A l’occasion de la sortie de l’EP “Wonders”, RockUrLife a discuté avec Pierre K. et Antoine S. afin d’en savoir un peu plus sur ce quintette français.
Salut les gars, tout d’abord pouvez-vous vous présenter pour ceux qui ne vous connaîtraient pas ?
Antoine (batterie) : Tahoe est un groupe de post hardcore parisien fondé il y a maintenant deux ans. Nous sommes cinq : Mickael L. (chant), Pierre K. (chant/synthés), Maxime T. (guitare), Maxime P. (basse) et moi (batterie). Fait un petit peu particulier, nous n’avons qu’un seul guitariste, cette particularité nous permet de mettre en avant nos ambiances. Nous puisons nos influences dans une grande variété de styles du post hardcore au rock alternatif en passant par l’électro.
L’EP est sorti cette semaine. Comment vous sentez-vous ?
A : Je pense qu’on est tous à la fois excités et stressés ! Après un an à travailler sur cet EP, on appréhende forcément les retours. Comment notre travail va-t-il être accueilli par la scène ? Les titres vont-ils plaire ? Les chroniques ont été ultra positives jusque-là, c’est plutôt bon signe ! On attend maintenant d’avoir les retours du public, l’étape suivante ce sera le retour en live !
Pierre (chant/synthés) : On a déjà eu des retours encourageants sur notre premier clip et même déjà une cover guitare quelques jours après sa sortie. On a encore du mal à réaliser ce qui nous arrive. On vient d’avoir dans nos mains notre tout premier CD autoproduit, ce n’est pas grand-chose mais ça vient récompenser beaucoup d’efforts de notre part.
Votre première apparition sur scène en tant que groupe remonte à déjà deux ans. Entre temps vous avez dévoilé deux chansons et donc là un EP. C’était quelque chose d’important pour vous que de prendre votre temps ?
P : On n’a pas voulu se presser, c’est vrai, et pourtant beaucoup de choses se sont passées pendant les deux dernières années. Le fait de passer à une guitare au lieu de deux a complètement changé notre manière de composer. Ça nous a poussé à chercher un nouvel équilibre sonore entre les parties de guitare et les instruments électroniques sans perdre en efficacité.
A : Si le mix des deux premiers titres était très chargé, nous avons voulu optimiser notre balance et viser un rendu final plus percutant.
Former un groupe aujourd’hui est à la fois très simple, car avec Internet les infos circulent bien plus vite et bien plus loin, mais c’est en même temps compliqué, car des centaines de formations se forment chaque jour, mais peu aboutissent à quelque chose de véritablement concret. Avez-vous eu à faire face à des difficultés qui ont un peu freiné le processus ?
A : Oui c’est vrai, c’est une fausse simplicité. Aujourd’hui le plus dur dans la formation d’un groupe réside dans le fait de trouver les bonnes personnes : le seul moyen de faire face à toutes les difficultés qui accompagnent la création d’un projet est d’avoir une cohésion parfaite entre ses membres. Au final, on ne compte plus les heures qu’on a pu passer ensemble à se prendre la tête sur tel ou tel point de l’EP, les week-end et soirées passés tous ensemble à travailler. Ça aurait pu être une vraie corvée si on n’avait pas pu développer une vision commune et une vraie amitié à côté du groupe. En plus de ça, au niveau du processus créatif, le lineup d’un groupe doit apporter une synergie, en permettant à chacun de se dépasser en bénéficiant des idées et techniques des autres.
P : Pour ce qui est de Tahoe, les choses se sont faites progressivement. Maxime T. et Antoine jouaient ensemble depuis des années. Ils sont passés par des collaborations plus ou moins éphémères. Bien que la formation ai changé dans les premiers temps, le line up actuel s’est fixé tout naturellement, chacun a pu trouver sa place.
On a également remarqué que, fait rare, vous sortiez de la musique avant de dévoiler une ligne de T-shirt ! Que pensez-vous de cette mode qui pousse les groupes à favoriser leur image avant de travailler en répète ?
P : On peut comprendre que des groupes accordent autant d’importance à leur identité visuelle. Ça aide à gagner la confiance du public et, faut le dire, c’est souvent une source de revenu majeur pour un groupe. Les revenus permettent d’investir dans du matériel, un mix, de la promotion. On pourrait faire la même remarque à propos des jeunes formations qui passent leur temps à faire la promo sur les réseaux sociaux sans rien à montrer à côté. On a préféré se préparer en silence, même si on n’avait qu’une hâte : partager l’univers qu’on est en train de construire avec le plus de monde possible. On a la chance d’avoir un graphiste au micro qui fait un travail formidable sur notre identité visuelle et qui a préparé… De jolis T-shirts! Car nous aussi on s’est mis à la musique pour ça !
A : On prévoit d’être le principal concurrent d’ASOS à horizon 2016. (rires)
Revenons à la musique. A l’écoute de votre EP, on trouve une patte très actuelle, tant dans la production que dans certains partis pris. Mais il y a également l’essence même de ce qu’on appelle le post hardcore de la première moitié des années 2000. Avez-vous orienté votre travail de composition dans ce sens ?
A : En réalité, on n’a pas suivi d’orientation particulière lors de la composition de “Wonders”. On n’est pas partis en se disant “on va faire du post hardcore 2000 modernisé” par exemple. On se laisse vraiment guider par nos idées, on essaye, on efface, on refait jusqu’à ce que le rendu final fasse l’unanimité. Après c’est évident que ce style nous a tous marqués et que ça soit se retrouvé dans l’EP, dans notre manière de faire, dans notre manière de penser. Nous baignons dans ce style et ses dérivés depuis des années, on est tous de gros fans d’Underoath, Saosin etc. C’est un point qu’on en commun.
Fait exceptionnel, vous avez enregistré l’ensemble des instruments vous-mêmes, y compris la batterie !
A : Oui cela nous a réellement permis de prendre notre temps pour que chaque prise soit parfaite. Comme beaucoup de groupes, nous avons pris l’habitude de travailler par pré-prods, de réenregistrer, essayer constamment de nouvelles choses. On a du atteindre des v30 sur certains titres (rires). Cette habitude prise, il nous semblait naturel d’enregistrer nous-mêmes les instruments pour rester dans cette dynamique de travail. Concernant la batterie, notre style nous semble peu adapté à la programmation pure et dure qui fonctionne très bien dans des styles plus techniques. Il était très important pour nous de jouer sur le côté organique et l’amplitude de dynamique qu’apporte un enregistrement.
Il y a aussi ce passage rappé. Véritable hommage à Kaaris ou c’était histoire de se faire un petit plaisir ?
P : “Crossed Path”s est le morceau de l’EP qui a été composé avec le plus de facilité. Quand Mickael a entendu le morceau en instrumental, le passage rappé final lui semblait évident. On était plutôt réticents étant donné son goût bien connu pour les Kaaris, Gradur et Booba. (rires) Mais on finalement décidé de le laisser essayer. Il a posé sa ligne et ça nous a plu. C’est sûrement le morceau où il s’est le plus lâché et on peut entendre la diversité de ses influences. Pourtant je trouve que ça reste très spontané et cohérent, du coup on ne regrette pas d’avoir essayé ! On a vraiment l’impression que c’était un pari gagnant, “Crossed Paths” revient souvent quand on demande autour de nous la chanson préférée de l’EP.
On note déjà une évolution entre les deux chansons que vous aviez dévoilées l’an dernier (“Diopside” notamment) qui avaient un côté plus expérimental que les chansons sur cet EP. Avez-vous travaillé afin de rendre vos chansons plus directes ?
A : Ces deux premiers titres se sont fait spontanément à la formation du groupe. On commençait à peine à travailler ensemble. Les idées ont fusé très vite et on est arrivés à une setlist complète qui comprenait “Diopside” et “Blurry Vision”. On a décidé de sortir ces deux morceaux que l’on pourrait qualifier de premier brouillon quelque part. Après l’enregistrement de ces deux morceaux, nous avons été confrontés au départ d’un de nos guitaristes qui nous a quittés pour raisons personnelles. Si notre premier réflexe a été de lui chercher un remplaçant, nous sommes finalement vite revenus sur notre décision. Le son en répète nous semblait plus clair, et les pré-prods sur lesquelles on commençait à travailler et qui étaient composées pour une seule guitare nous paraissaient beaucoup plus efficaces. Au final, le passage à une seule guitare nous a permis de repenser notre manière de composer et notre son, notamment en jouant sur l’équilibre entre les ambiances et les instruments. Oui, au final on peut dire que nous avons cherché à rendre nos titres plus directs de manière générale mais pas seulement dans la structure. Ce côté plus direct passe aussi selon nous par la recherche globale du son.
Il y a cependant un véritable travail sur les ambiances. Vous apportez tous votre touche lorsqu’il s’agit de cette partie du travail ou résulte-t-elle d’une seule personne dans le groupe ?
P : On intègre très tôt les ambiances dans nos morceaux. Il nous arrive même de construire tout un titre en partant d’une nappe de synthé ou d’une guitare noyée de reverb. Dans le groupe, on se rejoint tous sur un même point : on adore se plonger dans un morceau qui a des milliers de petits détails à offrir. Du coup, on accorde autant d’importance à l’efficacité des parties rythmiques et vocales qu’au “second plan” sonore : des guitares passées dans des chaînes monstrueuses d’effets, des arpèges de synthé qu’on n’entend à peine, des voix secondaires.
Quelles ont été vos influences principales durant l’enregistrement de cet EP ?
A : Les influences sont variées au sein du groupe. Pierre et Mickael par exemple n’écoutent quasiment pas ou plus de post hardcore. Pierre a longtemps été un grand fan de Sky Eats Airplane je pense que ça se sent dans sa composition. Sans détailler chaque influence je dirais que les groupes qui nous marquent le plus dans notre composition sont : Architects, Emarosa, Underoath, Saosin.
Vous avez travaillé avec Nicolas Delestrade pour le mix de l’EP. Comment avez-vous mené cette collaboration ?
P : Ça faisait un moment que nous suivions son travail et qu’on envisageait de travailler avec lui. On tenait absolument à pouvoir bosser en direct avec la personne et non à distance. Nicolas a été vraiment à l’écoute et la collaboration s’est faite sans difficulté. On lui a laissé carte blanche sur pas mal d’éléments de mixage et on a clairement redécouvert nos morceaux à travers son mix !
A : C’est vraiment génial d’avoir un quelqu’un d’aussi talentueux que lui sur notre scène française. C’était super rassurant de pouvoir se faire des sessions avec lui, voir les choses en direct. Quelque chose que l’on ne peut pas faire quand on se fait mixer à distance !
La jeune scène post hardcore française a vu émerger plusieurs groupes rencontrant un succès plutôt encourageant. On imagine que vous avez pour ambition de suivre les mêmes chemins.
A : On est super fiers d’appartenir à cette scène qui foisonne de nouveaux talents ! C’est génial d’avoir pu suivre l’évolution de groupes de potes qu’on a vu se former et qui aujourd’hui sont des acteurs incontournables de la scène européenne. Il ne faut surtout pas oublier les orgas qui font un boulot monstre, qui font venir jouer nos idoles, qui font bouger nos groupes. Sans eux, rien de tout cela ne serait possible. Pour en revenir à notre ambition pour le moment : jouer partout où on nous acceptera et qui sait… peut être qu’on aura la chance de suivre la dynamique actuelle.
Pourrons nous vous voir sur scène dans les mois à venir ? On a vu que vous veniez de débuter une collaboration avec One Heartbeat Productions.
A : Oui tout à fait ! On n’avait pas encore vraiment envisagé le fait de collaborer avec un manager quand l’occasion s’est présentée. C’est quelque chose qui a pu nous faire un peu peur au début. Ce n’est pas forcément facile de faire entrer quelqu’un de nouveau dans un groupe comme ça. C’est encore assez récent mais les choses s’installent naturellement. On est très contents de travailler avec Margaux qui est un peu devenue notre maman. Elle nous concocte actuellement de très belles choses, nous espérons pouvoir les annoncer très vite !
Quels sont vos objectifs à moyen terme ? Défendre cet EP sur la route ou débuter l’enregistrer d’un nouvel EP ou d’un premier album ?
P : Pour l’instant, on n’a qu’une seule idée en tête : monter sur scène défendre cet EP partout où l’on pourra. Ceci dit, on ne peut pas s’empêcher de composer. Il y a toujours l’un de nous qui se ramène avec de nouveaux riffs, de belles harmonies ou une ligne de voix. Alors oui, on prépare notre premier album mais la scène nous aidera beaucoup à développer notre style et à faire des choix pour les prochains morceaux. Comme d’habitude, on prend notre temps, on a beaucoup d’idées et on compte ne garder que les meilleures !
Y a-t-il un groupe avec qui vous rêveriez de partager la scène aujourd’hui ?
A : Il y en a tellement ! Je pense que ça dépend fortement de chacun. Personnellement : Dance Gavin Dance. Je suis un très gros fanboy de ce groupe depuis tellement longtemps. Si on pouvait ouvrir un jour pour eux je serais aux anges.
Dernière question : nous sommes “RockUrLife”. Qu’est ce qui rock vos vies en ce moment ?
A : Tellement de choses ! Autant pour Tahoe que dans nos vies personnelles et professionnelles, l’année 2015 s’annonce énorme.
Site web : facebook.com/wearetahoe