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L.S. DUNES (02/01/25)


Avec un line up composé de musiciens issus de groupes bien connus comme My Chemical Romance, Coheed And Cambria ou encore Thursday, L.S. Dunes s’est rapidement imposé comme un projet à part, alliant énergie post hardcore et expérimentations mélodiques. Après un premier album acclamé, le groupe est de retour avec Violet, un disque intense et nuancé, porté par des compositions plus organiques et une approche plus libre. Son passage à l’Olympia en première partie de Rise Against, a été l’occasion d’échanger avec Tim Payne et Frank Iero sur la genèse de ce nouvel album, leur évolution en tant que groupe.

Votre nouvel album Violet est sorti il y a seulement deux jours, c’est donc tout frais. Comment vous sentez-vous ?

Tim Payne (basse) : Bien, bien. C’est excitant. Tu sais, l’album était terminé depuis tellement longtemps qu’on s’était tous dit : “Il ne sortira jamais.” Personne ne l’entendra jamais. Mais maintenant, il est sorti. Donc, c’est vraiment excitant de ne plus avoir à garder ça secret.

C’était une évidence pour vous de retourner en studio et de travailler sur un nouvel album ? Ou après le premier, vous avez pris le temps d’y réfléchir ?

Frank Iero (guitare) : On a écrit en continu entre le premier album et celui-ci. Donc, on a travaillé vers cet objectif pendant très longtemps. Mais on voulait vraiment être dans la même pièce pour le faire ensemble, pour ce deuxième album.

Tim : Oui, c’était une approche très différente. Quand on tournait avec Past Lives, et même quand on l’écrivait, on savait déjà qu’on allait faire un autre album. C’était juste une question de savoir ce qu’on avait aimé dans le processus la première fois. Parce qu’une grande partie de ce processus a été dictée par la nécessité : on travaillait à distance, on n’était pas près les uns des autres, il y avait le COVID… Il y a eu beaucoup d’obstacles. Donc, pour cet album, on avait beaucoup plus de liberté pour dire : “OK, on va le faire de cette façon.” On voulait s’assurer qu’on écrirait à distance si nécessaire, mais aussi qu’on se retrouverait dans une pièce ensemble à un moment donné. On ne voulait pas enregistrer les morceaux tant qu’on ne les avait pas joués ensemble auparavant. Une approche différente, collectivement. Ça peut sembler être des exigences simples, mais en réalité, c’est ça le défi.

Frank : Oui, exactement. Mais dans notre groupe, c’est compliqué parce que tout le monde a des emplois du temps fous, d’autres engagements et d’autres obligations. C’est vraiment difficile de réussir à bloquer du temps pour nous tous. En même temps, c’était un peu plus accessible cette fois, parce qu’on avait déjà sorti un album, et les gens voulaient entendre un deuxième disque de nous, si on en avait un en nous.
Et on savait qu’on en avait un en nous. Le label nous soutenait, et tout ça. C’était génial d’avoir cette opportunité et, encore une fois, de travailler avec William.


Et quand vous êtes ensemble, c’est là que la magie opère. Un mot que l’on retrouve dans le morceau qui ouvre l’album. Avec une intro qui a seulement la voix d’Anthony, c’est une belle manière d’entrer dans cet album et c’est aussi une belle manière de mettre en avant Anthony, parce qu’il est arrivé assez tard dans le processus créatif du premier album. Là, c’est comme si vous disiez : “OK, maintenant, il est là, et il prend toute sa place.

Frank : Je pense aussi, mais je crois que c’était aussi une manière d’introduire les instruments, puis de les retirer, et ensuite de tout retourner dans la section B, ou ce passage solo, ou ce qu’on peut appeler ce pont.
C’était un choix délibéré pour déconstruire toute idée préconçue de ce que ce deuxième album allait être, ou de ce que les gens pensaient du groupe.

Tim : Et je pense aussi – je ne sais pas comment c’était pour toi – mais avec Thursday, on réfléchissait toujours au premier morceau en se demandant : “Quel est le titre le plus lourd ? Comment frapper fort dès la première chanson ?” Là, choisir cette ouverture donne tout de suite le ton et nous permet ensuite de faire absolument tout ce qu’on veut. Ça reste cohérent, mais en même temps, ce morceau a une dynamique qui reflète tout l’album. C’est comme un microcosme de l’ensemble du disque.

Avec le deuxième titre vous nous emmenez complètement ailleurs. La section rythmique sur ce titre est juste incroyable. La batterie, la basse… cette énergie sans faille tout au long du morceau classique…Comment avez-vous travaillé ça ?

Tim : D’un point de vue rythmique, Tucker et moi jouons ensemble depuis 25 ans. Je sais exactement ce qu’il va jouer, et lui sait ce que je vais jouer. On fonctionne presque comme un seul et même instrument.

Frank : Honnêtement, c’est l’un des trucs les plus funs dans ce groupe : voir cette section rythmique en action. Je la mettrais au défi contre n’importe qui. N’importe qui. Tu peux parier ta maison.
Tu crois que tu peux rivaliser ? Non. C’est la section rythmique la plus solide et la plus puissante qui soit.
Ils fonctionnent comme une putain d’équipe. C’est dingue. Ça marche tellement bien. C’est tellement facile de jouer autour de ça, de s’amuser avec. C’est un vrai spectacle à voir. Vraiment. Tu vois, c’est un de ces trucs, mais encore une fois, ce n’est pas nouveau pour moi. J’ai vu Thursday faire ça pendant des années. Je les voyais jouer au Wayne Firehouse et je me disais : “Oh putain, comment ils arrivent à jouer comme ça ?” Et je crois que c’est l’un des trucs les plus incroyables. Tucker, en tant que batteur, non seulement son rythme est impeccable, mais il compose aussi des hooks à la batterie. Et ça, c’est super rare. Je ne vois pas ça souvent chez beaucoup de batteurs. Il me facilite tellement la tâche que je me dis juste : “Bon, je vais faire ça.

C’est beau de voir cet admiration entre vous

Frank : Tim Payne, en tant que bassiste, personne n’a un son comme lui, personne n’a son groove. C’est complètement dingue. Et en plus, Tim a un vrai boulot à côté. Je ne sais pas si tu le savais, mais franchement, je ne comprends pas. C’est la première question que je lui ai posée : “Attends, tu fais autre chose AUSSI BIEN que ça ? Comment c’est possible ?” Je n’ai jamais rencontré un bassiste comme lui. C’est fou. Ce n’est pas quelque chose que je prends à la légère. Beaucoup de bassistes sont des guitaristes ratés. Oh ouais. Je ne dis pas ça méchamment, mais c’est vrai. Tu sais, c’est souvent : “On a quatre guitaristes, les gars, et l’un d’entre vous va devoir jouer de la basse.

La vérité brute

Frank : Trouver un vrai bassiste, c’est comme voir un putain de rhinocéros blanc. C’est quelqu’un qui prend son instrument au sérieux, qui est vraiment excellent dans ce qu’il fait. Et c’est ultra rare. Donc, voir ces deux-là jouer ensemble, c’est ce qui m’a toujours fait dire : “Oh mon Dieu, Thursday, c’est l’un des meilleurs groupes live de tous les temps.” J’ai toujours eu cette impression : peu importe le concert, c’étaient eux les meilleurs sur scène. Et ça, c’est grâce à cette section rythmique. Alors avoir l’opportunité de jouer dans un groupe avec eux, c’est incroyable. Je veux dire, je n’ai pas juste gratté ma guitare au hasard, tu vois.
Il faut une section rythmique solide et une voix au-dessus. Tout ce qu’il y a entre les deux, c’est juste le glaçage sur le gâteau. Mais la vraie force d’une chanson, c’est cette base rythmique et le chant qui la porte.

On sent qu’il y a un lien très fort entre vous en tant que groupe. Sur des morceaux comme “Violet” ou “Forgiveness” on sent l’intensité et toutes les couches que vous construisez, ça ne peut venir que d’un endroit où tout le monde est sur la même longueur d’onde.

Tim : Je pense qu’on avait déjà cette mentalité pour Past Lives, mais les circonstances étaient compliquées.
Anthony est arrivé après qu’on ait écrit plusieurs morceaux, donc il devait juste ajouter sa voix par-dessus.
Je ne sais même pas comment il a fait ça. C’est dingue. Mais pour cet album, encore plus que le précédent, on l’a écrit en sachant qu’on pouvait lever le pied. On pouvait se dire : “Je peux en faire moins“, parce qu’on savait que les cinq allaient l’aborder avec la même philosophie . Ce qui compte, c’est ce qui est le mieux pour la chanson. Et je pense qu’on a fait preuve de beaucoup plus de retenue sur pas mal de morceaux par rapport à avant, et au final, ça les rend encore plus puissants. Ça laisse plus de place dans le mix pour que Will fasse ressortir certains éléments et que les mélodies d’Anthony trouvent leur place. Donc collectivement, prendre du recul et se dire : “Je peux en faire moins et ce sera meilleur“, c’était une grande avancée pour nous.

Frank : C’est plus difficile de se retenir et de simplement suggérer une mélodie, tu vois, plutôt que de tout jouer. C’est plus facile de juste jouer à fond et d’en mettre partout. Mais arriver à suggérer une mélodie tout en la laissant exister, c’est un exercice compliqué. Je pense qu’en vieillissant, tu réalises de plus en plus que parfois, le meilleur choix, c’est soit de se mettre en retrait, soit de murmurer plutôt que de crier.

Le travail sur les voix est impressionnant. On sent que c’est un peu plus positif, il y a une sorte de lumière qui émane du chant. Quelque chose de très sensible, on frôle parfois le désespoir, mais il y a toujours une forme de résolution.

Tim : Oui il y a une belle forme de résolution. Je pense que Past Lives était un album très cathartique.
Musicalement, mais surtout au niveau des paroles, c’était comme une libération. C’était un déversement total. Une fois que tu fais ça, que tu mets tout sur la table, je pense que… je ne veux pas parler à la place d’Anthony, mais collectivement, c’était un peu : “OK, maintenant, on fait quoi après ça ?

Frank : Exactement.

Tim : On s’est tout sorti du système. Maintenant, où allons-nous ? Où voulons-nous être ? Tu vois ce que je veux dire ? Il y a beaucoup plus d’espoir dans l’état d’esprit où on est aujourd’hui. Et je pense qu’être capable de chanter ces chansons, de répéter ces histoires et ces paroles chaque soir sur scène… certaines chansons de Past Lives étaient vraiment dures à interpréter tous les soirs pour Anthony, tout en restant bien mentalement. Donc c’est agréable de le voir dans un état d’esprit plus positif, de le voir exprimer ça et que les gens puissent s’y accrocher.


On aime aussi la manière dont vous incorporez du groove et des sonorités indie rock. Sur “Holograms” vous arrivez à capter l’oreille avec seulement deux notes. Sur “Paper Tigers” il y a un vrai côté Pixies. Etait-ce intentionnel ?

Tim : Je pense qu’on a beaucoup d’influences indie rock, des trucs du début des années 90. On n’a jamais voulu être dans la copie, mais parfois, il y a un côté hommage à ce qui nous a donné envie de faire ça à la base. Et je pense que si tu te lances en te disant : “On va écrire une chanson à la Pixies“, ou “On va faire un morceau indie rock“, ça ne fonctionne pas. On ne s’est jamais assis en se disant : “Allez, écrivons une chanson qui sonne comme ça.” Mais quand un morceau prend cette direction, on ne va pas s’arrêter en se disant : “Oh, ça ressemble trop à ça, il faut tout arrêter.” Tu prends l’influence, l’inspiration, et tu la fais tienne. Et c’est ça que j’aime dans ce groupe : peu importe ce qui est amené sur la table, une fois que ça passe à travers nous, ça devient notre son. Ça ne ressemble peut-être pas à nos autres morceaux, mais ça sonne comme nous. Et c’est tout ce qu’on peut espérer.

Frank : Ça donne une ambiance cool à l’album aussi. Il y a un côté très ouvert, presque… posé. J’utilise le mot “paresseux” dans le bon sens du terme, tu vois ? Il y a cette sensation un peu relâchée, parce qu’on est légèrement derrière le tempo. Et oui, dès que tu as une répétition de deux notes qui traînent, ça donne ce ressenti…

Et comment tout ça se transpose en live ? Parce que c’est très complexe.

Frank : Ouais, tu sais, je suis un grand partisan du fait de laisser la musique nous traverser.
Je n’aime pas m’asseoir en me disant : “Aujourd’hui, je vais écrire une chanson qui sonne comme ça.”
Je préfère juste m’asseoir avec une guitare et voir ce qui sort. C’est ça la musique sur laquelle on bosse.
Que ce soit un morceau joyeux, posé, agressif ou autre… L’univers te dit où tu dois être et ce que tu dois faire, si tu sais l’écouter. Tu peux aller contre ça, et ça peut marcher pour certaines personnes, mais moi, je pense que les signaux sont là, il suffit de les capter et de les suivre. Donc, ces morceaux sont juste sortis de nous, et je crois que c’était la meilleure chose qui pouvait arriver. Ça nous a permis d’écrire l’album qu’on devait faire. Et oui, selon qu’on était d’humeur agressive, optimiste ou un peu léthargique ce jour-là, c’est ce qui s’est reflété dans les morceaux.

Et Will a su capturer tout ça avec une grande maîtrise. Quand je réécoute l’album, je me dis que c’est le meilleur album qu’on pouvait faire, sans aucun doute. Et je ne m’en suis toujours pas lassé, ce qui est rare après avoir gardé un disque en attente presque un an. Ces morceaux sonnent toujours frais et tournés vers l’avenir. Ils représentent vraiment qui nous sommes en tant que musiciens et en tant que groupe. Et l’enregistrement… Je ne sais pas, il me fait ressentir des choses. À chaque écoute, je ressens quelque chose de différent, et c’est ce que j’aime avec cet album.

Tim : Et maintenant, il est enfin sorti. On jouait déjà certains morceaux depuis quelques mois, mais maintenant qu’ils sont sur l’album, ils prennent une nouvelle vie. Jouer ces titres en live et chercher comment les faire sonner sur scène, c’est un défi. C’est une approche différente sur des morceaux comme “Paper Tigers”, par exemple. Ce qui compte, c’est la musique, la chanson en elle-même, pas ce qu’on est en train de faire sur scène. Il faut laisser chaque chose respirer. Et ça, c’est un vrai changement de mentalité, surtout quand on vient de groupes où tout est basé sur l’énergie brute, le chaos, l’adrénaline du live. Avec ce genre de morceau, c’est différent. Tu dois juste jouer et laisser la chanson respirer.

Et en ce moment, vous êtes en tournée avec Rise Against, est-ce que ce n’est pas un peu frustrant de pas pouvoir présenter ce nouvel album en tant que tête d’affiche ?

Tim : Honnêtement, je pense que dès que tu sors de la nouvelle musique, tu veux jouer tous les morceaux. Tu veux faire tes propres concerts. C’est naturel, c’est cette envie qui te pousse à le faire. Donc oui, on est un peu limités en termes de setlist, on ne peut pas jouer autant de titres qu’on voudrait. Il faut équilibrer entre des morceaux de Past Lives et ceux du nouvel album. Mais en même temps, on a fait cette tournée aux États-Unis avec Rise Against, et maintenant on est en Europe avec eux. Et le public qui vient à ces concerts semble vraiment ouvert musicalement. On a fait des tournées où tu vois que les gens ne sont pas là pour la musique en général. Ils sont juste là pour socialiser, voir la tête d’affiche, acheter un t-shirt, mais ils n’en ont rien à faire des groupes en première partie.

Là, c’est différent. Leur public est incroyablement accueillant. Quand on monte sur scène, il y a une vraie énergie. Et que ce soit notre concert ou non, ces 40 minutes, cette heure et demie sur scène, c’est notre moment. On monte là-haut, on fait ce qu’on sait faire, et voilà. Peu importe si c’est un festival, s’il y a dix personnes ou dix mille, on se donne à fond de la même manière. On espère juste que vous apprécierez.

Frank : Et avoir l’opportunité de jouer devant quelques milliers de personnes la semaine de la sortie d’un album, devant un public qui est là pour voir des groupes et écouter de la musique, c’est une chance énorme.
C’est incroyable de pouvoir faire ça. Je pense que quand tu as un nouveau groupe ou un nouvel album, bien sûr, tu peux prêcher les convaincus, et c’est super. Mais ce que tu veux vraiment, c’est le faire découvrir à des gens qui ne te connaissent pas encore. Tu veux élargir ton public et faire écouter ta musique au plus grand nombre possible. Donc franchement, ça ne pouvait pas être une meilleure opportunité pour nous.

Notre média s’appelle RockUrLife donc : qu’est-ce qui rock votre life ?

Tim : Mon Dieu, mes enfants.

Frank : Pour moi, c’est mes enfants, ma famille. Ce sont les personnes les plus incroyables que j’ai rencontrées dans ma vie.

Tim : Ouais, je vais dire la même chose. Tout le monde dans le groupe a des enfants. C’est difficile de faire ce métier et d’être loin d’eux. Mais avoir ce lien, ces attaches, ça me garde les pieds sur terre. Ça me permet de garder une certaine perspective sur la vie. Et au final, ma famille, c’est la meilleure chose au monde, la plus importante.


Site web : lsdunes.com

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Marion Dupont
Engagée dans la lutte contre le changement climatique le jour, passionnée de Rock et de Metal le soir !