Le nouvel album de Behemoth est certes prévu pour le mois de février, néanmoins leur charismatique frontman Nergal (Adam Darski) était de passage à Paris, afin de répondre à nos nombreuses questions.
Bonjour comment vas-tu ?
Adam “Nergal” Darski (chant/guitare) : Je vais bien, j’ai vu Nick Cave hier soir, c’était génial !
Votre dixième album sortira au mois de février, peux-tu nous en dire plus à ce propos ?
A : Il y a donc neuf titres et l’ensemble est très fort, très engagé. A titre personnel, je pense qu’il est, et de plus loin, le plus aventureux de toute notre carrière mais également le plus volontaire, le plus conscient à l’aide de toute cette vibe, très naturelle, très humaine, qui n’est pas altéré par les logiciels ProTools ou l’abus de surproduction; comme si nous étions en prive “live”, dans la même pièce. J’ai toujours été très fier de notre travail mais à ce jour, je pense que l’album est, plus que jamais, excellent, de même que tout le packaging qui l’accompagne.
Nous avons lu que tu avais pris en compte tes problèmes de santé pour composer cet album, mais pourquoi “The Satanist”, quel est le lien ?
A : A vrai dire je n’ai rien composé lorsque j’étais à l’hôpital, la chimio m’a énormément fatigué. Néanmoins j’ai beaucoup lu, je dévorais les bouquins, tout en combattant la maladie. J’ai mis pas mal de temps avant de composer quoique ce soit car ma première préoccupation, en sortant de l’hôpital, était : pourrais-je retourner sur scène ? Serais-je à 100%, en plein forme ? Et j’étais très préoccupé car mes premières tentatives d’activité physique, j’avais un coach à mes côtés, furent très dures, mais j’étais tellement déterminé puis je savais qu’à la fin de ce processus, je serais à nouveau sur scène et je l’ai fait. Nous avons fait une tournée en Pologne, puis une en Europe. Après ces vingt-cinq concerts, je savais que je pourrais atteindre, par la suite, la centaine. (rires) Ensuite, il fallait montrer, au monde entier, que cette expérience nous a énormément touché et nous en avons discuté, proposant une multitude d’idées, qui ont mené à ce nouvel opus. Ce fut un très long processus.
Pourquoi avoir choisi “The Satanist” comme titre ?
A : Je ne pourrais pas mieux définir l’état d’esprit dans lequel nous sommes actuellement, qu’avec ce titre.
Mais pourquoi avoir attendu si longtemps pour utiliser ce titre sur un de vos albums ?
A : Parce que je n’y avais pas pensé. (rires) L’idée m’est venue lorsque nous rentrions chez nous, en avion, en provenance du Tuska Festival. Il y avait le magazine “The Economist” et j’ai immédiatement fait le rapprochement avec “The Satanist” et j’ai tout de suite su que ça allait être parfait.
Le premier titre “Blow Your Trumpets Gabriel” se différencie beaucoup du reste de l’album, comment expliques-tu cela ?
A : C’était un choix de dernière minute, juste avant d’en finir avec le tracklisting; ce titre était enregistré, les paroles également, l’album était mixé et s’appelait même “I Am Who Is Not”. Je pensais qu’il ne changerait pas, mais par la suite j’ai réalisé “mais pourquoi donc n’y a-t-il pas de titre éponyme sur cet album ? ” et car il se dégageait vraiment du reste et très différent, j’ai décidé d’interchanger et j’en suis satisfait. (rires)
L’album est, en quelque sorte, compose de deux parties.
A : On peut dire ça oui.
Mais était-ce vraiment voulu ?
A : Non, ce n’était pas prévu, c’est arrivé comme cela. Quelque que soit l’album, l’ordre des chansons est crucial, tu vois ce que je veux dire, histoire de concentrer l’atmosphère au lieu de la dissiper, il y a tellement d’albums que lorsque tu écoutes aux premières chansons, c’est cool et par la suite, ça s’effondre totalement. Et je voulais être certain qu’en écoutant l’album, l’auditeur reste concentré et attiré par la musique. D’ailleurs la fin, si épique, du dernier morceau “O Father, O Satan, O Sun!” reflète cela. J’ai dû l’écouter des centaines de fois et à chaque fois, j’en avais la chair de poule. De plus, le fait de ne pas utiliser d’introduction, sur l’album, était grandement voulu, car nous l’avons tant fait par le passé que je voulais vraiment focus, au maximum, sur le groupe et sa musique. Ainsi, j’ai pensé qu’avec put “Blow Your Trumpets Gabriel”, en première position, son riff suffirait à introduire l’album et qu’il n’y avait pas besoin d’en faire plus. Je suis une personne qui pense des centaines de fois à la même chose, histoire d’être bien certain de la manière dont elle sera faite, il n’y a donc pas de compromis.
Quel fut l’investissement de tes comparses ?
A : Ils étaient partout, je me suis vraiment ouvert à eux, de manière plus démocratique, ce qui parfois est vraiment chiant, car les gens n’arrêtent pas de se plaindre de ci et de ça, bref. J’ai réalisé que j’ai des personnes intelligentes autour de moi, sur lesquels je peux compter et “The Satanist” est le fruit de ce travail collectif.
Quels sont les trois titres qui, selon toi, représentent le mieux “The Satanist” ?
A : C’est très difficile à dire car parmi ces neufs titres, chacune se détache des autres. D’autres journalistes m’ont également demandé pourquoi j’avais choisi “Blow Your Trumpets Gabriel” pour le single. Ces titres sont si différents que si j’en avais choisi une autre, cela aurait également été un très bon choix. Concernant mes préférés, c’est dur car tous les jours, je lance tel ou tel titre lorsque je fais du sport ou que je suis en voiture, et je me retrouve tout le temps à écouter l’intégralité de l’opus. Il m’aspire tellement que ce n’est pas facile. J’aime beaucoup le single, j’écoute énormément “Messe Noire” aussi puis pour le reste, c’est dur de choisir car c’est un tout.
A propos de “Messe Noire”, serais-tu tenté, un jour, de chanter quelques passages en français ?
A : J’y ai justement pensé, car de nombreux groupes ont fait ça dernièrement et il semblerait que la scène black metal française est en pleine renaissance ces derniers temps, et certains utilisent la langue française. Mais si nous faisions ainsi, les fans pourront penser que l’unique but est purement marketing et j’en serais bien évidemment insatisfait.
Il y a beaucoup de supergroupes ces derniers temps, mais jamais dans l’univers extrême. Serais-tu intéressé par un tel projet avec les mecs de Watain et Marduk par exemple ? As-tu déjà pensé à ce type de projet ?
A : J’ai un profond respect pour les personnes que tu as cité, cependant je ne pense pas que nous soyons un jour intéressé par un tel projet. Mon but est de faire de Behemoth le meilleur groupe sur Terre et je suis sûr que si tu demandais à Erik, il te dirait la même chose, qu’il est très occupé avec Watain et Marduk dirait la même chose; tout le monde s’occupe de son projet, tout simplement.
Tu as sorti un bouquin l’année dernière, ressemblant un peu à une autobiographie, comment as-tu éprouvé le besoin d’en faire un ?
A : J’ai senti que c’était une bonne opportunité et ce n’est pas vraiment une autobiographie en effet, mais plus un recueil d’interviews. Il y a quatre-cent pages avec toute une chronologie de ma vie, avec des photos aussi, en ce sens-là, c’est une autobiographie oui. Cependant, la dynamique des interviews est de par les structures, très différente. Puis j’ai reçu une belle offre d’une maison d’édition mais sous une condition : que je choisisse les personnes qui allaient m’interviewer. Je savais que ça allait très bien se passer avec ces personnes et le livre s’est vendu à plus de quarante-mille exemplaires en Pologne, donc c’est plutôt énorme.
Mis à part cela, tu as fait des études d’histoire et de latin. Nous connaissons tes positions sur la religion, mais le fait d’étudier l’histoire ne t’a pas poussé à en savoir plus sur ce thème ? Car il est toujours question de religion, quel que soit l’époque et quel que soit la civilisation concernée.
A : J’ai toujours pensé être de l’autre côté, tout simplement. Je devais avoir quinze ans environ, lorsque je me suis réveillé spirituellement. J’ai réalisé que je ne pourrais pas m’associer à cela. L’Eglise est une arme politique très puissante en Pologne. La religion se doit d’être privée, c’est intime, que ce soit à la maison ou à l’église. Lorsque ceux-ci deviennent agressifs, il n’y a pas lieu de s’opposer davantage; d’où ma position depuis que j’ai quinze ans. Je comprends les personnes qui ont besoin d’être guidées par une personne supérieure, afin de remplir ce vide spirituel à l’aide d’une idéologie, mais il y a également une sorte de paresse : les gens ne veulent pas penser d’eux même. C’est leurs décisions et je n’ai rien à dire à ce propos. Bien évidemment, j’ai de fortes opinions sur ce sujet et j’ai le droit de m’exprimer, nous sommes en démocratie, je défends mes droits. Toute l’histoire entourant le procès a débuté lorsque j’ai déchiré une bible sur scène, une sorte d’expression artistique. J’ai l’ai acheté, c’était donc mon bien, je l’ai fait durant un de mes concerts, qui fut produit par ma boite et alors ? Cela va faire six ans et l’affaire devrait s’arrêter bientôt. Je défends juste mes droits, en tant qu’artiste et la façon dont je m’exprime en tant qu’artiste. Je n’ai pas de problème avec les chrétiens, j’ai beaucoup d’amis chrétiens et on ne se tape pas dessus. Sur scène, je me bats mais par la suite, on discute, on boit un coup, le tout sans être excité ou agressif. Tu ne veux pas être choqué ? Ne viens pas à nos concerts ! C’est comme la pornographie, qui est un gros problème en Pologne, si tu ne veux pas y être exposé, n’acheté pas les magazines ou ne va pas sur ces sites internet. De plus, Behemoth ne veut pas dire “l’ange céleste”. (rires)
Quels sont les projets à venir pour Behemoth ?
A : L’année prochaine va être totalement folle. Il y a d’abord la tournée européenne mais également toute la flopée des festivals. Nous serons partout, sur tous les marchés possibles. Il y aussi une sympathique tournée américaine qui arrive et nous irons en Amérique du Sud également.
Vous allez, une fois de plus, vous produire au Hellfest. Quel regard portes-tu sur notre festival ?
A : Le Hellfest est toujours une merveilleuse expérience et ce n’est pas pour te faire plaisir que je dis cela. A chaque fois qu’on est booké au Hellfest on se dit “YES”, c’est LE festival dans lequel se produire. Nous sommes toujours bien accueillis, les retours sont excellents et la dernière fois, nous avions le spot en soirée, et nous avons amené la pyro et c’était tellement fou ! Nous avons construit une bien belle relation avec la France et j’aime beaucoup y revenir, pas seulement pour les shows, mais pour y passer un peu de temps, en mode free style. J’ai juste besoin de l’adresse de mon hôtel puis, par la suite, je peux me permettre d’aller me perdre dans les rues de Paris. (rires)
L’album sera disponible quelques jours avant la Saint Valentin. Est-ce que cadeau parfait ?
A : L’album est rempli d’amour donc. (rires)
Et pour conclure, nous sommes “RockUrLife”, donc qu’est ce qui rock ta life Adam ?
A : Ça peut être tout et rien. J’aime beaucoup tout ce qui touche à ma routine personnelle, comme faire du sport, le petit café matinal, un petit-déj bien copieux, une ballade, aller voir mes potes. Je fais des trucs si fous, je voyage dans le monde entier, je pratique des sports extrêmes et j’adore ça ! Mais cela sonne trop cliché. Donc je vais en rester aux activités simples qui me procurent beaucoup de plaisir. A nouveau, ce n’est pas pour te faire plaisir que je dis cela mais être là, à parler du nouvel album avec toi, je pourrais faire bien plus, mais j’ai déjà tout ce qu’il me faut (I got everything I need) c’est d’ailleurs une phrase tirée du dernier album de Deep Purple. (rires).
Site web : behemoth.pl