Paris a droit régulièrement à la venue du quintette post punk de Notting Hill : l’année dernière à la Cigale, à l’occasion de la sortie de l’album “MMXII”, et en ce mois de mars pour promouvoir la nouvelle compilation “The Singles Collection 1979-2012”. Entre temps, l’original Jaz Coleman avait fait la Une pour cause d’une disparition inexpliquée, pour réapparaitre un mois plus tard après une petite retraite hors du monde, dans le Sahara !
Deux groupes sont prévus en ouverture, ce soir au Bataclan. La soirée commence tôt devant une salle complètement vide. A 19h25 le jeune gallois JAYCE LEWIS démarre devant pas plus d’une vingtaine de personnes. Look noir et sobre auquel seul le batteur a ajouté une note précieuse en portant un loup blanc. Applaudis chaleureusement par le maigre public présent, ils déballent un électro indus furieux et enrichi en percussions. Imaginez NIN mais avec des arrangements à la And One, et nappé d’une bonne dose de Oomph!. Une fille danse de bon cœur sur le plancher déserté; sortie de scène toute simple à 19h50.
A peine un quart d’heure plus tard et voici HOUNDS : “We are Hounds from fuckin’ nowhere!” (ndlr : nowhere = Ecosse). Batteur en soutien-gorge, chanteur veste en jean’s et mèche blonde à la Rick Astley, ils se démènent comme des beaux diables en poses énergiques et arrogantes. Ambiance sirène d’alarme et beats furieux pour un électro/punk/indus qui secoue la salle avec des infra-basses. La formation conclut une demi heure de set où Marylin Manson rencontrerait The Prodigy pendant “Wicked Witch” en point culminant.
Nouvelle pause d’une demi-heure où la voix de Peter Murphy succède à celle de Désirless avant que le Bataclan ne soit, à nouveau, plongé dans le noir et que ne s’élève un chant chamanique. Mis à part le balcon resté fermé, la salle s’est complètement repeuplée. Avec ses yeux exorbités, ses sourcils épais appuyés par du maquillage, en contrepoint de ses dents carnassières, Jaz Coleman est théâtral. Portant un simple T-shirt noir, les cheveux en arrière, il s’avance et écarte les bras, et manifestement il en impose; vision à laquelle notre voisine laisse échapper un inattendu “Oh la la trop beau !”. KILLING JOKE entame avec le très efficace “Requiem” et le ténébreux chanteur se lance dans une danse de la pluie épileptique et robotique. Entourant Coleman, le guitariste Geordie Walker, coiffé comme à l’accoutumée d’une calotte de soldat, le batteur fondateur Paul Ferguson, le claviériste à tatoo Reza Udhin, et, tranchant avec le look du reste du groupe, le bassiste Martin Glover (aka Youth) en chemise hawaïenne et visière. Le gang poursuit en annonçant un titre joué à Paris aux Bains Douches en 1980 le trépidant et heurté “Turn To Red”. Dans l’ensemble, la formation épaissit le son et les versions jouées ce soir sonnent plus dur que sur disque. Caisse claire qui claque et artillerie lourde sont de sortie, et le riff de “Love Like Blood” retentit comme au premier jour. Coleman semble accomplir un rite chamanique où il bondit tel un démon en transe. Sans rien perdre de sa majestueuse déclamation, il s’époumone à travers un chant puissant, guttural et rocailleux. Toujours martial, le vocaliste qui semble avoir été le modèle du célèbre OBEY (créé par Frank Shepard Fairey), saute en l’air sur le “Hey!” au début d’un “Eighties” sous testostérone, et quand frappe “Asteroid”, il a complètement trempé de sueur son T-shirt. Voilà “The Wait”, à mi-chemin entre hymne et prière, puis “Pandemonium” où le chanteur est acclamé comme un leader politique. Il parle de révolution et d’un âge nouveau déjà en marche, et nous sommes sûrs que ce communiste convaincu, et surtout ce chercheur spirituel est profondément sincère. C’est le dernier morceau et Coleman embrasse sa main puis la porte à son cœur. Le groupe sort de scène mais revient immédiatement pour un rappel de quatre titres. “You‘re fuckin’ smokin’!” lance Coleman rieur en surprenant quelques récalcitrants, puis de jouer celui qui a envie de rentrer se coucher en regardant ostensiblement sa montre : “It’s time guys!”. A la place d’aller dormir, s’abat un déluge sonique qui trempe les cheveux de sueur : guitares scies circulaires et rythmique “Midnight Express” pour “Follow The Leader”. Coleman hurle plus que jamais et tire avec deux doigts au hasard sur une victime dans la foule pendant “Pssyche”. Suite au dernier titre, le frontman applaudit ses musiciens, il sourit, il a l’air heureux.
Une heure trente de show intense, dense et compact. Killing Joke convie son public à une messe sombre et hypnotique, où chacun s’absorbe au son des rythmes tribaux et des chants guerriers de son charismatique leader. Ce soir les fans de Killing Joke se sont éclatés, et la formation anglaise peut conserver son statut de groupe de référence.
Setlist :
Requiem
Turn To Red
Wardance
European Super State
Love Like Blood
The Beautiful Dead
Empire Song
Chop-Chop
Sun Goes Down
Eighties
Money Is Not Our God
Whiteout
Asteroid
The Wait
Corporate Elect
Pandemonium
—-
Follow The Leaders
Change
The Death And Resurrection Show
Pssyche
Crédit photos : Nicko Guihal