Peu avant la sortie du nouvel album de Triptykon “Melana Chasmata” à paraître le 14 avril, RUL s’est entretenu avec Tom G Warrior.
Salut Tom, comment vas-tu ?
Tom G Warrior (chant & guitare) : (rires) Cette question est si complexe que cela me prendrait plusieurs heures pour te répondre.
Comment te sens-tu avant la sortie du nouvel album ? Confiant ?
T : Bizarre. Ce fut un album très difficile à élaborer et je ne sais toujours pas quoi en penser. Nous y sommes presque, je n’ai d’ailleurs toujours pas écouté l’album, donc il me serait difficile de savoir à l’heure actuelle.
Es-tu toujours dans une phase telle que celle-ci avant la sortie de tes albums ?
T : Pas aussi extrême non. Cette fois fut unique, ce fut un album éprouvant à faire, il d’ailleurs laissé des marques et maintenant j’essaie de l’assimiler. Peut-être qu’un jour j’y jetterais une oreille attentive.
Mais tu vas le jouer sur scène donc…
T : Ce qui sera étrange car je devrais alors écouter l’album afin d’apprendre les morceaux.
Donc “Melana Chasmata” est le second album de Triptykon. Il emploie également la langue grecque, pourquoi es-tu tant attiré par cette langue ?
T : Pour le coup, c’était une coïncidence totale. J’avais ce titre en tête depuis un moment et j’ai trouvé qu’il collait parfaitement à l’esprit de l’album. Je peux également donner un titre en français, en anglais ou bien en allemand, cela n’a pas d’importance, tant que le titre colle à l’album. Comme j’ai dit, une coïncidence, le fait que les deux albums soient nommés ainsi, à la suite qui plus est. Le premier était plus symbolique car il était très important pour moi mais aussi pour Triptykon. Ici, ça ne l’est pas autant.
Cela signifie “noir, profondes dépressions”. Comment en es-tu arrivé à ces thématiques ?
T : Il n’y a rien d’artificiel, cela repose sur ma vie, la vie que j’ai vécue, du moins celle de ces trois dernières années. Les événements ne furent pas positifs et le résultat est que tu créés une musique sombre avec des paroles qui ne sont pas très joyeuses. Cela recoupe mes sentiments, c’est très personnel.
Comment pourraient réagir les fans à l’écoute de “Melana Chasmata” ?
T : Ce n’est pas à moi de le dire. Je pense que si tu apprécies l’art, que ce soit des photos, les sculptures, la musique, il parait normal que tu vas te forger et te faire tes propres avis. Je pense qu’il faut aborder l’art de cette manière et je ne pense pas que l’artiste doit t’influencer sur ce point-là. J’ai mon avis sur la question, sur chacune des compositions, mais lorsque tu écouteras l’album, tu t’en feras ta propre idée.
Comment pourrait-on décrire cet opus vis-à-vis du précédent ?
T : C’est tout naturellement une évolution, une expansion. Le premier était caractérisé par la haine et la rage, en raison de la désillusion liée à Celtic Frost. Le nouvel opus est plus personnel, plus intime, la rage s’est dissipée et on y sent plus l’état d’esprit dans lequel est Triptykon.
“Black Snow” dure 12 minutes. Quelle en est l’origine et le message ?
T : J’ai composé une majeure partie de cette chanson en 2008, en Norvège, dans un lieu totalement isolé, dans la nature. C’est très cliché mais il a été écrit en Norvège, la nuit tombante, entouré de forêts enneigées… je suis très sérieux. A cette époque-là, je venais à peine de quitter Celtic Frost et je faisais face à des millions d’émotions différentes; ce titre ne traite pas de haine ou autre, juste de ce sentiment de solitude, d’abandon.
D’où les nombreuses années entre les deux opus.
T : En gros oui, il y a plus d’émotions que sur le premier album bien qu’il soit, en partie, composé à la même époque.
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour ce titre ?
T : D’une, l’album faisait déjà 70 minutes et je pense que c’est déjà beaucoup trop. Il m’est important qu’un album soit fluide à l’écoute et que cela marche. Nous avons enregistré beaucoup d’autres choses mais ça aurait été beaucoup trop sur un unique CD. De plus, l’heure est venue d’utiliser ces idées car ces morceaux sont très bons. Vois-tu, même si tu as un titre ou deux de prêt, ils ne vont pas nécessairement finir sur un disque. Un album doit être sensé.
Donc tu as des titres qui t’attendent chez toi ?
T : Tout à fait ! De plus, je travaille actuellement sur le troisième album.
Un des titres pourrait-il définir parfaitement l’album ou faut-il prendre comme un tout ?
T : Les deux principaux titres sont “Tree Of Suffocating Souls”, la première, et “Aurorae”. Ceux-ci présentent toutes les caractéristiques de l’album, ceux sont les plus intenses et les plus intimes d’où la décision de les filmer toutes les deux à travers les vidéoclips. Je pense qu’ils définissent l’essence même de “Melana Chasmata”.
Quelle fut la plus grande difficulté autour du processus ?
T : Cela ne concernait pas le groupe en lui-même, mais la difficulté fut liée à nos vies personnelles. Trois d’entre nous ont dû faire face à d’intenses événements d’où ces longues années d’attente. Certaines furent douloureuses et dans mon cas, j’ai même dû prendre une année totale, de recul, en dehors de la sphère musicale. Je tiens à te rassurer que le groupe en lui-même va très bien.
A propos de la pochette, HR Giger a une nouvelle fois collaboré avec toi. Dirais-tu que c’est la meilleure personne qui arrive à transférer votre musique au travers d’illustrations ? Avez-vous pensé à d’autres artistes ?
T : Nous avions en effet pensé à d’autres artistes, il y a tellement de choix et de talent qui aurait pu coller à nos souhaits. C’est HR Giger lui-même qui a eu l’idée de travailler à nouveau avec nous, et c’était à la fois surprenant et à nouveau un honneur. Son art colle parfaitement à notre musique mais je ne suis pas très réceptif à l’idée de réitérer certaines expériences. C’est sans aucun doute le meilleur peintre surréel actuellement. J’en suis très heureux aujourd’hui mais j’aimerais bien explorer d’autres horizons par la suite.
Garderas-tu ton “concept” de pochette ? Avec le nom du groupe mis en retrait.
T : Je veux respecter tout art que nous employons. Je trouve ça irrespectueux de mettre un logo en plein milieu d’une œuvre d’art et je ne pense pas que notre logo soit plus important que l’œuvre en question; c’est avec un grand plaisir que je laisse donc notre nom en dehors, dans le coin ou peu importe. C’est très prétentieux de penser que ton logo est plus important que ce qui illustre ton album.
A quoi peuvent s’attendre les fans ?
T : Je ne sais pas (rires) j’ai créé l’album mais comme je l’ai dit, il fut très difficile à faire et je ne pourrais pas dire aux fans ce à quoi ils vont faire face bientôt. C’est Triptykon (rires) et Triptykon lui-même est une continuation de Celtic Frost. C’est un puissant et fort opus, difficile à écouter qu’à composer, mais je pense que c’est une très bonne œuvre.
Comprends-tu les fans/certains fans qui n’arrêteront de comparer ton groupe actuel avec Celtic Frost ?
T : Pourquoi pas, laissons les faire. Je n’y vois pas d’inconvénient, je pourrais également comparer le nouvel album de Black Sabbath “13” au premier Black Sabbath.
Et qu’en as-tu pensé ?
T : Il est très décevant. C’est Black Sabbath sur le papier mais ce n’est pas le Black Sabbath qui te rendait fou de joie. Je suis déçu et pourtant je suis un grand fan du groupe. C’est loin d’être un désastre mais ce pas un vrai album de Black Sabbath. Je suis également un fan de musique et bien évidemment que je compare, c’est totalement légitime.
Quid des prochains projets ?
T : J’ai commencé à travailler sur le troisième album. (rires) Mais entre temps, nous allons sortir un mini album ou un EP, soit en fin d’année, soit début 2015, avec des titres inédits jamais sortis et des titres revisités. Sans oublier les tournées à venir, mais ma principale préoccupation est le prochain album.
A part Black Sabbath, qu’as-tu écouté récemment ?
T : J’ai écouté Portal, un groupe de metal extrême australien et lorsque j’étais en route pour venir à Paris, j’écoutais à un album de Quincy Jones, datant de 1970. D’ailleurs ça doit faire quelques mois que je n’écoute que ça, histoire de garder une certaine distance avec notre album. Comme beaucoup de fois, je traverse une phase jazzy. De plus, il y a tellement de sorties au cours de l’année, que tu ne peux jamais être au courant de tout. J’ai une immense collection qui débute dans les années 1970 et où tous les styles se recoupent. Il y en a tellement, c’est impossible d’écouter toutes les musiques qui t’intéressent.
Y-a-t-il quelque chose que tu n’as pas encore réalisé dans ta carrière musicale ?
T : Non. Je sais, ma réponse est décevante. (rires) J’ai tant réalisé, même des choses que je pensais impossible à faire. J’étais un tout petit musicien, sans argent, sans pistons, sans talent, rien et tout ça dans un village de 1500 habitants. Je ne pensais jamais avoir la chance d’être musicien. Et maintenant, cela fait 32 ans que je poursuis ce rêve et c’est génial, je serais bien avide de demander plus encore. Je suis très heureux, j’ai fait bien plus encore que mes sombres souhaits. Je créé la musique que j’aime, je n’ai aucun autre but précis, juste de faire et jouer de la musique.
Nous avons rencontré Gotthard il y a quelques semaines et…
T : Les suisses Gotthard?
Oui
T : Désolé de l’apprendre (rires) Je te présente mes excuses, au nom du peuple suisse. (rires)
Et nous leur avons demandé : pourquoi est-il si difficile pour les groupes suisses de percer davantage ?
T : Car tout le monde va penser que tu ressembles à Gotthard et ils ne vont pas te prendre au sérieux. (rires) A vrai dire, la scène suisse est très égoïste. Si tu formes un groupe, personne ne t’aidera, tout le monde sera jaloux de toi et ils feront en sorte que tu ne réussies rien. C’est très différent de l’Angleterre par exemple, où les groupes se soutiennent mutuellement, louent du matos ensemble etc. En Suisse, c’est très typique d’un pays riche, tout le monde devient égoïste et les groupes se battent entre eux, d’où la difficulté d’atteindre le niveau nécessaire pour pouvoir s’exporter.
Qui de la proximité avec l’Allemagne ?
T : Oui mais la scène allemande est très puissante et, ayant vécu cela, les allemands ne prennent pas les groupes suisses très au sérieux car ils pensent être les meilleurs, comme l’Europe le sait. (rires) Mais une fois de plus, je tiens à m’excuser, au nom des suisses, pour Gotthard. (rires)
Et la dernière question est : nous sommes RockUrLife, donc qu’est-ce qui rock ta vie Tom ?
T : La musique, bien sûr. C’est la raison pour laquelle je suis encore vivant.
Site web : http://www.triptykon.net