À la veille du tout premier concert parisien et une semaine après la sortie française du deuxième album, RockUrLife a discuté avec le leader de Highly Suspect, Johnny Stevens. De ce nouvel album à ses opinions politiques, en passant par la présence terrestre d’aliens et son étonnant voisin de palier, le chanteur s’est longuement livré malgré une fatigue flagrante.
On avait hâte de vous accueillir en vous disant “félicitations pour votre Grammy”, mais on imagine que c’est impossible de battre David Bowie. Avez-vous quand même passé une bonne soirée aux Grammys ?
Johnny Stevens (chant) : C’était fantastique. C’est vraiment une bonne soirée, rien que d’être nominé dans cette catégorie, aux côtés des ces artistes. C’est la plus belle défaite que je n’aurai jamais.
Demain, c’est la première date de votre toute première tournée européenne. Qu’est-ce que ça fait d’être à la veille d’une toute nouvelle étape de votre carrière ?
Johnny : C’est ultra excitant ! Je n’aurais jamais imaginé qu’on aille si loin, donc on est super enthousiastes !
Vous tournez depuis un moment aux États-Unis mais en France, vous êtes un peu des nouveaux venus, alors on va retourner aux racines du groupe : comment est-ce que vous êtes-vous rencontrés et comment le groupe s’est-il formé ?
Johnny : Rich et Ryan sont jumeaux, donc il se connaissant depuis un bon moment, et je suis allé au lycée avec eux. Mais on ne s’est rencontré qu’après le lycée. On a pris une maison ensemble et on a commencé à jammer. Le but n’était pas de devenir un gros groupe, on voulait juste s’éclater un peu les week-ends. Et maintenant on est là ! Avance rapide de huit ans, c’est dingue !
Est-ce vrai que vous aviez trouvé votre nom Highly Suspect, sur un générateur de nom de groupe en ligne ?
Johnny : Oui, c’est vrai. À l’époque, et aujourd’hui encore, on fumait beaucoup de weed, donc on voulait utiliser le mot “high”. On a tourné le truc, “high”, “highly”, and on est tombés sur “Highly Suspect”, on s’est dit “OK peu importe”. Je trouve que c’est un nom stupide, je le déteste mais…
Trop tard pour changer ?
Johnny : Oui, merde, c’est juste un nom.
Quand on entend votre nom, il est souvent comparé à Queens Of The Stone Age, mais qu’écoutes-tu ?
Johnny : J’adore vraiment Queens Of The Stone Age. C’est un groupe génial, j’aime pas trop le rock mais Queens sont excellents et ils nous influencent. Aucun artiste n’a envie d’être toujours comparé à un autre artiste, mais si on doit l’être, ce n’est pas une comparaison désagréable. Mais j’écoute pleins de trucs, du blues, du jazz, Brahms. J’aime simplement le son. J’imagine qu’on entend toutes ces influences.
La plupart des groupes passent des années à essayer d’obtenir une nomination aux Grammys, mais vous, vous avez eu ça dès votre premier album, “Mister Asylum”. Cela ne vous a-t’il pas mis une grosse pression sur vos épaules quand vous avez commencé à travailler sur votre second album ?
Johnny : Non, ça nous a apporté beaucoup d’encouragement. C’était l’opposé de la pression. J’ai senti de la validation, c’était “wow, les gens aiment notre art, faisons-en plus !”. C’était excitant. Et puis être nominés deux années de suite aux Grammys, c’était juste “wow!”. (rires) Je n’ai pas ressenti de pression, je n’ai plus rien à prouver. On ne peut pas nous retirer ça.
Vous avez publié “The Boy Who Died Wolf” un an seulement après la sortie de “Mister Asylum”. Comment s’est passé le processus d’écriture et d’enregistrement ? Avez-vous écrit sur la route ?
Johnny : Je n’avais pas le temps d’écrire sur la route, donc en gros, le lendemain de la fin de la tournée, j’ai pris un avion pour Los Angeles et j’ai passé dix jours enfermé dans un studio avec un piano et une guitare, et j’ai écrit un album. C’était vraiment rapide. C’était pas compliqué parce que j’avais vraiment hâte de m’isoler de mes amis et du monde et de me concentrer sur mes pensées. Je ne savais pas sur quoi j’avais besoin d’écrire jusqu’à ce que ça sorte. Quand c’est sorti, j’avais toutes ces chansons qui n’ont pas finies sur l’album, mais on a gardé celles qu’on trouvait les meilleures et écrit l’album.
Vous avez sorti “Serotonia” des mois avant la sortie de l’album. Pourquoi avoir choisi cette chanson spécifiquement ?
Johnny : La chanson a été écrite bien avant qu’on commence l’album, elle n’en faisait même pas partie. On n’avait pas prévu de la mettre sur l’album, mais j’aime bien avoir des paires de chansons. Cet album part complètement dans tous les sens, dans des directions différentes. Il y a une chanson qui s’appelle “Wolf”, qui clôt l’album. Elle a une texture sonore similaire à “Serotonia”, donc je pensais que l’ajouter à l’album serait un complément sympa. On en a discuté et tout le monde est tombé d’accord.
“Serotonia” a simplement été écrite comme un single, juste après qu’on ait terminé le premier album. Les chansons de “Mister Asylum”, on a travaillé dessus pendant des années. Elles étaient vieilles pour nous. C’est pas aussi excitant quand tu joues les mêmes trucs pendant des années. On les jouait à New York encore et encore. Elles sont neuves pour plein de gens. Les gens ici, des gens, même l’année prochaine, les entendront pour la première fois. Mais c’était important pour nous de continuer à créer pour avoir du matériel nouveau et excitant à jouer. C’est pour ça qu’on a publié le deuxième album si vite. Tu me demandais par quoi j’étais emballé pour ce nouveau chapitre, ce n’est pas seulement notre tournée européenne, c’est aussi qu’on a un nouveau set.
Votre premier album était du pure rock alternatif rentre dedans, mais celui-ci est plus éclectique. Avoir du succès avec le premier vous a t-il donné plus de confiance et de liberté pour explorer des choses différentes avec celui-là ?
Johnny : Oui, bien sûr, mais c’est aussi… La vie a changé. L’énorme angoisse de vivre à New York pendant des années avant de publier notre premier album, toutes ces chansons ont été écrites à un moment où tout était vraiment pesant. Et puis, la vie est devenue un peu plus complexe. Pouvoir voyager, côtoyer différents musiciens et vivre différentes expériences dans des pays différents, ça nous a aidé à obtenir une ambiance plus éclectique sur ce nouvel album. Je ne veux jamais publier plusieurs fois la même chose. Beaucoup de gens entendent “Lydia”, cette chanson qui a bien marché aux États-Unis, et se disent probablement : “Cool ! C’est le son que je vais attendre sur toutes leurs chansons !”. Parce que c’est ce que beaucoup de groupes font. Ils ont une formule et se disent “OK ça, ça a marché, refaisons le encore et encore”. Pour moi, ce n’est pas drôle, ce n’est pas de l’art. J’aime même pas tant que ça le rock, la plupart des nouveaux trucs. J’aime bien des artistes comme Phantogram et Grimes, des trucs très différents, donc avoir cette liberté, c’est cool. Mais je savais que nous perdrions quelques fans dans le processus, et c’est le cas, il y a assurément des gens qui pensent “fuck cet album !”. Ce n’est pas grave ! Parce qu’ils ont l’ancien album. En même temps, il y a plein de nouveaux fans grâce à ce nouvel album qui, peut-être, n’auraient jamais aimé le premier. J’ai l’air égoïste, mais on fait de la musique pour personne d’autre que nous.
Comme tu disais, vivre à New York a eu un fort impact sur votre musique. Vous avez commencé à faire de la musique dans le Massachusetts, puis vous avez déménagé à Brooklyn et vous êtes allés enregistrer “The Boy Who Died Wolf” à Bogota. Qu’est-ce que partir en Colombie vous a apporté en terme d’inspiration ?
Johnny : Ce n’était pas vraiment l’inspiration dont nous avions besoin en Colombie. C’était la paix, l’évasion. Si nous avions fait cet album à New York, ça aurait été trop facile de se dire “aaah, il est 5h, je vais aller boire un coup avec mon pote, je suis frustré dans le studio” et s’égarer. On était dans un endroit où nous ne connaissions personne, on ne parle pas la langue, les conversations des autres ne pénètrent pas mon esprit. Je marchais dans la rue, j’entendais les gens parler et j’avais aucune putain d’idée de ce qu’ils racontaient ! Donc je restais concentré sur ce pour quoi j’étais là.
On n’est pas allé là-bas pour faire un album où on ajoute des putains de congas ou je ne sais quelle connerie. C’était juste un endroit que notre producteur connaissait bien, il connaissait un studio, qui contacter pour nous aider. C’était l’endroit où on pouvait être loin de tout ce qu’on connaissait, et c’est pour cette raison qu’on a choisi de le faire.
Pour la troisième fois, vous avez travaillé avec Joel Hamilton. Pourquoi ça fonctionne si bien avec lui ?
Johnny : Quand tu fais de l’art, quand tu partages la création d’art avec quelqu’un d’autre, je pense que c’est vraiment important que tu leur fasses confiance et que tu les aimes bien. Joel a une oreille fine. Il n’écrit pas les chansons, mais quand on écrit les chansons, il y avait peut-être un son de caisse claire qui ne sonnait pas bien, et il disait “pourquoi on n’utilise pas cette caisse claire différente que j’ai dans mon studio depuis six ans. Elle n’a jamais servi, mais ça pourrait bien sonner ici”. On l’écoutait et on se disait “ça change toute la tonalité de la chanson, c’est une super idée !” des trucs comme ça. Ces suggestions, ces choses auxquelles on ne penserait pas normalement, sont brillantes. On a confiance en lui, on l’aime bien, il est marrant, et ça fonctionne. On a travaillé avec d’autres personnes, mais c’est facile avec lui.
On se sent obligé d’en parler parce que c’est un peu la fierté nationale. Vous avez aussi travaillé avec Joe Duplantier de Gojira. Comment est-ce arrivé ?
Johnny : Je vivais depuis quelques mois à Brooklyn et mon propriétaire, qui savait qu’on faisait de la musique, m’a dit “un mec vient d’emménager dans l’immeuble, il est dans un groupe de rock, il vient de France, tu devrais le rencontrer”. Donc je me suis renseigné et c’était Joe de Gojira. Je me suis dis “putain !”. (rires) Je l’ai vu quelques jours plus tard dans un café à côté de l’immeuble dans lequel on vit tous les deux, et je lui ai dit “salut, comment tu vas ? Je m’appelle Johnny, je suis dans un groupe et j’ai des questions”. Il était tout ouïe et depuis, juste parce qu’on est voisins, je le voyais tous les jours et on est devenus bons amis. On partage beaucoup d’opinions sur la vie, l’amour, la musique, on se rejoint sur pleins de trucs. Maintenant, c’est au point qu’on partirait en vacances ensemble. On les apprécie en tant qu’amis.
Je pense qu’on a bossé avec lui parce qu’il traversait une phase où il avait envie de se détacher de son propre art pendant un moment et faire quelque chose de différent pour l’aider à penser à autre chose. Quand tu es un artiste, c’est important d’explorer des choses nouvelles. Par exemple, en ce moment, je travaille avec une fille à Los Angeles qui fait du hip hop. Je l’aide et ça me permet de m’éloigner de mon propre bordel.
C’était un ambassadeur génial parce que je n’avais jamais rencontré quelqu’un d’authentiquement français avant de rencontrer Joe et il y a vraiment cette relation haine/amour entre la France et les États-Unis, et je m’attendais à ce que les Français me détestent. Avec lui, c’était complètement l’opposé, il était super accueillant et tolérant, une personne adorable et belle, donc vous n’auriez vraiment pas pu avoir un meilleur ambassadeur ! (rires)
Deux chansons détonnent du reste de l’album : “Chicago”, qui est une ballade au piano, et “F.W.Y.T.”. Qu’est-ce qui les a inspirées ?
Johnny : “Chicago” a été écrite au sujet de mon ex-petite amie, avec qui je suis à nouveau. Elle est originaire de Chicago, je l’ai rencontré là-bas et la chanson vous embarque dans cette année folle que nous avons vécue, notre voyage à travers les États-Unis. C’était dur d’écrire cette chanson. Quand je l’ai écrite, on venait de se séparer, mais c’est venu assez naturellement. On a essayé de la transformer en une chanson avec tout le groupe, parce que si cette chanson ressort, c’est parce que c’est seulement moi et un piano. Ça ne collait pas avec une batterie, ça ne collait pas avec une basse. Elle n’avait pas le même ressenti brut, donc on a décidé de la laisser comme ça. Ce que tu entends sur l’album, c’est une prise, un micro dans une pièce. C’est aussi basique, aussi rudimentaire que la musique peut l’être. C’était flippant de faire ça parce que ça expose les défauts dans ma voix, je peux entendre les erreurs, mais il y a une honnêteté en cela, et cette chanson est géniale.
“F.W.Y.T.”, c’est un peu une extension de ce que je disais plus tôt. J’ai une si forte affinité pour d’autres genres, la musique électronique, hip hop. Évidemment, je ne veux pas être ce genre de groupe rap/rock. Des gens ont déjà essayé et échoué, mais je pense que si tu peux incorporer d’autres styles avec goût, ça montre qu’on est plus que (ndlr : imitant un metalleux), ce qu’on appelle le butt rock. C’est cool et ça aide les gens à comprendre que peut-être, on n’est pas trop stéréotypé, qu’on ne cherche pas juste à être ce gros phénomène rock, parce que ce n’est vraiment pas le cas. Je ne veux pas être un musicien, je veux être un artiste. Cette chanson est vraiment marrante. Elle n’était pas destinée à devenir une chanson, c’était juste un riff, une idée qu’on avait, et on l’aimait tellement qu’on l’a mise sur l’album.
Vous ne vous contentez pas de faire de super morceaux, vous faites aussi des vidéos assez géniales et cinématographiques. Vous venez de publier une vidéo un peu futuriste pour “My Name Is Human”. Quelle est l’histoire derrière cette vidéo ?
Johnny : Beaucoup de gens pensent que “My Name Is Human” traite du fait d’être humain. Mais pour moi, c’est plus mon “nom”, c’est humain. C’est comme ça qu’on se nomme. Mais je ne pense pas qu’on soit tous humains. Je ne peux pas t’expliquer pourquoi, pendant des milliers d’années, l’information s’est déplacée à une vitesse, la vitesse humaine. Si tu voulais envoyer une lettre de Boston au Japon, tu devais écrire la lettre à la main, la sceller, mettre de la cire, la mettre dans un train. Le train prenait quelques semaines pour traverser l’Amérique, il s’arrêtait dans le Colorado, quelqu’un récupérait la lettre, l’emmenait à cheval jusqu’à San Francisco. Ça prend encore quelques semaines, s’il ne s’est pas pris une flèche dans la tête. Il arrivait à San Francisco, grimpait dans un bateau, les garçons de cabine empaquetaient les marchandises, le bateau traversait l’Océan Pacifique, et ça prenait encore quelques mois, s’ils arrivaient à destination. Les probabilités que la lettre atteigne le Japon étaient très minces, et ça prendrait des mois, voir des années. Le destinataire devait ensuite récupérer la lettre, réfléchir à ce qu’il voulait répondre, l’écrire, et le processus recommence.
D’une manière ou d’une autre, dans ces cent dernières années, tout ça a changé. J’ai juste l’impression que les androïdes, les aliens et tout le bordel, ils ne sont pas en route, ils sont arrivés. Il y a cette perception que les aliens sont peut-être des hommes verts qui trainent dans des vaisseaux spatiaux et qu’ils vont descendre nous envahir. Mais peut-être que c’est simplement une molécule. Tu sais comment la nanotechnologie fonctionne, le plus petit truc peut tout faire changer. J’ai l’impression que ça serait naïf de penser que peut-être, quelque chose n’a pas pénétré notre atmosphère et notre système sanguin et modifié des choses. Je ne peux pas l’expliquer, je ne dis pas que c’est vrai, mais c’est un truc auquel je pense souvent. C’est un concept sympa à explorer. En parallèle, on vit à un moment où l’humanité est dans un état insensé. Cette vidéo est une interprétation artistique de l’idée que, peut-être, on n’est pas tous humains. Je parle à un cyborg, et pendant toute la vidéo, on pense que je suis un humain. Mais à la toute fin, ma gorge s’illumine et c’est à ce moment-là que tu comprends que peut-être, je ne suis pas humain.
Tes paroles sont souvent très personnelles et transparentes. N’est-ce pas un peu flippant de sortir tes tripes tous les soirs sur scène et sur des chansons que des milliers de personnes écoutent ?
Johnny : C’est flippant, mais pas tant que ça parce que je sais que ça aide d’autres personnes. C’est très cathartique, ça m’aide beaucoup de publier des trucs qui ont du sens pour moi. Ce serait égoïste de garder ça pour moi quand je sais que ça peut aider d’autres personnes qui traversent des expériences similaires. C’est vraiment important pour moi d’écrire sur des trucs que je connais. Je ne sais pas inventer des histoires. Je ne veux pas mentir sur quelque chose dont je n’ai jamais fait l’expérience, parce que je pense que c’est ça la différence entre être authentique et essayer de se faire de la thune. C’est dur de le faire, mais ça devient plus simple quand tu regardes dans la foule et tu vois que ça touche les gens. Je reçois des lettres, ce genre de truc, je sais que j’aide, donc ça facilite la chose.
La plupart de tes paroles traitent donc d’histoires personnelles, mais sur “Viper Strike”, tu prends un tournant plus politique, anti-homophobie et antiracisme. Qu’est-ce qui t’a poussé à aborder ce genre de sujets ?
Johnny : En tant qu’homme blanc originaire des États-Unis, je m’en sors pas mal. J’ai tellement d’amis qui n’ont pas les mêmes opportunités que moi parce qu’ils sont d’une minorité ou d’une affiliation de genre différente, ou sans affiliation de genre. Il y a un fort malaise en ce moment, et les choses sont de pire en pire. Tout le monde pense que c’est une chanson sur Trump. Je ne l’ai pas écrite sur Trump. On l’a faite fuiter avant la sortie de l’album, le jour de son élection, parce que ça avait du sens. Parce que en ce moment, en Amérique et dans d’autres endroits dans le monde, ça craint vraiment. Vous faites aussi face à ça, et je vous dis bonne chance, avec Marine Le Pen.
Merci, on va en avoir besoin.
Johnny : Je sais que pleins de gens en France disent : “ça va aller, ça n’arrivera jamais”, mais je me souviens avoir été en Angleterre peu après le Brexit, les gens me disaient “bonne chance”, et je leur répondais “on laissera jamais ce trou du cul devenir président, ça n’arrivera jamais” et c’est arrivé. J’en suis désemparé. Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, c’est maintenant acceptable d’être raciste en Amérique. Il y a une telle hausse de haine. Je ne suis pas un artiste politique. Je suis juste un putain de citoyen du monde et je pense que c’est important, si tu as une plateforme, de l’utiliser et de te battre pour ce en quoi tu crois. On n’est pas Rage Against The Machine, on ne veut pas être Rage Against The Machine, on n’est pas un groupe qui fait de la musique à cause de la politique. On est un groupe qui doit faire face à de la merde politique en ce moment, c’est important et on avait besoin d’exprimer nos opinions, et je dis les nôtres parce que ce ne sont pas seulement les miennes, de les faire entendre, et peut-être, d’aider. Je pense au gamin de dix ans qui vit dans le Missouri, à qui toute la famille dit que les gens gays ou noirs sont mauvais. Et peut-être qu’il n’a personne d’autre et qu’il pense “j’ai cet ami à l’école, je l’aime beaucoup et il est noir, pourquoi est-ce que je devrais le détester ?”. Peut-être que s’il voit quelqu’un qu’il admire, son groupe préféré dire “tu sais quoi, c’est pas normal !”, alors peut-être qu’il aura le courage de former ses propres opinions.
Quand vous avez sorti “Viper Strike” ou quand tu as porté une veste avec inscrit “IMPEACH [Donald Trump]” dans le dos, il y a eu un tollé sur les réseaux sociaux. Les gens disaient “j’arrive pas à y croire, ce sont des attardés gauchistes, je n’achèterai plus jamais votre musique” ou “restez à votre place et arrêtez de parler politique”. Comment gères-tu ce genre de réactions ?
Johnny : J’en ai vraiment rien à foutre. C’est ce qui arrive quand tu prends position. Les gens disent que j’aliène la fanbase, mais j’ai l’impression que c’est mon pays qui m’a aliéné. Si quelqu’un ressent le besoin de se dresser contre ce que je dis, qu’il le fasse, c’est leur liberté. C’est pour ça que je me bats ! Je me bats pour ton droit de ne pas être d’accord avec moi ! Ce n’est pas grave. Pleins de gens disent “tu vas perdre de l’argent”, mais ce n’est pas pour ça que je suis là-dedans. C’est plus grand qu’être un artiste, qu’être dans un groupe. C’est la réalité, et ce n’est pas cool. Si je perds quelques fans au passage, c’est comme ça. Depuis le début, ils n’écoutaient pas, parce que ce n’est pas nouveau.
La plupart des tes paroles sont assez sombres, votre musique est incisive, mais en même temps, vos concerts sont de grosses célébrations. Vous avez une forte relation avec vos fans, comment ça fonctionne ?
Johnny : Le contraste vient du fait que l’art et les humains sont différents. Je chante à propos de choses qui m’ont fait du mal dans le passé. C’est cathartique, c’est bien et c’est génial d’évacuer ça, mais ça ne veut pas dire que je suis quelqu’un de tout le temps énervé, fâché ou maussade. Je pense que quand les gens viennent à nos concerts, ils s’identifient avec la noirceur et évacuent. On est dans une pièce tous ensemble, et c’est très libérateur, ça fait du bien. On a tous traversé les mêmes merdes ensemble et on se dit “putain, on est là ensemble, buvons une bière !”, et on célèbre à travers la musique. On est tous là parce qu’on veut s’échapper de notre quotidien ou de ce qui nous emmerde, donc on va pas se rassembler et se morfondre ! On va faire une putain de grosse fête et s’éclater !
Demain, c’est votre tout premier concert à Paris. A quoi peut-on s’attendre ?
Johnny : On n’a pas fait de vrai concert depuis novembre, donc ça va être sympa et rouillé. On va faire pleins d’erreurs et ça va être très sympa. Ça va être brut, on va jouer une chanson qu’on n’a jamais jouée live devant un public pour la première fois à Paris. C’est juste une chanson de l’album, elle a été entendue mais jamais en live donc ça va être un peu éprouvant, mais marrant. On va commencer l’année à Paris ! Qui aurait pu penser que je dirais ça un jour “oui, commençons l’année à Paris !”. (rires) C’est putain de cool donc on va passer un super moment. C’est complet, donc ça va être bien !
Le public parisien est connu pour être assez cool et enthousiaste, donc espérons que vous allez apprécier !
Dernière question : notre site s’appelle “RockUrLife”, qu’est-ce qui rock ta life ?
Johnny : Les gens bien, la bonne nourriture, la bonne musique, ces trucs rockent ma life. Du bon art, la mode, les animaux. J’ai un nouveau chiot, il s’appelle John Lennon.
Ah oui ? L’a-tu emmené en tournée ?
Johnny : Non, je n’ai pas pu.
OK dommage. Merci de nous avoir parlé et amusez-vous bien demain soir !
Site web : highlysuspect.net