Dimanche 24 juin, c’est le dernier jour de la 14ème édition de Solidays mais également le seul jour de déluge sur l’Hippodrome De Longchamp. Dès notre arrivée dans un espace presse où se sont réfugiés la plupart des journalistes trempés, nous débutons notre journée promo avec un entretien avec Hervé “RV” Salters, l’âme du projet électro pop français.
Tout d’abord, comment ça va malgré ce temps ?
Hervé “RV” Salters : Pour moi qu’il fasse beau, qu’il ne fasse pas beau, qu’il y ait 5 personnes ou 50 000 on se donne pareil sur scène. On est ravis d’être ici. De manière générale, j’ai tendance à penser que quand les conditions ne sont pas nécessairement idéales, ça a tendance à souder le public et le groupe. On est un petit peu tous dans la même galère donc c’est plutôt marrant.
La tournée se passe bien ?
H : La tournée se passe super bien. On est vraiment en plein dedans là. On revient tout juste du Brésil, on a fait trois concerts là bas. Et puis avant ça on était à la Réunion, avant ça encore on était en Chine, Taiwan. Et puis beaucoup de dates françaises aussi. Là maintenant on est de retour en Europe, ca va être surtout France, Belgique, Suisse pour les festivals d’été.
C’est votre première date à Solidays ?
H : Non, on a déjà fait Solidays il y a deux ans dans la grande tente, dans le Dôme.
Vous êtes des habitués alors !
H : On peut dire ça ouais ! D’ailleurs, c’est un plaisir d’être de retour.
De manière générale, est-ce que vous vous considérez comme un groupe engagé ?
H : Ce n’est pas quelque chose que je vais chercher nécessairement à faire, c’est-à-dire chercher des causes derrière lesquelles me rallier. Mais quand on me propose des choses, je suis ravi d’y participer et notamment là quand on était au Brésil, on y était dans le cadre d’une action autour d’une favela à Rio, c’était le festival Encantado dans une favela rurale à Rio même, pour attirer l’attention sur le fait qu’il est possible d’organiser des choses dans une favela et de faire travailler des gens de cette communauté, les salarier, pendant un mois ils étaient salariés pour le festival, et de développer quelque chose de durable avec eux et de ne pas juste voir les favelas comme un endroit où tu risques de te faire couper la gorge. Voilà, ça m’a fait très plaisir de pouvoir y participer, donc Solidays c’est pareil. Ca donne un autre sens à ta musique, c’est-à-dire que tu n’es plus juste là pour mettre le sourire aux lèvres aux gens mais tu es aussi là pour générer des fonds et attirer l’attention sur une cause. C’est comme si tu avais deux fonctions.
Selon vous, est-ce que la musique peut avoir un impact sur les gens et faire évoluer les mentalités ?
H : Je pense qu’à travers des évènements comme Solidays, c’est ça qui est génial avec cet évènement, tu peux faire avancer les choses. Une chanson seule qui passe à la radio, je ne sais pas si ça change grand chose mais rallier autour d’un évènement ou d’une cause, là ça devient plus concret, les gens entendent plus ce qui se passe et ils vont être plus amenés à s’engager eux-mêmes. Je ne sais pas si une chanson peut changer le monde, je crois qu’historiquement quand tu regardes ce qui a pu se passer, il n’y a pas vraiment d’exemple. Par contre, je pense que la musique peut être le soundtrack du changement du monde. Il y a des musiques qui accompagnent certains mouvements populaires, par exemple le Civil Rights Movement aux Etats-Unis dans les années 60, dont la soul et la funk étaient vraiment le soundtrack et ça accompagnait le mouvement et ça participait aussi c’est vrai dans ces cas là. D’ailleurs, je retire ce que j’ai dit car là en l’occurrence un morceau comme “Respect” de Aretha Franklin participait vraiment de l’émancipation du peuple noir aux Etats Unis et du Civil Rights Movement. C’était à double tranchant d’ailleurs : c’était une black américaine qui disait aux blancs “respectez-moi” et c’était une femme qui disait aux hommes “respectez-moi” parce qu’à la base ce morceau c’est un morceau écrit par un homme, enfin chanté d’abord par Otis Reading, à sa femme “respecte moi” donc plutôt macho. Elle inverse le truc et donc effectivement il y a des morceaux qui peuvent aider à changer des mentalités. Faire une différence seule, je ne sais pas mais ça peut participer du mouvement.
Vous allez bientôt jouer à 19h, quel est le message que vous souhaitez transmettre via votre concert ?
H : De manière générale, nous ce qu’on essaye de faire quand on arrive sur scène, c’est dégager un maximum d’énergie et essayer de faire en sorte de repérer les gens sur qui ça met un petit sourire d’emblée et puis se nourrir de cette énergie là et l’effet miroir que ça fait que ça peut nous procurer pour nous faire sauter encore plus haut nous et donner quelque chose d’encore plus énergique et donner un petit peu des étoiles dans les yeux des gens. Moi personnellement je vois ça comme un geste politique, simplement le fait de faire oublier aux gens qui ils sont en l’espace d’un petit instant. Parce qu’il y a beaucoup de moments dans la vie où on est tous pris dans une routine, pris dans notre propre petit carcan mental, moi le premier d’ailleurs, et de se retrouver dans des situations où on peut s’envoler tous ensemble, quelque part c’est aussi un geste politique. C’est une manière de se mettre un petit peu en marge, de vivre un instant exponentiel. Ce n’est pas politique dans le sens où tu ne brandis pas un drapeau, tu ne luttes pas contre une cause, mais c’est quand même un commentaire sur la société je pense. Juste le fait de faire ça.
Quels sont les groupes que vous irez voir aujourd’hui ?
H : Je suis déjà allé voir A Freak In Space le groupe de Cyril Atef, un copain. Je trouve ça super et il était là sous le Domino, la grande tente. C’était super et en plus dans un sens lui il a été aidé par la pluie. il y a eu du monde sous la tente. Comme il n’était que 15h, ce qui est tôt, donc la plupart des gens qui sont là sont sous les tentes donc c’était très bien pour lui. J’ai beaucoup aimé.
Quel est votre souvenir du dernier passage à Solidays ?
H : J’ai le souvenir d’un super moment. Un de nos meilleurs concerts à vrai dire. Pas juste pour ce qu’on a fait nous sur scène mais pour ce que le public a fait avec nous. Et je pense vraiment qu’une formation comme General Elektriks ça se nourrit de ça, c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas juste d’une performance avec des gens qui sont dans la contemplation ou dans l’appréciation passive, mais il s’agit d’un show où il y a la possibilité pour les gens de participer et de donner, de danser etc. Et ce concert là était particulièrement haut sur cette échelle là.
Vous êtes plutôt concert en tête d’affiche ou festival ?
H : J’aime les deux. Personnellement, je ne pense pas qu’il y ait nécessairement à choisir l’un ou l’autre. Je pense que ce sont des énergies différentes qui s’en dégagent. Quand tu es face à une foule de 10 000 à 15 000 personnes, tu n’es pas face à la même bête que 500 ou 1000 personnes dans un club. Et puis les gens ne sont pas nécessairement là que pour toi, il faut convaincre les gens en festival plus qu’en club où les gens ont payé leur ticket pour venir te voir toi spécialement. Donc c’est un travail un petit peu différent quand tu montes sur scène, tu mets le pied sur scène, tu n’as pas exactement la même mission. Ceci dit, au bout du compte, c’est quand même la même chose. C’est-à-dire essayer de créer une communication entre ce qui se passe sur scène et ce qui se passe dans le public, mais avec des armes un peu différentes : des speakers énormes en festival, tu es espacé, tu es plus loin de tes musiciens, donc il faut gérer l’espace différemment, gérer le contact avec les gens différemment alors qu’en club, tout de suite, tu as plus la sensation de partager, d’être tous venu pour la même chose.
En festival, les gens viennent découvrir des groupes, voir une programmation.
H : Absolument. Ca c’est vachement bien. D’un point de vue purement de ce qui est juste pas de répandre la bonne parole, et de faire découvrir ta musique aux gens, les festivals c’est super, c’est une opportunité de faire découvrir ce que tu fais à des gens qui ne te connaitrait pas nécessairement.
Quel est l’actu de General Elektriks à part la tournée ?
H : Moi personnellement, j’ai d’autres actus en dehors de General Elektriks. Je fais une collaboration avec Chief Xcel le DJ producteur de Blackalicious, un groupe de hip hop de la région de San Francisco. J’habite à San Francisco depuis 12 ans aux Etats Unis et je suis en train de déménager à Berlin. J’ai monté ce projet Burning House avec Chief Xcel. On doit finir ce disque cet automne pour le sortir début 2013. Je dois faire une musique de film aussi bientôt et puis je suis en train de co-réaliser le nouvel album de Pigeon Jean, qui est un rappeur de Los Angeles que j’ai rencontré là bas aux Etats Unis aussi. Donc voilà toutes ces choses là, un déménagement à Berlin, ça c’est aussi de l’actu pour moi puisque j’ai une famille, c’est du boulot de déménager une famille de 4 personnes de San Francisco à Berlin. Et puis après, il faut travailler sur un nouvel album de General Elektriks bien sûr mais ce ne sera pas avant 2013-2014.
Mais vous avez déjà quelques idées quant à ce nouvel album ?
H : Oui j’ai des idées ouais. J’aimerais bien prendre le temps et ne pas le sortir tout de suite. Parce que j’ai fait assez vite entre “Good City For Dreamers” (2009) et “Parker Street” (2011) le dernier. Il s’est passé peu de temps et “Parker Street” je l’ai fait en quatre mois. Je l’ai écrit, arrangé, produit en quatre mois. Ce qui est rigolo, c’est que c’était la première fois que je faisais ça je suis une espèce de petite ouverture de fenêtre et refermeture de fenêtre très rapide donc c’est comme un snapshot de qui tu es musicalement et émotionnellement à un moment donné plutôt qu’un travail sur la longueur. Et là j’aimerais plus retourner vers un travail sur la longueur pour le prochain. Donc je vais essayer de ne pas me donner trop de deadlines contraignantes.
Vous avez déjà une idée concernant le label ?
H : Jusqu’à maintenant, je travaille de manière indépendante. Je garde mes masters, je garde mes bandes, et selon les territoires, je les donne à des labels en licence de distribution. Donc en France c’était Discograph jusqu’à maintenant, aux USA c’était Quannum Projects, ça dépend et je préfère travailler comme ça sur chaque territoire avec un partenaire privilégié qui connait vraiment le territoire. Les expériences que j’ai pu avoir en major par le passé, ne m’ont pas tellement enthousiasmé, donc je préfère rester indépendant. Je pense que l’indépendance, aussi bien financière qu’artistique c’est plus mon truc. Je préfère ne pas à répondre de quoi que ce soit et de qui que ce soit. Je fais mon disque moi-même, je le paye moi-même, comme ça personne n’a rien à me dire et après je le joue, je le fais écouter à des gens, s’il y a des gens que ça intéresse c’est eux qui s’en occupent.
Dernière question : notre site web s’appelle “RockYourLife!”. Qu’est ce qui rock ta life, ce qui te fait vibrer ?
H : Pour moi le rock c’est rester jeune aussi longtemps que possible, mais ne pas avoir l’air d’un ado attardé à 50 ans ce n’est pas ça que je veux dire, mais je veux dire dans la tête, rester en phase d’apprentissage et se laisser surprendre par les choses autour de soi, et ne pas vieillir dans sa tête. Ne pas tomber dans trop de certitudes, ne pas se dire qu’on a tout compris à aucun moment, parce que je pense que personne n’a jamais rien compris vraiment. Il y a toujours des choses qui vont venir te surprendre et il faut rester en émerveillement face au monde comme les enfants savent le faire. Pour moi c’est ça le rock.
Merci !
H : Merci à toi !
Site web : general-elektriks.com