Si vous ne suivez pas l’actualité metal, sachez que le célèbre batteur Joey Jordison (Vimic, ex-Slipknot) et le guitariste Fred Leclercq (DragonForce) sont à l’origine d’un nouveau supergroupe death metal du nom de Sinsaenum. Dernièrement, RockUrLife a eu l’immense privilège de rencontrer les deux musiciens, de passage dans la capitale, pour parler de ce nouveau et premier projet intitulé “Echoes Of The Tortured”.
Joey, tu as contacté Fred en premier par SMS. Comment étais-tu au courant qu’il travaillait sur ce projet ?
Joey Jordison (batterie) : Nous étions en tournée ensemble, Slipknot et DragonForce, et on est devenu des amis proches. Il est un grand fan de death metal, autant que moi. Nous étions en train de parler et il a parlé d’une sorte de concept. Tu ne tombes pas sur ce genre de chose très souvent, ce n’est pas comme un projet annexe, que tu sors comme ça pour voir ce que ça donne. On forme vraiment un groupe unique. C’est quelque chose que je ne trouve pas chez beaucoup de gens, parce que je suis une sorte de vagabond, j’ai besoin de trouver les bonnes personnes avec qui travailler, Fred est l’une d’entre elles. Il a une grande place dans mon coeur, c’est l’un des premiers à vraiment créer de la musique, surtout de la musique dark et j’ai cherché ce type de personne pour créer ce genre de musique pendant très longtemps. Je l’ai finalement trouvé, je l’ai trouvé ici. Donc quand on s’est rencontré, c’était le démarrage initial de ce que Sinsaenum allait devenir.
Fred Leclercq (guitare) : Oui tout à fait. En fait, j’ai écrit, pas toutes les chansons mais j’ai commencé à écrire cet album, certaines chansons remontent à 1998, c’était un long processus. J’ai rencontré Joey en 2009 je crois, quand nous étions en tournée, donc j’ai commencé ce projet par moi-même. Puis j’ai commencé à en parler à Stephane Buriez de Loudblast, et je lui ai juste dit un truc du genre “je suis en train de faire ça, est-ce que tu veux te joindre à moi histoire de voir ce que ça donne ?”. Il a dit oui, et peu de temps après, Joey m’a envoyé un message “tout ça est super, mais qui est le batteur ?”. Je lui ai répondu “personne”, et il m’a répondu “OK, je m’en charge”. Et moi, il m’a fallu à peine une seconde pour accepter. Et donc, par la suite, on recrutait Attila Csihar et Heimoth du groupe de black metal Seth.
Joey, pourquoi étais-tu intéressé par la musique de Fred en particulier ?
Joey : On a commencé à tourner ensemble, et sur la route tu rencontres certaines personnes qui deviennent des amis, j’ai l’habitude de rencontrer ce genre de personnes, mais là c’était différent, c’était une chose à part, musicalement c’est dur à expliquer. Mais le truc, quand tu rencontres ce genre de personne et que tu le sens, tu ne dois pas la laisser partir, et c’était Fred pour moi. Donc je savais qu’on détenait ce concept de death metal. Tous les deux, nous n’étions peut-être pas en mesure de réaliser ce concept de death ou black metal dans nos carrières, donc nous savions qu’il était de notre devoir de le réaliser jusqu’au bout et de trouver les bonnes personnes, et faire en sorte qu’il voit le jour car on savait qu’on l’avait entre nos mains. Tout le monde est vraiment impliqué dans ce projet, et j’ai rencontré beaucoup de mes meilleurs amis en réalisant ce projet, parce que tout le monde est concentré à 100% et regarde dans la même direction.
Fred, tu es dans le power metal avec DragonForce et toi Joey avec Vimic, dans le heavy metal. Qu’est-ce que vous avez changé techniquement parlant ?
Joey : Le truc c’est que je suis dans la musique depuis longtemps. J’ai étudié beaucoup de styles différents à travers ma vie. J’ai dû m’exercer dans plein de styles différents. Ce que j’aime particulièrement dans la musique, c’est d’être capable d’aller au travers des difficultés. Je suis un metalhead, je le serai toujours, c’est ce que mon coeur aime. Sinsaenum m’a permis de montrer mon putain de vrai talent. Les mecs avec qui je joue me donnent l’opportunité de faire ça. J’ai toujours fait ça par le passé, dans Slipknot et d’autres groupes, et aujourd’hui dans Vimic. Mais avec Sinsaenum, ce n’est pas une question de vitesse, ni de technique, c’est une question de force.
Fred : Pour ma part, je n’ai jamais eu la chance de montrer aux gens que j’étais capable de jouer ce genre de musique donc je n’ai rien changé, personne ne m’a jamais demandé. C’est comme le fait de parler allemand, on ne me l’a jamais demandé, mais oui je sais parler allemand. J’ai fait toutes les chansons, donc je n’ai rien eu à adapter. C’est venu très naturellement.
Comment vous est venu le nom Sinsaenum ? Ça sonne latin.
Fred : Non ce n’est pas du latin, la fin ressemble à du latin. Nous étions en train de chercher un nom de groupe, et Joey a suggéré qu’il était préférable de trouver un nom qui n’existe pas. Et c’est vrai car aujourd’hui, ce n’est pas facile de créer un groupe car tu dois trouver les bonnes personnes, et tu dois ensuite écrire les chansons et trouver le bon nom pour cela. Aujourd’hui, si tu vas sur Internet et que tu tapes n’importe quel nom de groupe auquel tu peux penser, par exemple, on a une chanson qui s’appelle “Death Souls”, je pensais au départ que cela pouvait être un bon nom pour le groupe. Si tu tapes “Death Souls”, il y en a deux au Chili, deux en Pologne, deux en Allemagne. Et donc Joey a suggéré qu’il était mieux de trouver quelque chose qui n’existait pas et il a proposé ce nom. C’est un mélange de “sin” (ndlr : péché) et “insane” (ndlr : fou) avec une résonance latine. Mais je ne veux pas que les gens réfléchissent trop au nom, la musique fait le nom.
Quand avez-vous commencé à travailler tous les deux ensemble ? Quel était le processus de composition ?
Fred : Les chansons étaient écrites et au même moment, Joey m’envoyait un message pour me demander si nous avions un batteur. Je lui ai répondu non, si tu veux l’être, c’est d’accord. Donc cela signifiait que nous devions finir toutes les chansons, parce qu’il était occupé à autre chose, donc je lui ai dit “OK laisse nous le temps de terminer”. Donc j’ai commencé, j’ai incorporé des batteries dans les démos juste pour lui donner le beat et je lui ai envoyé tout ça au second semestre 2013, avec les guitares et rien d’autre. Donc il avait le temps d’incorporer ses parties.
Joey : Il m’a envoyé les chansons, il en avait créé beaucoup. Mais en les jouant, c’est venu tellement naturellement, et c’était la beauté de cela : j’écoutais quelque chose que mon ami avait créé, et je m’y connectais si facilement, tu te sens libéré. Je savais que j’avais le truc entre mes mains, je savais que nous avions quelque chose. Ce n’est pas juste le fait de jouer des parties, ou jouer du blast. C’est une question d’émotions.
Parle-nous maintenant du line up du groupe qui est plutôt international. En plus vous avez mixé l’album en Suède !
Fred : En fait, ce qui est important, c’est qu’ils sont amis avant tout. Nous avons la chance d’être dans le milieu de la musique depuis un certain temps, de telle sorte que tu rencontres des gens avec qui tu partages la même passion. Tu as envie de faire quelque chose avec eux mais cela ne signifie pas qu’ils doivent habiter la porte à côté. Joey est de l’Iowa, Sean est d’Atlanta, Stéphane et moi sommes français, et Attila vient d’Hongrie mais il joue avec un groupe norvégien. Maintenant, il y a Internet. C’est la beauté du truc, communiquer grâce à Internet, je déteste ça parfois mais pour un groupe, c’est une bonne chose, ça rend les choses plus faciles parfois. Et nous avons mixé en Suède parce que j’ai tout fait en privilégiant le bon feeling, je sentais que j’avais un bon feeling avec Joey, pareil avec Jens Bogren, je travaillais avec lui avant, donc nous avions un lien très fort. Donc je me suis dit “c’est parti”. La même chose avec le label. Parce que parfois, tu essayes de préméditer les choses, mais pour nous, ça ne s’est pas passé comme ça. Nous nous sommes tous rencontrés ensemble à Budapest pour répéter la chanson avant de faire la vidéo. J’étais un peu nerveux au début car parfois tu as un groupe d’amis numéro 1 et un groupe d’amis numéro 2, et tu essayes de les mettre tous dans la même pièce, et parfois ça ne fonctionne pas. Mais là, ça a marché tout de suite, c’était comme une sorte de super fête, la meilleure. On a vraiment tous connecté et c’était tout simplement génial.
“Echoes Of The Tortured”, pourquoi ce titre ?
Fred : Parce que chaque chanson peut représenter un écho. Chaque chanson pourrait être un cri de quelqu’un qui souffre. “Echoes Of The Tortured ” fait référence à cela, et à un livre particulier.
Joey : J’ajouterais que “Echoes Of The Tortured” est un putain de terme qui explique réellement la vie de chacun. Parce que la vie n’est facile pour personne. En plus, vu comment est le monde à l’heure actuelle, peu importe la façon dont vous vivez en ce moment, les choses peuvent tourner mal d’une seconde à l’autre. Et donc “Echoes Of The Tortured” est une sorte de putain de cri, à travers la planète. Nous le voyons tous, nous le savons tous, c’est là, juste devant nos yeux. C’est une sorte de réflexion.
Parmi les vingt-et-une pistes, il y a quelques interludes.
Fred : J’ai grandi avec des albums qui avaient des interludes et c’est quelque chose que je voulais inclure dans notre musique, car ça rajoute du sens et crée une atmosphère. Ça oblige aussi les gens à écouter l’album de A à Z, c’est quelque chose que l’on ne fait plus aujourd’hui avec iTunes ou YouTube. Tu écoutes juste une chanson ou qu’importe. Je ne veux pas forcer les gens mais s’ils veulent ressentir la chose entièrement, ils doivent écouter l’album en entier, et ensuite ils peuvent choisir les chansons qu’ils préfèrent mais je leur recommande d’écouter la globalité car que je veux les conduire à travers un voyage.
Joey : C’est une partie du voyage, oui. Les chansons ont été créées une par une, mais c’est une histoire, les chansons conduisent à travers cette histoire. Les chansons ont été créées stratégiquement, mais le truc c’est que l’interlude est presque aussi importante car tu en as besoin, c’est comme de reprendre sa respiration.
En écoutant la première piste, “Materialization”, on a eu l’impression d’être dans le film “Sinister”. Et puis “Lullaby” dans “The Clown”. Regardez-vous trop de films d’horreur ? (rires)
Fred : Ce n’est jamais trop, j’ai grandi en regardant des films d’horreur bien sûr. Il y a un groupe italien qui est célèbre pour avoir fait des bandes-son comme “Les Frissons De L’Angoisse”. Ils s’appellent Goblin. Dans les films d’horreur, en parallèle avec le suspense et l’attente, la bande sonore crée tout. Oui, je suis un grand fan de films d’horreur. Je trouve ça génial de pouvoir créer quelque chose juste avec de la musique. Pas besoin de paroles, mais juste ce son particulier qui fait comprendre aux gens qu’il va se produire quelque chose.
Et toi Joey ?
Joey : Je n’en ai jamais vu un seul.
Vraiment ?
Joey : Non, je n’ai jamais vu de film d’horreur de ma vie.
Vraiment ? (rires)
Joey : (rires) Evidemment ! Avant, j’appartenais à un groupe qui était un film d’horreur à lui seul, presque comme un groupe hommage d’ailleurs. Mais oui, c’est une grande passion pour moi. Le truc c’est que mon type de film d’horreur n’a rien à voir avec des films amusants, ce sont des choses plus intellectuelles que j’aime regarder, surtout les films d’horreur européens, c’est ce que j’aime plus que tout. Les films d’horreur américains sont bien, mais je suis plus dans la nécromancie. Je regarde aussi facilement les films d’horreur japonais. Si je commence à en regarder un, je peux tous les regarder.
Notre morceau préféré est définitivement “Army Of Chaos”, vous avez d’ailleurs sorti un clip pour cette chanson. Avez-vous un morceau préféré à jouer ou à écouter ?
Joey : “Splendor And Agony”. C’est l’autre chanson que nous souhaitions sortir en première parce qu’elle montre aussi ce que nous savons faire en comparaison avec “Army”, le tempo, tout est différent. C’est une autre facette de nous. Et aussi le message, les paroles sont profondes dans cette chanson. C’est ce qui est formidable avec cet album, et c’est ce que je veux que les gens retiennent. Je n’ai écrit aucune parole, mais elles me parlent. Je suis fier de chacune des chansons.
Qui écrit les paroles ?
Fred : J’écris les paroles avec Sean, Attila et Stéphane. Je garde un oeil sur tout. Mais concernant ma chanson préférée, celle dont je suis vraiment fier est l’une des interludes, je ne me souviens plus du nom là tout de suite, mais elle a des influences de Schönberg, du dodécaphonisme, nous avons essayé de recréer cela.
Vous avez tous votre groupe à côté. Allez-vous trouver le temps de tourner tous ensemble pour cet album ?
Fred : Oui nous allons le faire. Il n’y a rien de planifier pour le moment donc il n’y a aucune pression, mais putain oui, rendez-vous en septembre. Mais il n’y a vraiment pas de pression, personne ne nous presse. Mais nous avons nos groupes en priorité, nous avons toutes les obligations qui vont avec, nous ne pouvons pas simplement dire aux autres groupes “OK, on fait ça maintenant, allez vous faire foutre”, non. Mais c’est certain que nous allons tourner. Dans un premier temps, ce n’était pas certain, mais maintenant que l’on s’est tous retrouvé dans une pièce ensemble, ça va arriver.
Terminons avec notre question traditionnelle : notre média s’appelle “RockUrLife”, alors qu’est-ce qui rock votre life ?
Fred : Qu’est-ce qui rock ma life ? Je ne sais pas, Joey, qu’est-ce qui rock ta life ?
Joey : Le metal, la musique surtout, ma femme et mes enfants. Voilà en gros. Et Sinseanum et Vimic, ça rock ma putain de life.
Fred : En gros, la même chose : ma femme, la musique, et la bonne nourriture. (rires)
Joey : J’ai toujours de la bonne nourriture. (rires)
Fred : (rires) Oui, en gros c’est ça qui rock ma life.
Site web : sinsaenum.com
