Le 2 novembre 2014 avait lieu une date importante pour la scène metalcore japonaise. En effet, les deux groupes les plus en vogue, Coldrain et Crossfaith tenaient une date parisienne ensemble, accompagnés des britanniques de SHVPES (à l’époque, Cytota), et Silent Screams.
Chez les Dickinson, la musique est une affaire de famille. Bien que le fils Cadet de Bruce ne veuille pas que l’on parle du groupe de son père, il n’en reste pas moins qu’il semble avoir reçu une bonne formation musicale et sans doute quelques gènes aidant à sa position de chanteur actuelle, tout comme son grand frère Austin, voix et frontman de Rise To Remain. Le plus étonnant restera l’assurance et la maîtrise des garçons de SHVPES malgré leur très jeune âge, puisque ces derniers atteignent difficilement la vingtaine. Si le public ne semble pas très réceptif, le groupe aura tout de même assuré une prestation sans faute, et aura chauffé la salle par leurs rythmes simples mais efficaces, qui auront permis à quelques mollets de se dégourdir par quelques sauts, après plusieurs heures d’attente dans le froid. Sous les applaudissements encore informes, les garçons disparaissent aussi vite qu’ils sont arrivés, mais en ayant montré une formation jeune et dynamique, marquée par l’innocence, mais surtout au grand potentiel sur scène, qu’il ne tient qu’à nous de surveiller. En espérant qu’ils récidivent la venue en France.
Les Japonais de COLDRAIN font ensuite leur entrée sur “The Revelation”, coup de sifflet d’un chaos d’une petite demi heure. La salle s’enflamme immédiatement, et la fosse se pare de pogos. L’on pourrait croire que l’assemblée est présente pour eux : les fans crient en chœur avec Masato, le chanteur. Ils font part de leur révolution, celle qu’ils préparent à travers des paroles qui assènent des coups fatals à la société qu’ils jugent décadente, inadaptée à l’Homme en lequel ils ont espoir. Le vocaliste laisse tomber son Shure 55 pour un porte voix, et dans une tension parfaitement calculée, capte l’attention de son audience pour la rendre attentive, et lui faire entendre son message, entièrement transmis par des paroles en anglais. L’esthétique scénique est parfaite, et humaine à la fois. L’échange est intense, musicalement mais pas seulement. Ils jouent, leurs morceaux, mais aussi avec l’assistance. Les gestes, les regards, avec les spectateurs et les photographes. Tout y est. Dans un dernier cri, Masato demande un mosh pit, qui est “ce qu’il préfère dans un concert”, avant de déclamer “The War Is On”. Après avoir remercié le public d’avoir été aussi chaleureux et partitif, d’avoir été “encore plus chauds qu’à Nantes la veille”, le groupe quitte les planches, le sourire aux lèvres. Ce soir-là, Coldrain a collé une douche froide, une magnifique claque, mais malgré tout, l’ambiance était plus que chaude.
Après eux arrivent SILENT SCREAMS, seconde troupe anglaise de la soirée. Devant une salle cassée, terrassée par le tsunami Coldrain, les garçons que nous avions vu lors du Damage Festival, sont de retour sur la scène parisienne. Les personnes présentes semblent étonnamment silencieuses, presque pas un cri alors que Joel perce l’ambiance presque pesante, des paroles de “Pacific Highway”. Quelques chansons plus tard, le frontman descend dans le pit, et pogote avec la petite dizaine de courageux encore en mouvement. Malheureusement, alors que quelques mosh prennent forme, une personne se prend un pied dans la tempe qui le met en état de KO technique, et est sorti de la fosse. Le calme revient, et sur la chanson “When It Rains”, le vocaliste demande à ceux qui connaissent les paroles de les reprendre en chœur. Alors que l’opération semble être un échec, il se révèle que le frontman repère une personne chantant et, la sourire aux lèvres, la pointe du doigt en déclamant les dernières lignes face à elle. La douleur des paroles se ressent dans les vocalises, sa voix brise, déchire, noue l’estomac. Le silence règne, mais des “wow” surgissent à la fin de leur prestation, comme si seuls des cris silencieux avaient pu surgir jusque là, absorbés par l’émotion, ou paralysés par la tension apportée par le groupe. Si l’ambiance a été étrange et peu chaleureuse, elle aura cependant mis une claque à certaines personnes présentes ce soir.
CROSSFAITH, tête d’affiche apporte la touche finale de folie à la nuit. “Bring The Madness” raisonne dans les étages du Divan Du Monde et, aidés par la tempête Coldrain, vient muter les cerveaux pour les mettre en état d’effervescence totale, à l’instar des paroles de “The Evolution”, qui forme un point de jonction parfait avec leur amis de Coldrain, et la situation de la soirée. Une évolution est nécessaire, dans les mentalités selon Coldrain, mais aussi dans la soirée, comme le crie Crossfaith. Ils sont là pour l’amusement, pour déchainer toutes les passions, comme l’annoncent les pêchés capitaux de “Madness”, mais également par la simple présence du DJ Terufumi au sein de la formation, apportant une certaine évolution au metal comme l’on pourrait le concevoir ordinairement. Le ton est plus léger, il est celui de la fête, et le jeu scénique le prouve : le whisky, la cigarette de l’homme qui se déhanche torse nu derrière ses platines, qu’il chevauche d’un pied, avant de prendre le micro et rapper en est plus qu’un signe. Les fans se bousculent sur les notes de “Jägerbomb”, moshent, pogotent, les circle pits semblent ne jamais s’arrêter, les cervicales se plient, le sol est écrasé, piétiné, les corps chutent au rythme des growls. Et lorsque l’ambiance semble se calmer au moment du rappel, Tetsuya nous offre un solo de batterie impeccable, alors que Kenta, chanteur de ce groupe au nom presque religieux, priera son public de se mettre à genoux jusqu’à ce qu’il donne l’ordre de devenir fou une dernière fois. Sur ce feu d’artifices humain, la soirée se clôture, et laisse derrière elle une foule lessivée, essuyée, lavée, qui aurait bien besoin d’une douche… Réelle, cette fois-ci.
Etonnamment, les Japonais auront emporté le combat contre les Britanniques ce soir. Si SHVPES a su mettre en forme la salle, Coldrain l’a épuisée, lorsque Silent Screams a su rendre bouche bée certaines personnes au point de les rendre incapables de crier, Crossfaith leur a rendu la voix, en permettant à tous leurs fidèles de se libérer de leurs maux par l’amusement, car si Coldrain combat les maux par les mots, Crossfaith les combats par la fête. Quoi qu’il en soit, entre la douche froide qu’est Coldrain et la musique connoté par le thème de la fête apporté par Crossfaith, nous pouvons dire que la soirée a été arrosée dans tous les sens du terme, ce soir-là.
Setlist :
Prelude
We Are The Future
Hounds Of The Apocalypse
The Evolution
Countdown To Hell
Jägerbomb
Scarlett
Photosphere
Madness
Eclipse
—-
Monolith
Omen
Leviathan