Par ces temps de pandémie, RockUrLife s’est entretenu avec Einar Selvik, chanteur du groupe Wardruna pour évoquer le nouvel album “Kvitravn” mais également de ses collaborations pour la série “Vikings” ou le jeu vidéo “Assassin’s Creed Valhalla”, dont il était la voix pour porter ces poèmes nordiques qui ont fait sa marque de fabrique !
Einar Selvik (chant) : Bonjour !
Bonjour ! Pas trop tôt ? Tout va bien ?
Einar : Non c’est bon ! J’ai l’habitude de me lever tôt.
Parfait, on y va quand tu es prêt.
Einar : C’est parti ! (rires)
On commence simple : comment vas-tu ?
Einar : Assez occupé principalement, mais je suppose que c’est une bonne chose dans mon métier.
Oui sans doute ! Et justement avec ton métier, ne trouves-tu pas cela bizarre cette nouvelle manière de “te vendre” et faire des journées promo dans ces conditions ou pas du tout ?
Einar : Oui bien sûr que ce n’est pas pareil. Après j’ai déjà eu l’occasion de faire des interviews par Skype, Zoom et autres, mais bien sûr j’aurais préféré que l’on soit face à face pour de vrai. Mais bon, cela fonctionne !
Au moins tu gagnes du temps et tu peux avoir plus de temps libre dans un sens ? Il n’y a plus toute la logistique de déplacement et tu es déjà chez toi.
Einar : Oui c’est vrai ! Beaucoup moins de voyage, il y a du bien et du moins bien.
As-tu essayé de “rentabiliser” ce confinement ? Avancer sur des projets, des musiques ou faire un véritable break de toutes tes activités ?
Einar : Non, à vrai dire j’avais beaucoup de travail en studio et aussi beaucoup de travail avec le jeu “Assassin’s Creed Valhalla” et d’autres projets évidemment, dont je ne peux pas encore beaucoup parler. Donc, pour être honnête c’était une période assez calme sans les tournées, les voyages. Cela m’a permis de faire tout ce travail en studio de manière plus saine ! (rires) Et évidemment j’ai pu passer plus de temps avec ma famille et c’est un vrai plus.
Est-ce que tu as pu aussi finir l’album “Kvitravn” en avance ? Ou y a t-il encore quelques ajustements qui seront apportés à la version que nous avons reçue ? Sa sortie n’étant prévue que dans quelques mois.
Einar : Non l’album est totalement fini ! Il sort le 22 janvier, mais nous l’avons terminé vers la mi-mars comme il devait sortir fin mai, puis juin et finalement le coronavirus nous a contraint à repousser à janvier à cause de toute la logistique qui doit s’organiser autour de la sortie.
Cela te rend plus stressé ou la situation est au contraire plus confortable ? La promotion étant reportée, beaucoup plus de gens ont pu te donner un avis, en avance sur la sortie !
Einar : Non pas vraiment. Ce n’est pas juste une question de sortir un CD avec quelques titres dessus, il y a bien plus de choses comme justement la promotion, les tournées et d’autres manières de faire la promotion. Donc en vrai c’est difficile à dire, mais je pense que pour cela aussi il y a du bien et du moins bien. On a plus de concert ou de festival, mais la musique est toujours importante pour les gens, surtout en cette période et nous avons des fans loyaux et patients, comme une famille. Nous avons eu beaucoup de soutiens pendant cette période !
Tu parles des concerts… Un jour, proche, on l’espère, il faudra bien retourner sur scène ! Appréhendes-tu ce moment ?
Einar : Et bien, c’est sûr que cela ne va pas arriver tout de suite ! C’est difficile à dire, mais les indications et le type d’endroit dans lesquels nous jouons ne permettront pas de jouer dans un futur proche. On a donc prévu un Plan A, un plan B, mais également un plan C ! (rires) Car personne ne sait vraiment. Nous avons juste à être préparés et attendre de voir ce que nous faisons. Mais nous retournerons sur scène c’est certain.
Dans les plans de retour sur scène, prévois-tu un retour dans le même style que ce que tu fais avec Wardruna, où en profiter pour donner du nouveau ? Passer du minimaliste à quelque chose de plus “copieux” si on peut le dire comme cela.
Einar : Non non, on évolue et on change quelques petites choses, mais on ne transformera pas les concerts de Wardruna en “cirque”. Nous continuerons de garder cet aspect minimaliste et d’être nous-mêmes les acteurs principaux du concert. Mais oui ! En même temps nous continuons à développer petit à petit certaines choses, il y aura sans doute quelques nouveaux éléments sur scène ou des changements côté technique, ou pratique. Mais principalement le même format.
C’est un peu en opposition avec ce que tu dis sur ta manière de travailler ta musique. Car tu disais il y a quelque temps que tu ne voulais jamais travailler ta musique de la même manière. Cela ne s’applique pas à tes concerts ? Surtout qu’au bout de dix ans on doit commencer à tourner en rond, non ?
Einar : Heureusement qu’on n’est pas tant que cela en tournée avec Wardruna. Et comme je le disais, nous continuons à faire de nouvelles musiques donc cela te maintient et apporte des changements. Mais oui, faire encore et encore la même chose n’a rien de plaisant, surtout en tant qu’artiste. C’est très important pour moi. Il y a un même socle dans notre musique, mais nous continuons de la développer encore et encore. Il n’y aura jamais une refonte totale ou extrême de Wardruna. C’est ancré. Mais j’ai la chance en tant qu’artiste de pouvoir faire plein d’autres choses comme des lectures, des concerts en solo, du travail en studio et pas uniquement Wardruna !
Tu as beaucoup été associé et mis en lumière grâce à la série “Vikings” dès son lancement. Mais plus récemment, tu l’as été avec le jeu vidéo “Assassin’s Creed Valhalla”. Quelle différence y a-t-il entre travailler tes musiques pour Wardruna, pour une série et maintenant pour l’une des plus grosses productions du jeu vidéo ?
Einar : J’ai déjà eu quelques projets et discussions pour travailler sur des jeux vidéo, mais jamais quelque chose d’aussi massif. Mais j’ai trouvé cela très plaisant ! Avec Wardruna, nous ne revendiquons pas vouloir reproduire la musique d’une époque spécifique, contrairement à ce que beaucoup pensent. C’est un genre de musique beaucoup plus ouvert. À contrario, “Assassin’s Creed Valhalla” se veut beaucoup plus précis et spécifique dans le temps. Donc la direction artistique était déjà très précise que ce soit pour les instruments ou le contenu des poèmes. Mon principal but pour le jeu était de donner de la voix aux poèmes de la tradition Skald, au cœur des sociétés de l’époque. C’était donc très acoustique et très minimaliste.
Donc il y a eu beaucoup de similarités, c’est certain, mais également beaucoup de différences, mais très plaisant aussi !
Ton nouvel album “Kvitravn” est excellent, mais la langue dans laquelle tu chantes crée une distance quelque part avec le public. Peux-tu nous dire quelle histoire nous suivons quand on est plongé dans ce nouveau disque ?
Einar : L’histoire reprend là où la “Runaljold Trilogy” s’est arrêtée et c’est comme à chaque fois l’exploration du même univers, nous allons juste sur des détails différents. Cette fois-ci, l’album est beaucoup plus porté sur l’aspect des “humains” et moins des dieux ou des fantômes des histoires nordiques. C’est un questionnement sur comment nous sommes connectés à la nature, notre rôle en tant qu’espèce. C’est un travail qui a été beaucoup plus compliqué pour explorer ces aspects et ce concept. C’est là l’histoire principale !
Et combien de temps cela t’a pris pour faire cet album, ou un album en entier en général ? De la création des instruments, si tu t’occupes encore de leur fabrication, à la création pleine d’un nouvel album ?
Einar : Cela peut être très lent. Ce nouvel album m’a pris environ deux ans, mais surtout parce que c’est un procédé très “organique”. J’aime laisser les choses pousser, ne pas forcer et laisser du temps au temps ! Je n’ai plus beaucoup de temps pour la construction de mes instruments et il y a plus de gens autour de moi pour cela qu’il y a vingt ans ! (rires) Et ce sont des gens très talentueux, l’un d’eux est d’ailleurs un luthier français, Benjamin Simao ! Mais je travaille avec des constructeurs différents selon mes besoins.
Et sur l’aspect visuel ? Comment retranscris-tu cet aspect très minimaliste, mais à la fois travaillé sur le long terme ?
Einar : Oui on essaye de garder cet aspect minimaliste sur les pochettes. Par exemple dans ce nouvel album, le symbole du corbeau est très présent à travers les chansons et en général dans la mythologie nordique, c’est pourquoi on a opté pour les plumes de corbeau pour l’artwork. C’est devenu évident très vite que je voulais quelque chose de simple, mais à la fois très puissante dans sa simplicité.
Tu avais encore il y a quelque temps “l’exclusivité” de ton style musical. Mais depuis de nombreux groupes, comme The Hu, font leur entrée sur cette scène. Est-ce que tu vois cela comme une nouvelle compétition et plus de travail ou au contraire tu es heureux d’avoir participé à la démocratisation d’un style longtemps mis à l’écart ?
Einar : Non au contraire ! Je suis très heureux de voir des personnes emballées par les vieilles traditions et les vieux instruments. C’est une chose très positive qui a toujours été la philosophie de Wardruna, de disperser des petites graines qui donneront de solides racines ! Et c’est vraiment inspirant de voir d’autres groupes inspirés par notre musique.
Je pense que le public est aussi très diversifié par rapport à cela. Il y a des gens d’ethnies, de styles, d’âge, de sexe, de cultures si différentes et si nombreuses et cela prouve qu’il y a une logique qui prouve l’universalité de notre musique. Et que les gens cherchent de la pureté, un retour à une époque plus connectée à la nature, quelle que soit leur culture. Et la musique est le pont qui lie ces deux choses. Je ne sais pas si cela répond clairement à ta question, désolé ! (rires)
Si, parfaitement !
Pour terminer, notre webzine s’appelle “RockUrLife”, alors qu’est-ce qui rock ta life, Einar ?
Einar : Oh wow ! Cela peut être tellement de choses. (rires) Je dirais la création ! C’est ce dont j’ai besoin, c’est ce qui me nourrit. Ce n’est pas forcément de la musique, mais aussi bien peindre, dessiner, construire quelque chose ou encore écrire un poème. Mais ce processus de création est ce qui rock ma life !
Site web : wardruna.com