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KILLSWITCH ENGAGE (10/01/25)

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Avec plus de deux décennies de carrière, Killswitch Engage continue d’électriser la scène metalcore. Alors que le groupe célèbre la sortie de son nouvel album, This Consequence, véritable concentré de puissance et d’émotion, nous avons eu le privilège d’échanger avec son chanteur, Jesse Leach, pour évoquer cette étape cruciale et la vision de l’avenir.

Avant de parler du nouvel album This Consequence, pouvons-nous prendre un moment pour discuter de ce que vous avez fait pour commémorer votre 25ème anniversaire avec cette édition collector spéciale ? Qu’est-ce que ça fait d’avoir votre carrière encapsulée de cette manière ? Quelles sont vos pensées sur les objets sélectionnés et leur importance pour l’héritage du groupe ?

Jesse Leach (chant) : Avant tout, il y a un immense sentiment de gratitude. C’est incroyable, vraiment, que nous puissions faire cela. J’ai la chance de faire partie de cet héritage, même si j’ai été dans et en dehors du groupe à plusieurs reprises. Regarder l’ensemble du tableau et voir la détermination de ces quatre gars avec qui je partage la scène, c’est inspirant. C’est génial et beau. La raison pour laquelle nous continuons, ce n’est pas seulement le groupe, ce sont aussi les fans.

La communauté de personnes qui nous entoure, nous soutient et nous donne un sens à tout cela, c’est tout.
Je le vois régulièrement quand je parle avec nos fans ou que j’interagis avec eux en ligne. C’est une bénédiction. C’est vraiment difficile de mettre des mots sur combien je leur suis reconnaissant.
Et puis c’est excitant aussi. J’ai encore la chance de faire ça à mon âge. J’ai commencé la vie d’artiste à 14 ans. J’en ai maintenant 46, et c’est dingue de penser qu’on peut encore faire ça en vieillissant. Une bande de vieux gars qui tiennent encore la route.

25 ans, c’est déjà une longue carrière. Mais on dirait que c’est vraiment votre moment de briller, surtout maintenant que de nombreux groupes plus anciens et iconiques se retirent progressivement. C’est une période où les groupes de metalcore semblent prendre la relève, prêts à dominer les grands festivals et à porter le flambeau pour la prochaine génération. Ressentez-vous une certaine pression dans votre approche créative et vos performances pour cet album en particulier ?

Jesse : Je pense que la seule pression que l’on ressent, c’est celle qu’on s’impose à nous-mêmes. La pression extérieure est là, bien sûr, mais on fait attention à protéger notre énergie en tant qu’unité. On a beaucoup de discussions internes sur le fait de créer de la musique qui nous fait ressentir quelque chose, parce que tu ne peux pas présenter quelque chose aux autres si ça ne te touche pas toi-même.

On est plutôt bons, en tant que groupe, pour nous assurer que nous sommes tous satisfaits et que ça passe nos standards de qualité. Je sais que j’ai écrit un bon morceau quand j’ai des larmes aux yeux, que les poils sur mes bras se dressent ou que je ressens une énergie particulière. Heureusement, chaque morceau de cet album provoque cela, d’une manière ou d’une autre, chez l’un de nous. Et on en discute intensément quand les morceaux sont terminés : pourquoi ça marche, pourquoi ça ne marche pas, quels morceaux vont figurer sur l’album et lesquels n’y seront pas.

Donc, la pression vient d’abord de nous. Une fois que le morceau est sorti, bien sûr, on veut que les gens l’aiment, qu’ils le comprennent et s’y identifient. Mais une fois que c’est là, ce n’est plus vraiment à nous. Ça devient à vous. Donc, en ce qui concerne la pression, la pression extérieure n’affecte pas vraiment ce qu’on fait.

Vous venez de sortir un single qui ressemble déjà à un classique instantané de Killswitch, “Forever Aligned”. Mais sur le plan des paroles, on dirait que vous explorez des thèmes comme la connexion et l’amour au-delà de l’expérience humaine. C’est très intéressant. Comment avez-vous abordé ce sujet et comment cela vient-il en vous pour exprimer ce genre de sentiments ?

Jesse : Je pense que cela vient avant tout de l’amour humain, notamment de celui que j’ai découvert avec ma femme. Elle m’a offert un amour que je n’avais jamais connu, un amour qui m’invite à devenir une meilleure version de moi-même. Elle me regarde et me dit : “Je t’aime, tu es génial, mais je sais que tu peux faire encore mieux.” C’est aussi ce que je ressens avec mon groupe, en tant qu’artiste : un véritable amour, celui qui ne se contente pas de ce qui est acquis, mais qui continue d’évoluer. Cette expérience me pousse à m’interroger : d’où vient l’amour ? C’est une force si puissante, presque divine. Pour moi, c’est ce que je crois être Dieu : une énergie grandiose qui traverse l’univers, quelque chose de pur, précieux, magnifique. L’amour humain, bien sûr, est imparfait, mêlé à nos faiblesses. Mais quand on s’appuie sur lui, cela crée de la compassion, de la générosité, tout ce dont le monde a besoin. La contemplation de l’amour, qu’il s’agisse de son absence ou de son abondance, est quelque chose qui m’habite et que je veux toujours mettre en avant dans ma musique.


Tout au long de vos morceaux, vous parlez beaucoup des causes et des conséquences, comme la rébellion contre le contrôle. Comment ces messages résonnent-ils avec votre public et au sein du groupe ?

Jesse : J’aime le mot “rebelle” que tu as utilisé, car il évoque l’idée essentielle de questionner les choses. C’est crucial, surtout aujourd’hui, avec la désinformation omniprésente et ces agendas imposés via les réseaux sociaux pour nous diviser. Pendant la pandémie, cela m’a frappé de plein fouet. J’ai dû m’en éloigner tant cela me rendait malade et en colère. En écrivant cet album, je me suis demandé : pourquoi cette division ? Pourquoi est-il si important pour ceux qui détiennent le pouvoir de nous maintenir sous contrôle, en amplifiant nos différences ? Parce qu’ils savent que si nous réalisons nos points communs, nous sommes immensément puissants. Nos similitudes dépassent nos différences, mais ces dernières sont instrumentalisées pour nous détourner de l’essentiel.

Mon message principal, c’est : pensez par vous-mêmes. Ne vous laissez pas endoctriner, quelle que soit l’idéologie. Posez-vous des questions : “Pourquoi je ressens ça ? Pourquoi d’autres pensent différemment ?” Allez à la rencontre des autres, même si leurs idées vous dérangent, et discutez. Ces échanges permettent de mieux comprendre et de réduire les conflits. Je crois qu’en remettant en question le statu quo et en cultivant compassion et gentillesse, on peut amorcer de grands changements. De petits actes peuvent avoir un effet domino. Et jusqu’à mon dernier souffle, je défendrai cette idée : refusez de croire aveuglément, réfléchissez par vous-mêmes, et cherchez à mieux comprendre les autres.

Aujourd’hui, on a l’impression que tout le monde veut s’exprimer sur les réseaux sociaux, mais il n’y a pas d’écoute de l’autre. C’est difficile de prendre du recul pour réfléchir quand on est constamment occupé à promouvoir ses idées. Qu’en penses-tu ?

Jesse : C’est un problème majeur aujourd’hui. On manque tous d’écoute. Et même dans nos relations personnelles, on voit ce que l’absence d’écoute peut provoquer : quand tu ne valides pas les sentiments de quelqu’un, tu le rends invisible. Imagine une société entière où les gens ne se sentent pas entendus. La douleur et la souffrance que cela engendre, c’est comme une maladie. On vit une époque très malade, où les gens ne se sentent ni vus ni entendus. Si on prenait plus de temps pour s’écouter avec compassion, on pourrait éviter des guerres. Ça peut sembler naïf, mais c’est une vérité. Écouter et comprendre l’autre, c’est essentiel. Cela m’émeut profondément, mais ça me donne aussi un but. À travers mes paroles, je fais de mon mieux pour transmettre cette énergie. Je sais que je ne suis “qu’un chanteur dans un groupe“, mais au moins, j’essaie.

En écoutant votre nouvel album, le morceau qui nous a marqué et est resté en tête est “BRKN Glass”. C’est un titre différent, avec un rythme unique et un travail vocal très intéressant. Qu’en penses-tu ?

Jesse : Oui, je trouve aussi qu’il se distingue. C’est le premier morceau que j’ai maquetté pour cet album. Justin, notre batteur, l’a écrit, et quand je l’ai écouté, j’ai tout de suite trouvé qu’il avait besoin de quelque chose de différent. Quand je l’ai maquetté, on a tous senti que c’était enfin la bonne direction, après plusieurs tentatives ratées pour lancer cet album. En studio, Adam et moi avons travaillé les harmonies pour qu’elles sonnent dissonantes et étranges. Côté paroles, le morceau adopte le point de vue d’une personne abusée qui s’adresse à son agresseur. C’est volontairement vague pour que chacun puisse y projeter son histoire. À la fin du morceau, la phrase “Now I watch you collapse, but you don’t know why” (Maintenant, je te regarde t’effondrer, mais tu ne sais pas pourquoi) résume cette idée de revanche.

Ce morceau est sombre, oppressant, anxiogène. Mais pour moi, il est aussi un moyen d’ouvrir un dialogue sur les abus, qui sont bien trop fréquents dans les relations. Beaucoup de gens vivent avec des agresseurs sans moyen de s’échapper. C’est un sujet qu’on aborde trop peu, mais que je veux continuer à défendre, notamment en collaborant avec des organisations contre la violence domestique. L’idée de “verre brisé” évoque une pièce détruite, des éclats partout, quelqu’un qui pleure dans un coin. Ce genre de scène arrive bien trop souvent dans les foyers, et personne n’en parle. C’est important de mettre en lumière ces réalités.

Tu voudrais faire un clip vidéo pour ce morceau et mettre en avant ce sujet ?

Jesse : Oui, j’aimerais. Malheureusement, cette chanson n’a pas été retenue pour un clip vidéo. Mais au moins, elle permet d’ouvrir la conversation quand on me pose des questions à son sujet. C’est quelque chose que j’ai déjà abordé auparavant avec une chanson intitulée “Quiet Distress” sur un autre album. C’est un problème terrible que beaucoup de gens traversent sans jamais en parler, et c’est important de continuer à le mettre en lumière.


Adam a mentionné qu’il t’aide à affiner tes paroles. Vous semblez avoir eu une relation intense durant l’écriture de cet album. Peux-tu nous en parler ?

Jesse : Oui, la réécriture et la frustration venaient aussi du fait que je devais travailler avec tout le groupe cette fois. C’était la première fois depuis longtemps que les cinq membres collaboraient pleinement. Au départ, je faisais une démo, je l’envoyais à Adam, on la travaillait ensemble, puis on la présentait au groupe. Si ça leur plaisait, parfait. Sinon, on ajustait quelques éléments. Mais pour cet album, je devais envoyer mes démos à tous les membres, donc j’avais quatre opinions différentes à prendre en compte. Cela a rendu les choses bien plus difficiles et m’a poussé à douter de moi-même comme parolier. Il y a eu un moment où je me suis demandé : “Suis-je encore capable de faire ça ?” C’était difficile. Mais ça m’a aussi poussé à aller plus en profondeur, à regarder au-delà de ma propre expérience pour écrire sur les histoires des autres : des fans ou des gens autour de moi.

Cela m’a aussi obligé à réinventer mon vocabulaire. Les gars n’hésitent pas à me dire : “Tu as trop utilisé ce mot dans d’autres chansons. Trouve autre chose.” On plaisante en disant qu’ils sont les “policiers des paroles“. Par exemple, cette fois, on s’est interdit le thème du feu. Pas de feu dans cet album ! Ça m’a forcé à ouvrir un dictionnaire de synonymes et à chercher des mots différents, pas seulement pour leur sens, mais aussi pour leur sonorité. Je faisais des listes de mots, je les prononçais, et j’écoutais comment ils sonnaient. C’était intense, mais avec le recul, ça m’a donné de nouveaux outils. Ça m’a appris que je pouvais me diversifier et m’améliorer comme parolier.

En revenant à ta question sur Adam, il a un talent unique pour voir l’ensemble en tant que producteur. Quand je viens avec cinq pages de notes désordonnées, il s’assied, lit, et dit : “Cette ligne est géniale. Qu’est-ce que tu veux dire ici ?” Il trie, associe les idées, et en 15 minutes, on a une chanson. C’est impressionnant, car il peut transformer mon chaos en quelque chose de cohérent. Parfois, je viens avec une idée presque finie, et il dit : “C’est excellent, mais ici, essaie ça à la place.” Et neuf fois sur dix, il a raison. C’est pour ça qu’il est brillant. Il ne t’efface pas en tant qu’artiste, mais il te guide pour que tu puisses donner le meilleur de toi-même.

Quel a été le morceau le plus difficile à écrire ?

Jesse : Probablement “Forever Aligned”. Cette chanson a demandé plusieurs versions avant qu’on trouve les bonnes paroles et les bonnes lignes vocales. Le début est très intense, et certaines de mes idées initiales ne fonctionnaient pas. Finalement, on a décidé de suivre le rythme, ce qui était compliqué. Je crois qu’il y a eu trois ou quatre versions avant celle de l’album. En revanche, “Aftermath” a été écrite en une demi-heure. Justin a envoyé la démo, je l’ai retournée aussitôt, et tout le monde a dit : “C’est bon, c’est fini.” C’est parfois comme ça avec l’inspiration : un éclair qui frappe, et tout s’assemble. D’autres fois, il faut creuser, trier, et travailler dur. Mais le sentiment que tu as quand tu finis une chanson difficile, ça en vaut la peine. Pour “Forever Aligned”, c’est probablement la troisième ou quatrième version qui a finalement été retenue.

Vos titres, comme “Discordant Nation”, “The Aftermath” ou “Abandon Us”, sont toujours percutants. Comment trouves-tu ces idées marquantes ?

Jesse : Merci. Trouver des titres à la fois profonds et simples, ce n’est pas facile. J’ai fait la plupart des titres, mais Mike, qui s’occupe des pochettes, m’a parfois aidé. Il disait : “Celui-là est bon, mais celui-ci ne marche pas. Garde-le simple et captivant.” J’adore “Discordant Nation”. C’est un jeu de mots. Tu peux le comprendre comme “nation discordante“, mais si tu le dis rapidement, ça sonne comme “discordant nation” (une nation désordonnée). J’ai trouvé ça génial. Ça correspond parfaitement au chaos d’une société contrôlée, où les pouvoirs divisent pour régner. Le mot est parfait pour cette idée.

Dernière question : notre média s’appelle RockUrLife, donc qu’est-ce qui rock ta life, Jesse ?

Jesse : L’amour. L’amour, c’est tout. C’est ce qui relie toutes les belles choses de la vie. Et quand tu n’es pas heureux, c’est souvent à cause d’un manque d’amour. Donc oui, l’amour, c’est tout.

© Travis Shinn


Site web : killswitchengage.com

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Marion Dupont
Engagée dans la lutte contre le changement climatique le jour, passionnée de Rock et de Metal le soir !