre un corps déjà mort, donc aucun intérêt de le faire.

D’ailleurs dès que “Avatar Country” était fini, on s’est presque tous regardé et dit : “Le prochain album sera plus sombre et agressif pas vrai ?” On en était certain. Heureusement ce n’était pas juste : “Faisons quelque chose de heavy” on a vraiment travaillé dessus, mais c’était le point de départ.

Justement, cette fois-ci ce n’est pas un album “concept”, pas de protagoniste, ou d’histoire à suivre. Donc quelle est l’histoire derrière “Hunter Gatherer” ? 

Johannes : Le truc c’est que toutes les musiques, d’une façon ou d’une autre, parlent de notre manière d’être. Que ce soit ce que je suis, ce que tu es, comme accomplir une chose ou une autre. Selon les musiques, c’est traité à une échelle différente et quand tu comprends cet aspect de l’album, tu as tout saisi. Par exemple, même le titre de l’album “Hunter Gatherer” (ndlr : Chasseur Cueilleur en Français) est ce que nous étions en tant qu’être humain pendant la plupart de notre existence. Les Homo sapiens ont évolué et se sont “optimisés” avec l’évolution pour devenir ces créatures “chasseurs cueilleurs” et de ce que j’ai pu voir, lire et dire ce n’était pas si mal.

C’était notre habitat naturel et petit à petit nous avons créé un monde de plus en plus complexe et détaché de cette existence, ce qui en soi a été un grand succès pour notre espèce, car nous sommes plus “humains” que jamais. Nous comprenons le rôle des fleurs, des insectes et nous avons réussi à beaucoup nous reproduire.

Sur un plan individuel, nous avons changé tout ce que nous sommes et n’aurions jamais évolué de la sorte si nous étions restés nomade comme à l’Âge de pierre. Tout a commencé à changer avec l’agriculture et quand nous avons commencé à vivre plus proche les uns des autres, développer notre alimentation et travailler. À l’arrivée de l’agriculture c’est aussi là que nous avons commencé à devenir plus violent les uns envers les autres, car à partir du moment ou tu produis et stock de la nourriture, quelqu’un peut te le voler.

De plus, l’agriculture te rend dépendant de certains endroits et certaines terres qui ont des valeurs différentes les unes des autres et cela crée encore plus de raisons de se battre. C’est à ce moment-là que l’on a commencé à construire des murs plus hauts, des armes plus aiguisées, des gardes, des soldats, des rois et la possession. Tant de choses qui deviennent de véritables problèmes. Mais collectivement nous avons réussi à prendre le dessus, avec par exemple la révolution industrielle, mais cela a aussi crée plus de maladies, et des vies de misère en tant qu’individus pour les travailleurs d’usines.

Plus de pollution et plus de machines qui ont été nourries avec encore plus de gens. Beaucoup de choses ont découlé de cette industrialisation et ce n’est qu’à partir de la Première ou Deuxième Guerre Mondiale que l’on a commencé à regarder derrière nous et se questionner en tant qu’individu et notre place sur cette planète et a essayer d’être meilleurs dans la plupart des domaines. Pas seulement les pays européens, mais également les pays les plus pauvres qui se demandent comment avancer de la bonne manière, particulièrement sur les questions climatiques et c’est aujourd’hui notre plus gros challenge !

Donc l’album est vraiment dans le “ici et maintenant” où l’on sent que l’on est dans ce changement de paradigme devant choisir quelle futur nous voulons avoir, si cela ressemble à “Mad Max”, “Terminator 2” ou n’importe quel futur du genre te vient à l’esprit. Mais cela pourrait aussi devenir comme “Star Trek” où nous réglons tous les problèmes que nous avons ici et partons pour l’espace et j’aimerais beaucoup voir cela arriver. L’album essaye d’aborder tous les aspects de “qu’est-ce que cela veut dire d’être humain aujourd’hui ?”.

Mais alors, Avatar est un groupe très visuel, n’était-ce pas un peu casse-tête de travailler cet aspect autour de ce thème d’album ? À vrai dire le clip de “Colossus” est entre “Mad Max” et “Terminator” on s’y retrouve. Mais comment faites-vous pour le reste ? On pourrait croire avec “Avatar Country” que peut être l’aspect visuel et l’univers de l’album sont prêts avant de commencer l’écriture même de celui-ci ?

Johannes : C’est plutôt marrant, car je comprends pourquoi tu penses que l’on avait tout de prêt avant d’écrire “Avatar Country”. Mais quoi que l’on fasse, on commence par la musique. Cela nous a causé quelques problèmes justement. Nous devions résoudre le problème de l’aspect visuel bien plus longtemps que celui des musiques. Car même si c’était un album concept, il doit coller avec le travail que nous avons déjà fait. Nous n’avons jamais eu une pochette d’album avant de l’enregistrer jusqu’à aujourd’hui ou nous avons pour la première fois eu la pochette avant d’entrer en studio.

Mais c’est comme les vidéos, il nous faut une bonne histoire à raconter à travers le clip avant de penser à son aspect visuel et c’est uniquement à ce moment-là que l’on essaye de chercher à comment élever le propos et l’imager et l’interpréter.


On parlait tout à l’heure des différents concerts annulés. Êtes-vous serein à l’idée de remonter sur scène ?

Johannes : Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas qualifié pour répondre à cette question et nous ne sommes pas dans une position où nous décidons. Nous sommes les personnes les moins essentielles. Nous ne sommes ni docteurs ni infirmiers, nous ne faisons pas de nourriture, ni d’infrastructures. Nous sommes juste un produit que les gens consomment pendant leur temps libre.

Donc les artistes seront les derniers à retrouver une “vie normale”. Évidemment que nous voulons retourner sur scène aussi vite que possible, mais on a tout simplement tout annulé cette année. On met nos espoirs sur le printemps prochain pour avoir assez de recul et de confiance pour se dire que l’on peut jouer à nouveau et quand ce sera responsable de le faire. Nous devons être responsables, car des choses terribles peuvent arriver d’ici là.

Nous allons voir des événements sportifs, des réunions publiques ouvrir à une audience et nous verrons comment cela se passe et ce n’est qu’à ce moment-là que nous reprendrons les routes. Mais oui ! J’espère le plus vite possible, comme pour un vaccin ! Mais cela prend du temps, la science est faite ainsi. (rires)

Vous allez sans doute pouvoir peaufiner un peu plus les détails de la tournée, mais vous êtes un groupe de performeur, vous vivez sur scène ! À quoi pouvons-nous nous attendre cette fois-ci pour la future tournée ? Par quoi allez-vous remplacer tout cet univers de “Avatar Country”, son trône, son Roi et ses disciples. C’est un challenge !

Johannes : Apporter cet album sur scène sera comme apporter toute cette noirceur et tout ce qu’il y a de sérieux à propos de cet album et l’amener dans le cirque qu’est Avatar sur scène ! Il y aura très certainement de l’horreur et des façons de faire un portrait de la noirceur. Si je devais te décrire cela de manière plus philosophique, dis-toi que sur scène “Avatar Country” était comme de la pornographie, avec aucune place pour l’imagination, tout était visible. Pour cette tournée nous voulons quelque chose de plus proche de l’érotisme.

Nous voulons faire travailler l’imagination du public et par la suggestion, créer quelque chose qui demande un peu plus de travail, mais qui aura un impact plus profond. Et si c’est bien fait, je pense que cela est bien plus puissant, cela te touche plus comme un outil plus petit, mais plus aiguisé. Il y a un côté chirurgical dans la manière dont a été fait cet album. C’est sans doute celui qui a été le mieux articulé artistiquement. Il dit exactement ce qu’il est censé dire.

Si on le compare aux débuts d’Avatar, si “Schlacht” (2007) était un film d’horreur, le meurtrier aurait un burin et cela giclerait dans tous les sens, très sombre et très agressif.  Avec le temps on prend plus de sagesse, et ce nouvel album toujours comparé à un film d’horreur, serait plus comme Hannibal Lecter, où le tueur sait exactement ce qu’il fait, il t’hypnotise, te séduit et sait exactement où frapper et te tue du premier coup et sait utiliser des outils chirurgicaux. Mais c’est un vrai casse-tête pour nous de construire le show, il faut acheter beaucoup de lampes. (rires) Et nous avons avancé là-dessus et mettons nos ressources à quelque chose de plus immédiat comme les clips musicaux.

Tu as l’air assez fier de cet album ! Penses-tu que c’est le meilleur que tu as fait jusqu’ici ?

Johannes : Et bien oui ! Dans le sens où nous avons fait exactement ce que nous voulions faire. Cette aventure fait que je suis très satisfait, car c’est de plus en plus dur et nous sommes de plus en plus exigeants avec nous-mêmes. Les prises sons ont toutes été en live, c’est aussi ma meilleure performance vocale, sans aucun doute. Donc il y a de quoi être très fiers de ce que nous avons fait. Mais notre meilleur album sera le prochain et la deuxième démo. Les démos d’albums sont des chefs d’œuvres. (rires)

Pour finir, notre média s’appelle “RockUrLife”, alors qu’est-ce qui rock ta life Johannes ? La dernière fois tu avais répondu “Mon roi”.

Johannes : Sans aucun doute, ma femme. (rires) Cela me paraît évident ! C’était une période difficile et nous l’avons passé ensemble. Je ne peux pas l’imaginer autrement.

Réponse parfaite ! Merci beaucoup pour ton temps !

Johannes : Merci à toi.

On espère te revoir sur scène rapidement.

Johannes : Moi aussi ! (rires)

Site web : avatarmetal.com

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