C’est peu dire si cette soirée était attendue. Des mois après la sortie de “That’s The Spirit”, des mois après Wembley, des mois après ce 13 novembre, Paris se retrouve dans un Zénith complet pour accueillir Bring Me The Horizon, le groupe symbolisant le plus le crossover entre l’underground de ses débuts et le rock plus mainstream de maintenant. Si le public s’est considérablement rajeuni depuis un an, on croise les mêmes têtes, les mêmes sourires et la même impatience de découvrir quel échelon le groupe anglais va franchir ce soir.
La soirée s’ouvre avec DON BROCO. La formation anglaise propose un rock alternatif puissant et catchy. Bien que ce ne soit que sa deuxième date à Paris, l’audience suit avec entrain les chansons du quatuor. Les gradins, bien que peu garnis pour le moment, bougent, se lèvent et applaudissent les temps forts du set de Don Broco, qui sollicite même l’auditoire parisien pour un circle pit pas tant anachronique qu’il n’y parait. Gimmicks efficaces, prétexte permettant aux mosheurs de se défouler, la fosse est dans l’ambiance avant le plat principal.
L’entracte permet de constater que les fans de BMTH ont bien changé ces dernières années. Ici, plus de diversité avec plus de figures féminines et de jeunes, ce qui prouve que la démarche visant à toucher un public plus large a bien fonctionné et permet aujourd’hui de jouer dans un Zénith, alors qu’il y a deux ans et demi, les musiciens se contentaient d’un Bataclan. Mais peu importe, il serait idiot de se plaindre de ce changement de population. La musique est un bien qui se partage entre tou-te-s et pour tou-te-s, et si l’on commence à stigmatiser les plus jeunes, où va t-on s’arrêter ?
Il est 20h50 lorsque les lumières s’éteignent et que des nappes de claviers appelant “Doomed” envahissent la salle. L’assemblée s’époumone à l’entrée de BRING ME THE HORIZON sur scène et perd tout sens du raisonnable lorsque la silhouette d’Oli Sykes fait son apparition. Le chanteur, sans fioritures, prend le micro et lance les premières lignes de chant et… surprise, ça sonne incroyablement bien. La voix est portée, les lignes sont claires et maîtrisées. On sent que le géant tatoué a énormément travaillé son organe – quelle jolie phrase – ces dernières années. Mais si le chant et le son sont clairs, nous ne sommes pas là pour nager en plein rêve pour autant : la fosse s’embrase lorsque le début de “Happy Song” est lancé. Et c’est à ce moment que le choc des cultures est le plus flagrant. La base metal de BMTH prend le dessus et pisse sur son territoire, les pits se forment. Ca danse, ça saute, ça crie et ceux qui s’en plaignent sont invités à regagner les gradins.
Débute alors un set en forme de best of des trois dernières années. Le quintette anglais ne rechigne pas à balancer tubes sur tubes. Que ce soit “The House Of Wolves”, “God To Hell, For Heaven’s Sake” ou “Throne”, l’audience ne faiblit pas et montre une solidarité à toute épreuve. Les grands relèvent les petits, les garçons protègent les filles dans les moments les plus violents. L’Humanité quoi. Et peu importe si la moitié de la fosse se demande “quelle est cette chanson ?”, lorsque “Chelsea Smile” est jouée, on est tous là pour s’amuser. Le groupe sur scène fait le boulot et au final, ils seront sûrement les personnes à le moins prendre de plaisir ce soir. Ce phénomène où les chansons dépassent la prestation même est arrivé. Tout est maîtrisé, carré, puissant et certes efficaces mais l’âme est sacrifiée pour le professionnalisme. On en a pour son argent, mais il manque cette touche d’instabilité qui fait basculer un excellent moment en un concert culte. La foule se charge, elle, de transformer SON moment en inoubliable. Notamment sur un “Shadow Moses” dantesque où toutes les oreilles de Paris ont sifflé tant ce “THIS IS SEMPITERNAL” résonnera fort dans l’enceinte du Zénith. Si l’on pouvait craindre une redescente lors de “Follow You”, il n’en est rien car plutôt que redescente, il s’agira de répit. Un répit nécessaire afin de clôturer le set par un “Antivist” bien plus haineux en fosse que sur scène. Vous vouliez du bonheur les gars, vous l’avez et personne n’en doute.
BMTH revient sur “Blessed With A Curse”, repris par l’assemblée avant que la magnifique “Drown” ne vienne clôturer cette soirée. Oli encourage les gens à venir le “high fiver” mais la présence de nombreuses personnes de la sécurité dans la fosse entamera l’enthousiasme d’une telle perspective. Dernier orgasme lors de l’ultime communion du public sur le dernier refrain de “Drown” et la formation quitte la scène sous de chaleureux applaudissements.
Bring Me The Horizon est passé dans une autre dimension depuis la sortie en septembre dernier de “That’s The Spirit“. Les Britanniques confirment cela avec un Zénith rempli et maîtrisé de bout en bout. Un peu trop par ailleurs. Le groupe vise désormais des stades et nul doute qu’il y arrivera. Savoir si le meilleur est derrière ou devant nous n’est pas vraiment la question. Les gens y trouveront – ou non – leur compte. Et tant que le public peut communier ensemble deux heures une fois de temps en temps, on se contentera d’un bonheur, certes éphémère, mais d’une intensité inégalée.
Setlist :
Doomed
Happy Song
Go to Hell, For Heaven’s Sake
The House Of Wolves
Chelsea Smile
Throne
Shadow Moses
Sleepwalking
True Friends
Follow You
Can You Feel My Heart
Antivist
—-
Blessed With A Curse
Drown