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STORM ORCHESTRA (13/03/25)

À l’occasion de la sortie de Get Better, RockUrLife a échangé avec Maxime Goudard, chanteur et guitariste de Storm Orchestra. L’occasion de revenir sur la création de ce deuxième album, entre urgence créative, introspection et énergie live.

Tout au long de l’album, on ressent un vrai sentiment d’urgence. Comment avez-vous travaillé cet aspect ?

Maxime Goudard (guitare/chant) : C’est vraiment lié à notre manière de fonctionner. On bosse souvent avec une deadline, ce qui crée une forme de pression qui nous stimule. On compose tout le temps, mais il y a des périodes où on est beaucoup plus productifs. Pour cet album, on s’est retrouvés dans cette urgence parce qu’on voulait rapidement proposer quelque chose après avoir signé grâce au premier disque. C’est cet état d’esprit qui a insufflé cette énergie particulière à l’album. On aime dire qu’il est spontané. On s’était fixés une période précise pour écrire un maximum de titres, sans forcément réfléchir à leur nombre ou à leur place. On a juste composé, exploré, créé. En arrivant en studio, on avait bien plus de morceaux que ce qu’on allait garder, et c’était parfait.

Comment s’est passée la sélection des titres pour le disque ?

Max : Très naturellement. Il y a eu très peu de débats. Un ou deux titres ont été discutés pour des raisons d’affinités personnelles, mais globalement, les évidences se sont imposées. Sur le premier album, on avait fait deux semaines d’enregistrement simples. Là, on a eu trois semaines, dont une consacrée à préparer les morceaux. Et dès la fin de cette première semaine, on savait exactement quels titres allaient être gardés. Le choix s’est fait de manière très fluide, avec l’oreille extérieure de Bertrand, notre producteur, qui nous a beaucoup aidés.

Dans “We Will Be The Last”, on sent cette urgence évoluer, entre poids du début et montée de passion. Il y a aussi une notion de responsabilité. Peux-tu nous en dire plus ?

Max : C’est un morceau un peu à part. Il a pas mal changé entre la démo et la version finale en studio. Il est aussi plus tourné vers le “je“, alors que Lou, du premier album, était plus en retrait. Sur “We Will Be The Last”, c’était important d’inclure tout le monde, car il parle du réchauffement climatique. C’est un sujet qui nous concerne tous. Il y avait une vraie volonté de s’adresser à chacun, de lancer un appel collectif : réveillons-nous. C’est d’ailleurs un point qui distingue cet album du précédent. Avant c’était surtout “You” ou “We” qui prenaient la parole. Ici, on a voulu assumer davantage le “je“, même si les thématiques restent sociétales. Et ça, on l’a vraiment décidé ensemble, notamment avec Loïc, notre batteur, qui s’est beaucoup impliqué dans les textes.

Vous avez accepté d’avoir une approche plus personnelle.

Max : Oui, j’écris l’ensemble des paroles, mais il a écrit pas mal de deuxièmes voix. On a aussi beaucoup échangé sur les textes. On s’est rendu compte que les “you” qu’on utilisait dans le premier album étaient une forme de pudeur, une manière d’éviter de parler de soi directement. Sur ce deuxième album, on a voulu assumer davantage le “je”, tout en gardant les mêmes thématiques. Même quand on parle de sujets sociétaux, on pense que le changement passe d’abord par les individus. C’est ça le sens de Get Better : s’améliorer soi-même pour faire évoluer la société. C’est une démarche à la fois proactive… et source de pression.

© Guillaume Tronel

Et cette approche plus introspective, plus personnelle se ressent aussi sur des titres comme “Tear Myself Down”, non ?

Max : Oui, ce morceau est plus personnel. Il effleure encore un peu la surface, mais il parle clairement d’une quête. Il y a cette tension permanente dans l’album, entre la nostalgie du passé et l’envie de se projeter dans un avenir possible, même incertain. C’est cette oscillation qui crée une vraie ambivalence mentale. Et dans “Tear Myself Down”, on est en plein dedans.

Les paroles semblent montrer qu’il reste encore une retenue dans l’introspection.

Max : C’est vrai. Déjà, écrire en anglais rend l’introspection plus difficile. Et puis il y a ce rapport au public. Rien que le fait d’extérioriser certaines choses, c’est déjà une forme de catharsis. Je suis quelqu’un de très informé, je suis énormément l’actualité. Mais ça génère beaucoup d’anxiété. L’information aujourd’hui est extrêmement anxiogène. Pas parce qu’il ne faut pas s’informer, mais parce que le monde l’est. La vraie question, c’est : que fait-on de ces infos ? Comment devient-on acteur ? Il ne s’agit pas juste de subir. C’est aussi ça, Get Better : transformer cette conscience en action, en changement de comportement.


“Superplayer” aborde justement des notions de jeu, de pression… voire de performance. C’est un ressenti que tu as voulu exprimer ?

Max : Je ne le vois pas comme une question de performance au sein du groupe. C’est plus l’idée qu’on forme une équipe. Pas dans le sens compétition, comme dans le sport. Même si parfois, dans un groupe, on peut ressentir une forme de comparaison, ce n’est pas le propos. Le morceau parle plutôt du fait d’être ensemble face à la vie et à ses épreuves. C’est une lutte quotidienne. Un match permanent où on ne peut jamais complètement relâcher la vigilance. C’est cette tension-là que le titre veut évoquer.

Et le clip joue aussi sur un second degré. Quelle importance vous accordez à l’aspect visuel ?

Max : Énormément. J’adore les clips. Je passe beaucoup de temps sur YouTube à en regarder, à m’inspirer de ce qui se fait, pas seulement dans le rock. Je trouve que dans la pop et le rap, il se passe des choses très fortes en termes de visuel, notamment au niveau du montage. Pour “Superplayer”, on a même opté pour du 4:3 pour appuyer le grain et accentuer le côté comique. C’était un clip assez dur à tourner – il faisait 1 ou 2 degrés, j’étais en T-shirt – mais on s’est bien marrés. Et c’est ça qu’on voulait montrer aussi : une autre facette du groupe. Sur cet album, on a aussi lancé des petites vidéos, notamment autour du batteur, comme pour “Superplayer” ou “Drummer”. On ne fait pas de la musique “marrante“, mais on rigole beaucoup entre nous. Ces vidéos sont là pour désamorcer la gravité de certains textes, les rendre plus accessibles.


Et vous partagez pas mal votre quotidien sur les réseaux, notamment en tournée avec Royal Republic. C’est une volonté ?

Max : Oui. C’est une habitude qu’on a prise. Perso, je poste très peu, mais pour le groupe, je réfléchis à ce que j’aimerais voir moi-même chez les artistes que j’aime. Ce qu’on partage, c’est ce qui se passe en dehors de la scène, les moments de coulisses. C’est ça qui est cool, et c’est ce qu’on essaie de montrer.

C’est important pour vous d’avoir ce lien direct avec votre public ?

Max : Oui, c’est une vraie chance aujourd’hui, en tant qu’artiste, d’avoir un canal direct avec ses fans. On peut leur dire ce qu’on a voulu exprimer avec tel morceau, leur donner rendez-vous, partager des moments autour des concerts. On tient à répondre à tous les messages qu’on reçoit. Et à la fin des concerts, on tient notre merch nous-mêmes pour rester accessibles. J’adore quand quelqu’un vient me dire que tel morceau est son préféré, ou nous demande pourquoi on n’a pas joué telle chanson. C’est un vrai retour. Sur des festivals comme le VNB l’été dernier, c’était étrange justement de ne pas pouvoir faire ça. On sortait de scène et on n’avait pas ce contact, il manquait quelque chose. Je ne savais pas vraiment ce que les gens avaient ressenti. D’habitude, je file directement au merch après avoir joué. Je le dis même sur scène : “On se retrouve tout de suite.” J’adore ces moments-là.

Comment le public réagit quand l’album n’est pas encore sorti ?

Max : Il y a moins de retours du type “j’aurais préféré ce morceau“. Souvent, les gens ne nous connaissent pas encore. Donc c’est plus rare qu’on nous parle d’un titre en particulier. Mais c’est super intéressant quand on joue en première partie ou en festival, face à des gens qui n’étaient pas venus pour nous. Quand tu sens que ça leur plaît alors qu’ils ne s’y attendaient pas, c’est ultra sincère. Et certains reviennent nous voir ensuite, ça fait vraiment plaisir.

Et votre album donne justement envie d’être vécu en live. Est-ce que vous construisez les concerts avec cette idée d’aller encore plus loin ?

Max : Complètement. En live, il y a une autre puissance, une autre nuance. Et vocalement, c’est un gros travail. Je suis plus chanteur que guitariste, donc je mets beaucoup d’énergie dans la voix. En studio, on a beaucoup bossé avec Bertrand, notre producteur, pour capter la bonne émotion sur chaque prise. Il savait exactement quand ça sonnait juste ou non. On a eu des échanges très riches, c’était intime, sincère. En live, c’est un peu différent. Loïc et Adrien chantent beaucoup avec moi. Notre musique est très produite, avec beaucoup d’éléments. Alors on fait le choix de simplifier. Le live est plus frontal, brut, direct. On mise sur l’énergie pure de trois personnes qui jouent ensemble.

On sent un équilibre entre contrôle et lâcher-prise dans vos prestations. Comment gérez-vous cette dualité ?

Max : Il y a effectivement une part de lâcher-prise. La tournée avec Royal Republic nous a vraiment permis d’atteindre un nouveau palier. C’était la première fois qu’on enchaînait autant de dates, et ça crée des automatismes. Ces automatismes permettent d’aller plus loin dans l’émotion, parce qu’on n’a plus à penser à la technique. On peut se concentrer uniquement sur ce qu’on exprime. Même si on joue le même set tous les soirs, chaque concert est différent. C’est assez fou de voir comment les morceaux évoluent au fil des dates. Le dernier concert de la tournée avait une puissance incroyable. Et c’est vrai que l’album est pensé comme un voyage, avec une montée en intensité.

Il y a une vraie progression dans l’album. “Désolé” fait figure de cassure, puis on termine sur “Trash The Room” qui fait office d’exutoire.

Max : Oui, “Désolé” marque une bascule dans l’album, c’est aussi une transition vers ce qu’on veut devenir avec deux faces. La première partie est plus dansante, puis on va vers des choses plus graves. “Trash The Room” arrive à la fin comme un lâcher-prise total. C’est notre exutoire. C’est un peu un clin d’œil à l’imaginaire rockstar, même si on ne démonte pas les chambres d’hôtel. C’est plus une métaphore : tout casser sur scène, ensemble. Toute l’équipe chante sur ce titre. C’est une chanson collective. C’est un mantra du groupe, une manière de dire “on y va à fond jusqu’au bout“.

Vous avez aussi deux featurings sur cet album : avec Bertrand et JJ Wilde. Comment ces collaborations ont-elles pris forme ?

Max : Bertrand était avec nous pendant tout l’enregistrement. On lui a proposé de chanter s’il se sentait inspiré. Il a choisi “Crush The Mirrors”, et c’était dingue. Il nous a dit qu’il allait tenter un truc le soir-même, et le lendemain, il nous avait déjà envoyé l’instrumental avec ce breakdown hyper puissant. Il a vraiment amené quelque chose de décisif au morceau. Ensuite, il a ajouté sa voix, et ça a explosé. On a tous pris une claque. Avec JJ Wilde, c’était très différent. “Désolé” est un morceau un peu à part. Je l’ai partagé sur les réseaux, et la collaboration s’est faite de manière plus spontanée. Les deux feats sont très différents dans leur approche, mais ils enrichissent chacun l’album à leur manière.


Peux-tu nous raconter ?

Max : Oui, “Désolé” est un morceau un peu à part. Je l’ai d’abord partagé sur les réseaux. En fait, j’ai rêvé du refrain – il m’est venu comme ça. Et c’est par là qu’on a commencé à construire le morceau. Bertrand a aussi participé à sa création. Le titre a beaucoup évolué entre la démo et la version finale. Quand on est sortis du studio, il n’y avait pas encore JJ Wilde dessus. C’est une chanson construite comme une conversation de couple après une dispute. Et on s’est dit qu’avoir une voix féminine serait une vraie plus-value. On a donc demandé au label s’ils avaient des suggestions, et c’est eux qui ont pensé à JJ Wilde. Ce qui est drôle, c’est que ma copine est fan d’elle – on ne le savait pas au moment où le label nous a proposé son nom. Ça rendait la chose encore plus évidente. On lui a envoyé le morceau en lui proposant de prendre le deuxième couplet, tout en lui laissant carte blanche. Elle a réécrit les paroles mais gardé la ligne de chant. Comme elle est canadienne, on a tout fait à distance. Elle a amené une émotion incroyable. C’est devenu l’un de mes morceaux préférés, justement parce qu’il est différent du reste. On a même hésité à le mettre dans l’album tellement il sortait du cadre. C’est un peu le morceau de la cassure, celui qui ouvre une autre porte.


Pour finir, le media s’appelle RockUrLife, donc dernière question : qu’est-ce qui rock ta life ?

Max : Pour moi c’est une connexion. C’est la vie d’un musicien : il n’y a jamais de routine. On échange sans arrêt, on rencontre constamment de nouvelles personnes. On découvre des salles, des villes, des pays. C’est une aventure. Ce n’est pas juste faire de la musique, c’est vivre des expériences humaines. Et c’est ce qui rend cette vie si riche.

© Guillaume Tronel

Site web : stormorchestra.com

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Marion Dupont
Engagée dans la lutte contre le changement climatique le jour, passionnée de Rock et de Metal le soir !