En octobre dernier, le Californien d’adoption BØRNS nous a donné rendez-vous dans le très chic Hoxton Hotel pour nous parler de son deuxième album, prévu pour ce mois-ci. Expresso dans la main, il nous a raconté le succès de son dernier album, nous a parlé de ses plus fantasques inspirations et nous a laissé entrevoir l’univers de “Blue Madonna”.
Hey Garrett, tu es sur Paris depuis deux jours maintenant, qu’est-ce que tu fais de tes journées ?
Garrett Clark Borns : Oui, j’arrive juste de Los Angeles. J’ai assisté à quelques défilés. Stella McCartney hier, Thom Brown tout à l’heure. J’ai aussi fait une listening party hier dans une sorte de bodega et j’ai pu passer quelques-uns de mes nouveaux titres aux fans présents. C’était carrément cool et plutôt chill à vrai dire. Je me suis un peu promené dans Paris, il pleuvait mais c’était romantique. J’adore ça !
Ton premier album date de 2015, comment s’est passé ta vie post-“Dopamine” ?
Garrett : Après la sortie de “Dopamine”, j’ai tourné pendant deux ans. C’était plus long que prévu. Mais c’était cool parce que j’ai pu beaucoup voyager et venir à Paris de nombreuses fois. J’en ai aussi énormément appris sur les routes lors de la tournée canadienne, sur comment devenir un performer et pleins de choses du genre. Ça m’en a aussi appris plus sur la musique que je voulais créer, comment je voulais l’offrir à une foule. Le voyage, l’apprentissage personnel, etc. Pour le premier album, c’était un peu “OK je sors un truc mais je n’ai aucune idée de ce à quoi ça va ressembler” mais à la fin tout s’est ordonné. Pour celui-ci, j’avais une idée précise d’où je voulais aller, c’était tout nouveau pour moi.
Tu as aussi pas mal tourné dans les festivals. Coachella, Loolapalooza : racontes !
Garrett : Dément ! Totalement fou en ce qui concerne Coachella. Je n’y étais jamais allé donc je ne savais pas réellement à quoi m’attendre mais c’était finalement un truc de fou. J’ai eu la chance d’entrer en scène à un moment idéal, juste lorsque le soleil se couchait et ça commençait à se rafraîchir. C’est à ce moment là que les gens commencent à se transformer en étranges créatures nocturnes. Ils devenaient sauvages. J’avais un très bon public en face de moi. Les gens étaient près pour le show et ça m’a filé l’envie de me donner à fond. Je suis ravi de ma performance.
Le premier single de ton album, “Faded Heart”, est sorti le 28 juillet dernier. Qu’est-ce qui a joué en faveur de ce titre ?
Garrett : J’ai enregistré tout l’essai avec un ami, Tommy English, qui l’a aussi produit. Concrètement, l’album, c’est juste lui et moi. On a très rapidement écrit “Faded Heart” mais on l’a aussi oubliée très vite. C’est lorsque l’on a du présenter les tracks au label qu’on s’est rendu compte qu’elle leur plaisait. Ils l’ont trouvé fun et nous ont incité à la sortir comme premier single. J’avais vraiment envie de la composer comme si elle sortait tout droit de la B.O. d’un film comme “Grease”. C’est vraiment ce qui m’a inspiré. Un truc qui pourrait sortir d’un music-hall des 50’s.
Dans la vidéo qui accompagne le titre, tu sembles être un mec un peu survolté et possédé. Est-ce toi dans la réalité ?
Garrett : Je dirais que si l’on me provoque ou si certaines boissons pointent leur nez, ça peu m’arriver. Il suffit de combiner les bonnes substances. (rires) Ou bien lors d’une nuit de pleine lune ou autre.
Vous l’avez tourné à Los Angeles, n’est-ce pas ?
Garrett : Exactement, on a shooté dans un quartier de L.A.. Je passais toujours en voiture devant ce motel et je me disais à chaque fois que je devais filmer un truc là bas. Il y a avait cette atmosphère glauque, quelque chose avec les palmiers en néons de l’enseigne. C’est parti de là. Ensuite, il y a aussi eu ce théâtre de marionnettes originales des 50’s que ce mec a fabriqué de ses propres mains. C’est un endroit un peu secret de L.A.. J’ai commencé à aller voir les représentations et c’était génial. Ce sont les mêmes spectacles et les mêmes musiques qu’à l’époque. Les marionnettes sont un art perdu aujourd’hui. Ça m’a beaucoup inspiré, notamment pour les squelettes qu’on peut voir dans le clip.
Tu es originaire du Michigan. On entend beaucoup d’artistes affirmer que Los Angeles est la ville de l’inspiration. Est-ce que tu es d’accord ? Est-ce réellement LA ville pour un artiste ?
Garrett : Bien sûr. Je pense qu’il y a vraiment une vibe là-bas qui sature l’environnement : beaucoup d’artistes, beaucoup de musique, et de cinéma évidemment. Pour moi, le simple fait de graviter autour de cette ville est très inspirant parce qu’on est constamment en contact avec des gens qui ont de magnifiques projets artistiques. Les collaborations sont monnaie commune et j’adore ça ! La plupart des personnes qui y vivent ne sont pas originaires de Los Angeles, et beaucoup viennent du Midwest, là où j’ai grandi. Je me demande parfois si c’est vraiment réel : “suis-je vraiment en train de faire de la musique, ici, à L.A. ?!”. C’est fou. Je n’aurais jamais pensé vivre là bas. J’ai toujours l’impression d’être en vacances.
As-tu écrit toutes tes chansons là-bas aussi ?
Garrett : Oui, tout a été écrit et enregistré à L.A., dans une petite maison d’hôtes.
On ressent de nombreux mouvements dans chacune des chansons de cet album. Certains tracks sont ensoleillés, d’autres un peu plus dark. Quel a été le fil conducteur de ton travail qui n’était pas dans “Dopamine” ?
Garrett : L.A. a un double visage. Il y a cette partie autour de la ville très sauvage, quelque peu flippante, qui a été retranscrite dans les travaux des Beach Boys, ce que Lana Del Rey a d’ailleurs bien capturé avec son expression “Summertime Sadness”. Les chansons des Beach Boys m’ont transcendé. Le côté très orchestral. Plus personne n’écrit de pop songs comme ça aujourd’hui. Ils avaient vraiment un regard innovants et des pratiques futuresques pour l’époque. J’ai voulu me lancer un défi, quitte à me faire du mal en écrivant quelque chose qui n’allait pas instantanément avoir ni de sens ni de reconnaissance. Prendre deux choses contraires et tenter de les faire s’embrasser, juste comme les Beach Boys. Ça me hantait. Dans les nouveaux sons, j’ai, par exemple, incorporé des lifestreams, des orchestres ou encore un thérémine sur l’un des titres. C’est un vieil instrument des années 20 dont le son est extraordinaire. Mais ce n’est pas super connu. Toute la musique électronique d’aujourd’hui vient de ce truc. C’est le premier instrument électronique, ça ressemble à un bout de bois avec deux pièces en métal qui ressortent. Tu ne le touches pas, ce sont tes mains qui viennent s’en approcher et ça crée une sorte de réaction, une sorte de voix humaine super bizarre. C’est sûrement l’un des instruments les plus durs à maîtriser parce que tu ne vois rien, tu ne peux pas le toucher, tu dois juste jouer avec la réactivité entre l’instrument et tes mains. On n’en entend plus vraiment aujourd’hui.
Tu commences à tourner à la fin du mois (ndlr : d’octobre) en passant par les États-Unis, le Canada, la Russie et tu as aussi plusieurs dates en Europe. Comment appréhendes-tu cette tempête qui va bientôt s’abattre sur toi ?
Garrett : Je suis super excité, surtout pour la Russie. J’ai jouer à Moscou l’année dernière et c’était l’un de mes meilleurs concerts quand j’y repense. Moscou est une très belle ville et le public était vraiment cool. Ils connaissaient toutes les chansons, j’ai trouvé ça époustouflant.
Tu es plus à l’aise sur scène ou caché en studio ?
Garrett : Je pense que j’ai deux visages. Aujourd’hui je suis près à retourner sur la route, mais il y a eu un moment où j’avais vraiment besoin de revenir en studio. Cette partie de moi était en hibernation durant ma première tournée.
Et sur scène, comment ce nouvel album fonctionnera ?
Garrett : On est un groupe de cinq sur scène. Il y a deux nouveaux membres par rapport au premier album. Ils sont tous géniaux ! Il y a trois femmes maintenant, qui font les harmonies et jouent différents instruments. Et puis mon pote Connor à la guitare. On s’entend super bien, j’ai toujours rêvé d’avoir trois personnes pour les harmonies durant les shows et c’est vraiment une tuerie. Elles jouent deux instruments et chantent à côté, c’est fou. Ils sont tous super talentueux. Je suis très chanceux de les avoir à mes côtés.
Tu nous as dis que tu avais fait écouter quelques-unes de tes nouvelles chansons à un public il y a peu. Comment a réagi la foule ?
Garrett : Oui c’est vrai, on leur a passé certains sons mais je n’étais pas dans la pièce à ce moment-là. Je me sens vraiment gêné à chaque fois que j’écoute ma propre musique. C’était un truc plutôt informel, tu pouvais boire un coup derrière et te promener dans la salle. J’aime bien l’idée que les gens puissent personnellement faire l’expérience de ma musique.
Quelle est ta chanson préférée pour le live ?
Garrett : On n’a pas encore joué le nouvel album sur scène, mais je suis vraiment pressé de m’y mettre. Je pense qu’il y en a plusieurs qui vont sortir du lot. En ce qui concerne le premier opus, je dirais “Holy Ghost” qui est plutôt fun. “Electric Love” aussi, les gens se mettent tous à chanter et c’est super parce que cette chanson tend à être accompagnée par ces différentes couches d’harmonies ou de vocals.
Est-ce que l’album en entier est fait pour le live ?
Garrett : Il y a certaines chansons que je ne joue pas, que j’ai enregistrée sur mon téléphone ou sur mon ordinateur et qui ne s’y prêtent pas. Parfois, on s’est plus focalisé sur le travail de la vidéo et la musique devient plus quelque chose comme la soundtrack du film.
En ce qui concerne ton processus créatif, est-ce que l’idée te vient en premier et le reste suit ?
Garrett : J’ai l’impression que la plupart du temps j’oublie que je dois faire une performance live lorsque j’enregistre. Du coup, lorsque le temps de jouer arrive, je me dis “ouh je n’avais pas pensé à ça… Comment on fait maintenant ?!”. C’est un challenge plutôt fun. Parce qu’évidemment, il m’est impossible de tourner avec un orchestre ou un joueur de thérémine. Quoique, pour quelques dates. Cet album a réuni énormément de sujets que je trouvais inspirant. Beaucoup de vieux albums de science fiction que j’ai trouvé, par exemple, ou encore des vieux “Playboy”, quelques tableaux de la Renaissance comme des portraits de Carlo Dolci, et beaucoup d’autres choses ! L’album est vraiment marqué par le surnaturel, la mort, l’origine de l’amour. Est-ce que ça ne se passe qu’entre deux personnes ou d’autres facteurs entrent-ils en jeu ? Voilà, c’est un peu les choses qui ont nourri l’album.
Il y a en effet beaucoup d’amour dans tes chansons. Tu penses qu’avec ce qu’il se passe dans le monde autour de nous, chanter l’amour pourrait être un moyen de combattre les déchainements de haine ?
Garrett : C’est vrai qu’il y a cette vibration, il y a toujours de la place pour cela. Donner ce message à l’humanité, qui peut être que la seule raison pour laquelle on est là… c’est parce qu’on est là. Mais il y a aussi cette noirceur tordue que l’on peut régler. L’Homme est un loup pour l’Homme. Ce que l’on crée peut nous détruire à tout moment. Je pense que tout l’amour qu’on peut mettre dans la musique va doucement désintégrer le mal. Espérons le ! J’imagine que ce n’est qu’un petit pas dans ce sens.
Ton album semble créer cette espèce de petit monde alternatif à la réalité.
Garrett : Oui c’est dans ce monde que je veux vivre ! C’est ce que j’ai toujours voulu créer. Une sorte d’univers alternatif, très sain, joyeux, naturel et libre.
Sinon, qu’est-ce que tu prévois pour tes prochains jours à Paris ?
Garrett : Et bien… c’est hélas mon dernier jour ici. C’est toujours trop court, surtout à Paris. Je vais aller à quelques défilés et puis je devrais prendre le train pour me rendre à Londres. Je serais de retour très vite !
Comme on te l’a dit, on s’appelle “RockUrLife” et pour ne pas trahir la tradition : qu’est-ce qui rock ta life ?
Garrett : Qu’est-ce qui rock ma life ? Il y a pas mal de choses. (long silence) Je te laisse avec ton imagination. (rires) Qu’est-ce qui rock ma life… Un expresso à Paris, définitivement. Beaucoup trop difficile comme question. Une pop song vraiment bonne. Les pantalons-parachute. Simplement une bonne conversation, autour d’un verre. C’est tout ce dont j’ai besoin.
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