Groupe phare de la scène alt rock britannique, Nothing But Thieves multiplie les pépites soniques depuis sa création, à commencer par l’inimitable “Amsterdam””et le criminellement court “What Did You Think When You Made Me This Way?”. Rencontre quelques heures avant le concert au Bataclan.
Y a-t-il une question que vous attendez toujours que l’on vous pose ?
Conor Mason (chant) : Celle-ci !
Dom Craik (guitare) : “Pourquoi aimez-vous la musique ?” Personne ne nous a jamais posé cette question alors qu’elle est plutôt importante, non ?
Conor : Quand nous avons commencé, nous étions des musiciens avant tout. On avait fait du solfège et on jouait de nos instruments depuis des années. Je crois qu’on voulait être dans un groupe, mais il nous restait à apprendre à écrire. Avec l’expérience, ça a fini par faire partie de nous. Nos errances quotidiennes ont façonné notre créativité.
Dom : Il n’existe que peu de formes d’art avec lesquelles on peut exprimer toute notre créativité.
Conor : On est des artistes maintenant ! (rires)
Vous considérez-vous davantage comme des artistes que des musiciens ?
Joe Langridge-Brown (guitare) : Je pense. On ne fait pas que jouer des chansons. Ce que l’on dit et la manière dont on se présente au monde importe aussi. Certains groupes se pointent sur scène et sont du genre : “OK, je suis payé pour chanter cette chanson donc c’est ce que je vais faire” mais c’est différent pour nous.
Dom : Ce qu’une chanson dit – ou ce qu’on voulait qu’elle dise à l’origine – nous importe beaucoup. C’est pour ça qu’on tient à enregistrer en direct. On tient à nos chansons.
Faire de la musique semble être un besoin pour vous.
Dom : Je ne sais rien faire d’autre ! (rires)
Joe : C’est la seule chose que je comprends. Je ne comprends pas grand-chose à part la musique.
Cela doit rendre les critiques difficiles à supporter ?
Joe : Il ne vaut mieux pas prendre ce genre de choses trop à cœur, en premier lieu parce que ce n’est pas évident de décrire un morceau avec des mots. Essayer de décrire un art en en utilisant un autre n’a rien d’évident. Il vaut mieux en rire ! Vous ne pouvez pas prendre les critiques trop à cœur ou ça va commencer à affecter ce que vous pensez de votre art.
Conor : Si vous partez du principe qu’un critique connait tout de la musique, ça signifie qu’il sait exactement quelles sont vos influences et ce que vous avez essayé d’en faire. En réalité, il a probablement une préférence pour certaines choses, donc il ne peut pas être complètement objectif !
Joe : En général, les critiques pensent aussi à leur propre carrière. Ils pensent à la fois à la musique qu’ils écoutent et les articles qu’ils veulent écrire.
Dom : Je pense que l’on peut critiquer un concert. Mais critiquer une chanson c’est différent parce que l’on critique quelque chose de subjectif de manière objective.
Considérez-vous la musique comme un simple divertissement ou pensez-vous que vous avez le devoir de communiquer un message ?
Joe : Je ne définirai pas ça comme un devoir. Parfois vous pensez qu’à vous marrer.
Conor : Faire de la musique est extrêmement personnel. On ne fait pas ça pour qui que ce soit d’autre que soi-même. Si ce que vous faites parle aux gens, c’est un bonus. Ce n’était pas le but.
Dom : C’est toujours super de voir nos fans se reconnaître dans certains aspects de nos chansons, même si on ne l’avait pas prévu. Une fois qu’une chanson est sortie, elle appartient au public. Ils peuvent en faire ce qu’ils veulent. Ça nous touche que les gens puissent se reconnaître dans nos chansons de manières différentes. C’est vraiment super !
Conor : Il n’y a rien de mieux que d’écrire pour soi tout en gardant à l’esprit que les autres nous écoutent. C’est ce que font nos artistes favoris. Si vous faites de la musique avec un public en tête, vous êtes condamné à vous égarer. Pas mal de groupes que l’on admirait se sont perdus parce qu’ils ont oublié d’écrire à propos de leur amour pour la musique.
Nothing But Thieves étant un groupe relativement jeune, est-ce difficile de vous distancer de vos influences pour trouver votre propre identité musicale ?
Joe : Je pense que ça vient avec le temps. Après qu’on ait sorti notre premier album, tous les critiques nous comparaient à Muse. Le plus de musique on a sorti, le plus nuancée notre identité musicale est devenue.
Dom : C’est un peu comme prendre de l’âge. Vous ne pouvez pas décrire la personnalité d’un bébé, parce qu’il n’en a pas encore. Le plus d’âge il prend, le plus de traits de caractère il développe. Je pense qu’il se passe la même chose avec les groupes de musique. Nos goûts évoluent et c’est assez excitant. On n’est pas du genre à s’accrocher à ce qu’on a sorti par le passé. On est OK avec le fait qu’on peut ne plus aimer certaines de nos chansons.
Pensez-vous qu’il y aura toujours de la place pour de nouvelles musiques ?
Conor : Bien sûr, les artistes sont en constant évolution. On est en perpétuel changement. On s’adapte.
Dom : Il faut toujours essayer de nouvelles choses ou la musique peut devenir ennuyeuse pour toi et pour ceux qui t’écoutent. Si tu as déjà fait quelque chose, pourquoi te répéter ? Il y a tellement de façons de faire de la musique. Ce serait stupide de ne pas explorer toutes les possibilités, même si cela signifie mélanger les genres. C’est un peu flippant, mais ça permet de rendre tout ça intéressant. Ça nous permet de rester motivés.
Aimeriez-vous un jour que l’on compare de jeunes groupes à Nothing But Thieves ?
Joe : Ça nous va tant qu’ils ne sonnent pas trop comme nous !
Quelle relation entretenez-vous avec votre public français ?
Conor : Notre fanbase a tellement évoluée ici ! On jouait devant cinq cent à mille personnes, mais dès qu’on arrivait en France on ne nous proposait que des cafés. C’était différent mais plutôt sympa !
Dom : Se faire une place en France, c’est un peu comme essayer d’attirer l’attention de la plus belle fille de l’école. Tu veux juste qu’elle te remarque, et quand ça se produit enfin c’est géant ! Je trouve ça dingue que des fans soient prêts à attendre dehors ! On essaye toujours de sortir pour aller discuter avec eux et voir comment ils vont. C’est très important pour nous parce que ça montre à quel point le groupe compte pour eux. C’est vraiment cool !
Pourquoi avoir choisi de vous produire au Bataclan ?
Joe : On devait le faire. Je crois que c’est très important pour les groupe de se produire dans cette salle.
Conor : Le fait que le concert est quasi complet montre que les Français veulent venir. Ils n’ont pas peur alors pourquoi le serions-nous ?
Dom : On devait se produire à Paris quelques jours après les attaques. Ça nous a beaucoup touché parce que ça touchait à notre monde. C’est quelque chose que l’on fait tous les jours. Donc quand on a eu l’opportunité de choisir de jouer au Bataclan on l’a fait parce qu’on trouvait ça important. C’est important de revenir dans cette salle et de montrer que le négatif ne doit pas l’emporter sur le positif. On essaye de rassembler les gens avec notre musique donc c’est particulièrement poignant de le faire ici.
Maintenant que vous avez sorti votre EP, est-ce que vous prévoyez d’enregistrer un nouvel album ?
Joe : On va attendre un peu. On a déjà écrit deux ou trois trucs mais on a besoin de temps pour le finir. C’est ce qu’on va faire en 2019.
Dom : J’ai l’impression que les dernières années ont totalement disparues ! On a l’air plus vieux mais on n’a pas fait grand-chose ! (rires) Quand vous passez votre vie en tournée, vous ne faites plus attention au temps qui passe !
Quel est l’artiste le plus surprenant qui se trouve dans votre téléphone ?
Conor : La dernière que j’ai téléchargée. C’est dément et je n’ai pas de problème à l’admettre : Ariana Grande. (rires) C’est super ce qu’elle fait !
Dom : Billie Eilish. Elle est incroyable !
Joe : Ça devrait surprendre pas mal de monde, mais on adore Slipknot. Tellement de groupes ont essayé de faire ce qu’ils font, mais ils n’y sont jamais arrivés.
Site web : nbthieves.com