En ces beaux jours de juillet, la presqu’île du Malsaucy était un peu “the place to be” de tous les hippies nostalgiques de Woodstock, ados rebelles, beatniks, accrocs au wild et autres punks dans l’âme. Pour notre plus grand bonheur, la programmation s’est faite riche et variée, si bien que l’on pouvait, au choix, siroter un cocktail multicolore, les pieds en éventail sur la plage de sable fin, les oreilles baignées de nappe électro cotonneuses; ou bien gravir la colline en quête du précieux rock n’roll. Quatre scènes, quatre ambiances. Le ton est donné : cette année encore, il pleuvra sueur et larmes de joie aux Eurockéennes De Belfort.
THE LAST SHADOW PUPPETS (Grande Scène) – Avec les garçons, c’est un peu set, drague et rock n’roll. Alex Turner et de Miles Kane – frontmen respectivement d’Arctic Monkeys et de The Rascals – offrent une pop masculine, suave et sensuelle et un rock plein d’une arrogante beauté propre aux jeunes gens. Ce qui marque d’emblée, c’est à quel point la voix de l’un se confond parfaitement avec celle de l’autre, comme pour mieux faire se pâmer les demoiselles. Mais tandis qu’en fripouille qui se respecte, Miles Kane se la joue punk rebelle, Alex Turner arbore des airs de prince et fait preuve d’une décontraction pleine de grâce. Comme une mauvaise habitude (“Bad Habits”), ils ont apporté avec eux violons et contrebasse. Et tout ce beau monde habille à ravir les compositions pop rock, un brin baroques, des deux crooneurs qui mêlent la guitare acoustique à sa cousine branchée. Après quarante-cinq minutes de show durant lesquelles le groupe passe en revue chaque titre du nouvel album “Everything You’ve Come To Expect“, les deux compères entreprennent de faire rêver les filles proprement avec une sublime reprise de “Moonage Daydream”, signée David Bowie.
CHOCOLAT (Club Loggia) – Born Bad Records fait encore des siennes. Montréal s’invite au Malsaucy et ça fait du bruit. Beaucoup de bruit. Mais pas pour rien. Jimmy Hunt et ses valeureux gaillards sortent le grand jeu : solos de guitare, gimmicks au synthé, pattes d’eph’ et lunettes rondes, tout comme dans les années 70. Sauf qu’on rajoute des effets à-qui-mieux-mieux, pour plus de swag. L’album s’appelle “Tss Tss” à raison. Dans un tumulte psyché progressif aux airs garage, émergent l’urgence de la jeunesse et le trip entre potes. Ici on ne se prend pas au sérieux, privilégiant la dissonance sincère aux notes justes mais surjouées. Amateurs de gros son bonsoir.
LES INSUS (Grande Scène) – À 22h30 s’allument des points d’interrogation comme mille lucioles phosphorescentes. Jean-Louis Aubert, Louis Bertignac et Richard Kolinka sont là, et ils mouillent la chemise. Ex-Téléphone, il se sont mués en Insus mais n’ont rien renié de leur lignage, bien au contraire. À l’affiche de tous les festivals de l’été, le groupe n’a rien perdu de sa ferveur, et pour sûr les rockeurs français font le show : plus de deux heures de concert sans sourciller, un rappel de vingt minutes et une pêche d’enfer. Richard Kolinka impressionne à la batterie avec son jeu tentaculaire ou lorsqu’il fait tourbillonner ses baguettes dans les airs, tandis que Jean Louis Aubert et Louis Bertignac se répondent à la six cordes. “La Bombe Humaine”, “Cendrillon”, “Crache Ton Venin”, “Argent Trop Cher”, sans oublier “Hygiaphone”, tous les tubes de Téléphone y passent et sont d’emblée entonnés par une foule qu’on sent nostalgique.
DESTRUCTION UNIT (Club Loggia) – À minuit, on assiste à une déconstruction en règle du son avec Destruction Unit, une unité de destruction massive désabusée par l’état du monde d’aujourd’hui, bien décidée à en découdre avec le mur du son. Passé minuit, si vous étiez une cendrillon en quête d’une berceuse et de princes charmants, rebroussez chemin car devant vous s’érigent des barres de bruit, toutes plus féroces et brutales les unes que les autres. Ryan Rousseau et ses acolytes l’avouent eux-mêmes : “On a sacrifié nos oreilles pour faire ce disque”. C’est dissonant, c’est énervé, c’est électrique, le tout joué bien fort, à la sauce psychédélique. Âmes sensibles s’abstenir.
TY SEGALL & THE MUGGERS (La Plage) – On est déjà demain lorsque le curieux Californien déboule sur scène. À peine a-t-il fait son apparition qu’une vague d’hyperactivité gagne les musiciens et l’assemblée qui transforment vite la plage en vaste Spring Break. Côté son, la dissonance est de mise ainsi que la distorsion et les effets saturés. On touche au garage, mais on pourrait aussi bien parler de noise que de punk tant les morceaux sont à l’envers, bruyants et grunges. Parfait pour clore cette première journée tandis que résonne l’électro systématique de Quentin Dupieux sous une pluie battante (MR. OIZO).
Une première journée très rock n’roll et déjà riche en émotion, comme un effet d’annonce pour la déflagration Yak -tempête rock british – qui doit s’abattre sur les lieux dès le lendemain vers 16h30.