A l’occasion de la sortie de “Simulation Theory”, les Anglais de Muse étaient de passage dans leur deuxième maison en France. L’occasion pour RockUrLife de passer un peu de temps avec Chris, bassiste du légendaire trio originaire du Devon, histoire d’évoquer en profondeur d’où vient ce nouvel album tant attendu !
Salut Chris ! Bon retour à Paris. Vous avez sorti deux singles avant même d’annoncer votre nouvel album. Pourquoi prendre autant de temps avant d’annoncer la sortie ?
Chris Wolstenholme (basse) : Après avoir fait “Drones”, nous avons décidé d’enregistrer différemment de ce que nous avions l’habitude de faire. Nous ne voulions pas aller en studio et refaire un album de manière traditionnelle. La tournée pour “Drones” était plutôt longue et nous étions fatigués. Nous avions tous envie de faire un petit break mais sans pour autant disparaitre totalement. Donc nous avons décidé que nous allions faire deux années en faisant de petites tournées ce qui nous a donné le temps d’aller en studio de temps à autre pour travailler sur de petites choses. Je pense que nous avons surtout décidé de désormais mettre l’accent sur les chansons plus que sur un album dans son tout, parce qu’on s’est rendu compte que les gens écoutaient plus des chansons que des albums désormais. Il semble que les gens n’ont plus le temps d’écouter des albums dans leur intégralité. Tout ce que tu enregistres semble devoir obligatoirement tourner autour d’un album. Nous nous sommes demandés si c’était nécessaire. Pourquoi ne pas sortir une chanson un an avant que l’album ne sorte ? Je suis sûr que les gens seraient ravis d’entendre une chanson un an avant que l’album ne sorte. Je pense que quand nous avons commencé à travailler sur les deux premières chansons, “Dig Down” et “Something Human”, ne nous savions pas encore que cela déboucherait sur un album. Nous avions simplement envie de travailler sur des chansons et si nous les apprécions, on les sort et voilà. Et nous nous disions que nous ferions peut-être un album d’ici quelques années.
On a le sentiment que vous avez changé votre manière de travailler en fonction de la manière dont les gens écoutent de la musique aujourd’hui.
Chris : Nous avons remarqué une chose avec “Drones”. Lorsque l’album est sorti, nous avons remarqué que désormais, les gens qui écoutent de la musique selon des habitudes répétitives. Pendant quinze ans, les gens ont continué à acheter des CD, ou à acheter de la musique sur iTunes ou même à télécharger de la musique illégalement. Quand “Drones” est sorti, on a remarqué que les gens écoutent de la musique sur Spotify. La plupart des gens utilisent le streaming en fait. L’effet que cette nouvelle habitude a eu est que lorsque nous avons débuté la tournée pour “Drones”, nous jouions “Psycho”, qui était le premier single, et les gens connaissaient la chanson et l’ambiance était folle. Puis, nous jouions “Reapers”, qui n’était pas un single. Et d’un coup nous avions le sentiment que les gens n’avaient jamais écouté cette chanson. Et on a remarqué la même chose sur toutes les chansons qui n’étaient pas des singles. Et c’est comme ça que Spotify fonctionne. Tu tapes le nom du groupe, puis tu as les top chansons du groupe et les gens n’écoutent que ça. Donc nous avons fini par modifier la setlist pour la transformer en une sorte de setlist best of. Nous n’étions pas ravis de cette décision car nous étions vraiment fiers de cet album et que nous nous disions que quelques années auparavant les gens auraient voulu entendre ces chansons en live. Donc nous en avons conclu que, peut-être, les gens apprécieraient plus les chansons si nous les sortions individuellement, plutôt qu’un single puis toutes les autres dans un album. Ne pas nécessairement les appeler des singles d’ailleurs, juste des chansons quoi. Mais oui, en effet, nous avons sorti la première chanson de cet album début 2017 et l’album est sorti fin 2018. On s’est simplement dit que nous allions donner plus d’importance aux chansons.
C’est marrant parce que, vous avez travaillé sur cet album sans l’aborder comme un album traditionnel et pourtant, on y décèle une identité forte, presque comme un concept album.
Chris : Oui, je pense que nous avons des éléments qui encrent vraiment cet album dans un univers, tant d’un point de vue visuel que sonore. Quand nous avons commencé à travailler sur les chansons, elles sonnaient toutes comme si elles venaient d’univers différents. Tu peux l’entendre quand tu écoutes les versions alternatives des chansons disponibles sur l’édition deluxe de l’album. Par exemple, une chanson comme “Something Human” était très folk au départ. Nous avons ajouté des synthés et d’autres choses. Et finalement, en commençant à travailler sur la production de l’album, nous avons trouvé cette vibe 80’s qui a donné de la cohésion à l’ensemble. Autrement, ça aurait sonné comme une collection de chanson que nous avons réunie. Ce qui est drôle, et je pense que ça s’est tout de même fait un peu consciemment, c’est que tenter toutes ces expérimentations venues des 80’s nous a aidé à trouver une cohérence pour l’album. Nous avons cherché à travailler individuellement sur chaque titre afin de faire les meilleurs choix possibles pour chaque chanson. Ça nous a donné une variété de chanson ce qui est finalement très similaire à ce que nous pouvions trouver dans les années 80. Pas seulement dans la musique d’ailleurs. Tu regardes les films, tu y trouves des éléments très rétro et d’autres extrêmement futuristes. C’était une fusion de diverses choses. Tout comme dans la musique. J’ai grandi dans les années 90 notamment et les années 80 étaient tellement ringardes à l’époque. Mais en regardant de plus loin maintenant, les années 80 ont permis soudainement l’utilisation des synthés, ou de ne pas avoir de batteur dans ton groupe mais une boite à rythme. Finalement c’était une époque vraiment moderne.
Justement, n’était-ce pas dur de trouver de la cohésion en travaillant avec différents producteurs ?
Chris : Je ne pense pas. Nous avions déjà travaillé avec plusieurs producteurs sur un même album, et ce dès nos premiers albums. Nous trouvons ça intéressant. Nous avons travaillé avec Rich Costey évidemment car il nous connait parfaitement, il maitrise parfaitement notre aspect le plus rock. Mais nous voulions explorer d’autres éléments et, plutôt que de tenter ces expérimentations nous-mêmes, nous avons choisis de travailler avec des gens vraiment qualifiés pour ça. Quelqu’un comme Mark Alexander était très intéressant car il a un background bien plus r’n’b et pop. D’ailleurs, quand nous avons travaillé sur “Dig Down” ensemble, c’était tellement différent de comment nous travaillons habituellement. Nous avons passé trois jours dans le studio de Matt. Il n’était pas vraiment intéressé par nous faire travailler comme un groupe traditionnel. On a passé du temps à faire des pistes MIDI, des claviers, à jouer des parties de ci et de là. Puis nous l’avons laissé seul au studio et nous sommes revenus le lendemain. Quand il a appuyé sur le bouton play, on a halluciné. C’était super intéressant car c’était son interprétation de notre chanson. Il y avait toujours nos parties, la chanson demeurait la même mais elle sonnait différemment. Je pense que les choix qu’il a fait en terme de son furent vraiment différents de ce qu’on aurait pu choisir. Parfois c’est une mauvaise chose, parfois c’est une bonne chose. Tu peux aller trop loin et sentir que quelqu’un te dérobe ta propre chanson. Mais là, la chanson était la même, c’est juste qu’elle ne sonnait pas pareil, le feeling était différent et c’est super cool.
Même les lyrics restent parfois sombres encore, l’album sonne bien plus joyeux que “Drones”. Est-ce que c’était quelque chose de recherché ?
Chris : Je pense oui ! Je ne crois pas que nous voulions que “Drones” soit aussi sombre. C’est le problème quand tu fais un album, puis que tu pars en tournée et tu ne l’écoutes plus. Moi je n’écoute pas mes albums quand je suis en tournée, même si une chanson passe à la radio, je l’éteins de suite ! Mais j’ai réécouté “Drones” il y a peu et je me suis dit : “merde, il est vraiment sombre cet album !”. Quand on passe d’un album à un autre, on veut partir vers quelque chose d’autre, essayer de nouvelles choses. Donc oui, ce nouvel album sonne bien plus enjoué. Il a un feeling bien plus positif.
Pour finir, notre site s’appelle “RockUrLife”, qu’est ce qui rock ta life ?
Chris : (rires) Beaucoup de choses rockent ma life ! Mes enfants rockent ma life, ma copine rock ma life. Ma famille rock ma life !
Site web : muse.mu