Début avril, RockUrLife a rencontré Dan Murphy et Darragh Griffin, membres du groupe de folk irlandais Hermitage Green, afin de discuter de leurs parcours et de leur nouvel album “Save Your Soul”, tout juste sorti en dans leur pays.
Vous avez commencé votre carrière en faisant exclusivement des reprises, postées sur votre compte YouTube. Qu’est-ce que cela change de défendre désormais ses propres chansons sur scène ?
Darragh Griffin (chant/guitare) : Ça change beaucoup de choses, surtout en concert. Ceci dit, nous avons toujours choisi avec attention les chansons que nous souhaitions reprendre et travailler sur des titres que nous aimions. Contrairement à certaines formations qui reprennent toutes les mêmes tubes, déjà à l’époque, nous avions essayé de reprendre des mélodies différentes. Mais quand tu es catalogué “groupe de reprises”, ce n’est pas forcément facile car tu te dois de faire une version originale, de réinventer un single que les gens aiment déjà et de le faire bien. Jouer notre propre musique, c’est en somme plus gratifiant, surtout lorsque les gens dans la fosse connaissent les paroles de tes chansons. Mais évidemment, c’est différent quand tu débutes. Par nature, les gens ne portent pas forcément attention à ce qu’ils ne connaissent pas d’avance. Ils auront même tendance à éviter l’inconnu. Donc cela nous a pris un peu de temps pour faire cette transition entre les reprises et nos propres compositions.
Est-ce que ces reprises vous ont aidé à trouver et fidéliser votre public ?
Dan Murphy (chant/basse) : Oui, au début. Faire des reprises et écrire sa propre musique sont deux choses totalement différentes. Jouer des covers étaient, pour nous, une bonne façon de savoir ce que nous voulions faire de nos propres compositions et de notre propre son. Ce sont deux chapitres complémentaires dans la vie de notre groupe.
Et le chapitre reprises est-il donc clos ?
Dan Murphy : Oui. Aujourd’hui, c’est un peu tabou de faire des reprises, en fait. Si tu en fais, on te catalogue tout de suite comme un groupe de reprises. Mais techniquement, la musique pop, c’est toujours les mêmes sons. Donc c’est un peu une boucle qui n’en finit pas. La musique classique aussi, c’est presque toujours des chansons écrites par d’autres, qui sont jouées et réinterprétées encore et encore. Aucun de nous n’a de problème avec le fait d’avoir fait des reprises, c’était vraiment sympa d’amener notre touche sur le titre de quelqu’un d’autre. Mais désormais, on essaie de faire une reprise par concert quand même, parce que cela nous plaît. Pas plus.
Avant “Save Your Soul“, vous aviez sorti un album live. C’est plutôt inhabituel, la plupart des groupes sortant d’abord des albums studio avant un live.
Darragh Griffin : Nous faisons tout à l’envers ! (rires) En fait, à l’époque, nous n’avions pas de label. Nous aurions pu faire un album studio, mais nous n’avions pas vraiment l’argent pour financer un enregistrement de qualité, en studio. Alors nous avons pensé – vu que nous jouions à cette époque beaucoup en live – que ce serait sympa d’enregistrement nos meilleures chansons en direct pour en faire un album. Nous avons aussi vu ça comme un bon moyen de faire connaître notre musique et cela permettait aux les gens qui venaient nous voir d’avoir quelque chose à écouter avant de venir.
Vous tournez depuis six ans maintenant. Qu’est-ce qui a changé dans le groupe aujourd’hui ?
Dan Murphy : Tout ! (rires) Et oui, cet été, cela fera six ans qu’Hermitage Green existe. Ça a été un long processus pour en arriver là où nous sommes aujourd’hui mais rien n’est arrivé rapidement pour nous. Nous avons dû travailler dur.
Darragh Griffin : Aujourd’hui, le plus gros changement est que nous écrivons tous des chansons. Au départ, aucun de nous ne composait. Nous avons tous travaillé notre façon de composer.
Justement, quand vous composez, est-ce que vous pensez immédiatement à la version live ?
Dan Murphy : C’est important de ne pas se concentrer là-dessus. C’est l’une de mes faiblesses : je pense trop à ce que cela va donner en live, à ce que les gens vont penser. Mais cela ne devrait pas être une habitude car c’est lorsque les choses me viennent naturellement qu’elles sont bonnes. D’ailleurs, si je devais expliquer à quelqu’un comment écrire une chanson, je lui dirais justement d’essayer de ne pas penser au rendu mais plutôt d’essayer de s’exprimer et d’écrire sans s’imposer de cadre.
Darragh Griffin : Absolument, oui. C’est le plus important pour moi aussi. J’ai passé des années à écrire en essayant de m’approcher de ce qui pouvait marcher ou plaire au plus grand nombre. Le mieux, c’est, au contraire, d’écrire ce que tu as envie d’écrire sur le moment et de se faire confiance. Maintenant, j’écris juste pour moi, sans penser à rien d’autre. Et si la chanson est bien, j’y reviens ensuite. Je suis très égoïste mais ça me plaît bien. (rires)
Dan Murphy : Par exemple, “Quicksand” est une chanson très sombre, mais tu peux la réinterpréter à partir de ce qu’elle dit vraiment et la faire passer sans problème en radio ou dans une pub. Au départ, j’essayais d’écrire quelque chose qui susciterait un retour mais tu peux faire coexister les deux idées si tu le fais à ta façon.
Votre album est sorti il y a un mois, quels en sont les retours ?
Darragh Griffin : Nous sommes très contents. Nous avons été n°3 des ventes d’albums en Irlande et j’étais super fier parce que faire partie du top en Irlande dépend beaucoup de l’actualité musicale. Si tu choisis une semaine où personne ne sort quoi que ce soit, tu peux facilement être numéro 1. Malheureusement pour nous, nous sommes tombés la même semaine qu’Adele, qui est d’ailleurs toujours n°1. La réaction des gens par rapport à l’album était super aussi.
Dan Murphy : Ouais, le retour du public est très important et il a été largement positif. Les gens ont compris que l’on propose des chansons différentes et c’est super gratifiant d’avoir des retours positifs.
Vous utilisez le bodhran, un instrument traditionnel irlandais, dans vos chansons. Est-ce un choix délibéré d’ajouter une touche de musique plus traditionnelle ?
Dan Murphy : Nous sommes coincés ici avec, nous n’arrivons pas à nous en débarrasser ! (rires)
Darragh Griffin : Je ne pense pas qu’on ait fait ce choix intentionnellement. Au départ, nous n’avions jamais joué de bodhran. Mais quand tu as un quelqu’un comme Dermot (ndlr : Sheedy, qui joue du bodhran au sein du groupe) qui est l’un des meilleurs musiciens du pays, amener un élément irlandais ouvre des possibilités. Je pense que cela élève nos chansons et nous permet d’avoir un son à nous un peu inconventionnel.
Vous avez déjà joué en France, qu’en avez-vous pensé ?
Dan Murphy : Le vin y est horrible ! (rires)
Darragh Griffin : Nous avons joué à Cannes, un super coin de la France ! Nous aimerions vraiment retourner chez vous faire de vrais concerts dans différentes villes et à Paris.
Dan Murphy : Nous avons joué dans un cadre organisé : c’était bien mais on aimerait découvrir de belles salles.
Darragh Griffin : J’ai vu une vidéo d’Hozier tournée dans différents endroits de France et toutes les salles dans lesquelles il a joué semblaient incroyables.
Dan Murphy : Après tout ce qui s’est passé dans cette salle de concert à Paris en Novembre dernier, je pense que ce serait un message fort de justement venir en France. Parce que quand des choses aussi atroces se produisent, celles-ci rapprochent indirectement les gens. J’ai regardé U2 jouer à l’AccorHotel Arena à la télé et je pouvais ressentir cette énergie, cette sorte d’unité entre le personnes du public. Quand des événements aussi tragiques arrivent, c’est une opportunité pour les gens de se dire combien ils s’aiment, de s’intéresser aux autres.
Quels groupes écoutez-vous lorsque vous êtes en tournée ?
Darragh Griffin : J’adore un groupe qui vient du Michigan, Vufpeck. J’écoute aussi pas mal The Gloaming en ce moment.
Dan Murphy : LCD Soundsystem et John Grant étaient dans ma playlist cet été. Ça change tout le temps.
Pour finir, question traditionnelle : notre site s’appelle “RockUrLife”, qu’est-ce qui rock votre life ?
Darragh Griffin : Simplement le fait de jouer sur scène avec mes amis pour des gens.
Dan Murphy : Ca et ces petits moments où tu réalises le chemin parcouru ces dernières années. Les choses avancent doucement pour nous et parfois, c’est difficile de prendre le recul nécessaire pour apprécier notre situation actuelle. Encore tout à l’heure, quand je suis arrivé dans cette salle, j’ai repensé à la première fois ou nous avons joué à Cork. C’était dans un bar devant une centaine de gens bourrés qui ne savaient pas qui on était. Revenir pour jouer dans une salle comme celle-ci, c’est un sentiment vraiment extraordinaire.
Site web : hermitagegreen.com