Après une première journée caniculaire mais réussie, place à ce deuxième jour de Rock En Seine. Au programme : du rock pur et dur, des groupes français qui ne déparent pas et de la bonne humeur ! Tout cela avec chapeau et crème solaire obligatoires.
BEACH SLANG (Grande Scène) – Il est 15h30 lorsque les Pennsylvaniens de Beach Slang investissent la Grande Scène sous un soleil de plomb. Avec un petit backdrop en guise de décor et en amont de la sortie d’un nouvel album prévu pour fin septembre, la formation punk se livre à un set d’une demi-heure où la justesse dans la voix n’est pas aussi importante que le message même du titre. Les guitares sont distordues et les powerchords de sortie, tout comme les larsens, créant une atmosphère dynamisante et défoulante. L’originalité musicale n’est certes pas de rigueur, mais, néanmoins, le quatuor réussit à dégager une personnalité sincère, rendant sa performance à la fois active et authentique. Entre leur dernier single “Punks In A Disco Bar”, la reprise du “Just Like Heaven” de The Cure ou “Bad Art & Weirdo Ideas” issu du premier disque “The Things We Do To Find People Who Feel Like Us” (2015), Beach Slang attise la curiosité des spectateurs qui finissent par quitter leur espace à l’ombre pour profiter au plus prêt du concert. Mention spéciale pour le costume du chanteur James Alex, qu’il a tenu à porter malgré la chaleur étouffante.
KAVIAR SPECIAL (Scène De L’Industrie) – Au même moment, sur la scène de l’Industrie, se produit un quatuor de rock formidablement garage. Alors que leur deuxième album, “#2″ vient tout juste de sortir, les Français foulent déjà la pelouse de Rock En Seine et méritent amplement l’apparition de leur nom sur la programmation. Devant un parterre un peu clairsemé au début mais qui se remplit au fur et à mesure du concert, les Rennais, aux looks pas prises de tête, livrent un set brut qui voit le caractère de leurs compositions s’épanouir en live. Un groupe dont les morceaux sont faits pour la scène et dont l’attitude colle à l’esprit rock garage et DIY : “On va faire une nouvelle chanson, elle est tellement nouvelle qu’elle n’a pas de nom !”. La chanson en question est rythmée et laisse place à des moments doux pour remonter en puissance. “Starving”, extrait du nouvel opus, charme l’audience et nous donne faim, faim de tout ce que Kaviar Special a encore à nous offrir !
WOLFMOTHER (Grande Scène) – Cette année, les organisateurs ont décidé d’une programmation bien plus rock que les années précédentes et c’est tant mieux ! Place au hard rock de Wolfmother; avec leurs incroyables chevelures, leurs tenues et leurs attitudes rock n’roll, les Australiens offrent à un public très nombreux, lui aussi plus rock que d’habitude, un set maîtrisé et énergique. La voix d’Andrew Stockdale est envoûtante tandis que Ian Peres, le bassiste, agit en véritable bête de scène, s’amusant avec la caméra à plusieurs reprises et donnant des cheveux !
Si la setlist est composée principalement de morceaux du premier album, “Wolfmother” (2005), avec notamment l’excellente “Joker And The Thief” en guise de conclusion, on retrouve aussi deux titres issus du dernier opus : “Gypsy Caravan” et “Victorious” qui rendent très bien en live. C’est d’ailleurs l’artwork de la pochette de ce “Victorious” qui sert de décor. En bref, un show bestial où la bonne ambiance règne aussi bien sur scène que dans la fosse.
BEAU (Scène Pression Live) – Dans les tréfonds du festival, à l’heure du goûter, un quatuor encore peu connu en France débarque sur la Scène Pression Live. Avec la singulière volonté de prescription, le festival a, cette année, encore rassemblé groupes confirmés et groupes émergents, à l’image de Beau, l’une des dernières signatures du label Kitsuné. Originaire de New York, celui-ci propose une palette musicale se rapprochant du rock beatnik, baba cool sur les bords, tant sur le plan visuel que musical.
Durant tout le set, le clean est de rigueur et la chanteuse Heather Golden, en parfaite complicité avec la guitariste Emma Rose Jenney, est au centre de toutes les attentions, entre moments de grâce et moments intimes. Beau prend le temps de présenter sans précipitation les titres de son premier disque “That Thing Reality”, paru en 2015, à l’instar de “One Wring” ou le flânant “Jane Hotel”. On comprend rapidement pourquoi Kitsuné a souhaité valoriser cette formation new-yorkaise, tant se dégage du set de Beau une envoûtante énergie positive et une musicalité intemporelle. C’est simple, harmonieux et délicat, une recette qui comble efficacement le public présent, sous le charme.
BRING ME THE HORIZON (Grande Scène) – En constante expansion depuis la sortie du désormais culte “That’s The Spirit” en 2015, c’est sans surprise que l’on retrouve un parterre bondé face à la Grande Scène à quelques minutes de l’arrivée de Bring Me The Horizon sur l’estrade. Avec un backdrop minimaliste comparé à celui présent au Zénith De Paris en avril dernier, la troupe d’Oli Sykes n’en demeure pas moins motivée à proposer un concert de qualité et grand public. Un virage, à l’opposé de ses débuts metalcore, engagé depuis quelques mois.
Malheureusement pour elle, la scène en extérieur et de médiocres vocalises du frontman n’iront pas dans ce sens, malgré un énorme soutien de ses musiciens. Les samples n’ont pas l’effet escompté, les effets visuels sont disproportionnés pour les petits écrans proposés par le festival et Oli Sykes relègue beaucoup trop souvent son chant à l’assemblée, sans pour autant gagner en justesse. Seul l’aspect showman du chanteur relève un peu le set, ce dernier ayant appris avec le temps à mettre l’ambiance et à rythmer habilement un concert. Mais cela ne rattrape pas tout et ne permet pas de passer outre la terrible réalisation de “True Friends” à l’intro saccagé, ou le flottant “Follow You”, entachant la performance globale bien en deçà des précédentes. Dommage !
LA FEMME (Scène De La Cascade) – C’est maintenant au tour de la formation de rock français le plus en vu du moment de faire ses preuves devant un parterre, il faut le dire, déjà conquis d’avance. La foule est si dense qu’on a bien du mal à trouver une petite place pour voir la scène. L’auditoire est plus qu’enthousiaste, reprenant à tue-tête toutes les paroles des chansons (ou presque). Marlon Magnée frappe sur son gong pour annoncer le début du concert et disperse par ci par là de petites blagues notamment lorsqu’il se débarrasse de ses bretelles ou encore quand il introduit “Mycose”, un morceau du deuxième et nouvel effort, “Mystère”, par un “Cette chanson est dédiée à toutes les mycoses et je suis sûr qu’il y en a dans le public ! Levez la main !”.
Et des dédicaces au public, on en compte à la pelle : à ceux qui vivent dans le déni avec “Elle Ne T’aime Pas” ou encore aux planeurs avec “It’s Time To Wake Up (2023)”. Quant à la nouvelle “Où Va Le Monde ?” qui fonctionnait très bien sur l’album, elle déçoit quelque peu en live, comme s’il manquait quelque chose. Qu’importe, la foule est sous le charme, applaudit à tout rompre et acclame longuement la prestation des jeunes Français aux looks colorés et farfelus.
PAPOOZ (Scène Pression Live). Papooz, c’est ce petit groupe parisien que beaucoup ont découvert à la télévision française en juin dernier, sur le plateau du “Petit Journal” de Yann Barthès. Créateurs d’une indie pop sans artifices et d’une légèreté unanime, Ulysse et Armand sont accompagnés sur scène par quelques musiciens supplémentaires, pour une ambiance harmonieuse et délicate. Les guitares sont distinguées, les voix de deux camarades en parfaite cohésion et les mélodies pop-exotiques; pour certaines, déjà assimilées par le public timide mais dansant. A la fois charmant, presque crooner, et soul, la formation défend admirablement son dernier disque “Green Juice”, dont est issu l’atypique “Ann Wants To Dance”. Un set à la vibe s’imbriquant parfaitement avec le coucher de soleil du moment et dont le professionnalisme n’a rien à envier aux grands ce monde. Élégant et subtilement désinvolte, cette nouvelle forme de pop séduit de par sa spontanéité.
EDWARD SHARPE AND THE MAGNETIC ZEROS (Grande Scène) – Suite au set de La Femme à la Cascade, la foule se rassemble en masse au niveau de la Grande Scène, à la rencontre d’un orchestre californien. Leadé par le frontman Alex Ebert de Ima Robot, Edward Sharpe And The Magnetic Zeros est sûrement le rayon de soleil musical de cette seconde journée. Musique minimaliste mais complète de par le nombre d’artistes sur scène, ce jam pop folk géant n’est que bienveillance générale, avec un frontman déjà dans la fosse dès les premières notes de “Man On Fire”, tiré de “Here” (2012).
Un bain de foule, brisant les frontières artiste/fans et contrôlé à la perfection, symbole d’une prouesse spontanée. Mieux, la formation s’autorise dès la seconde chanson à poursuivre un avenir incertain, offrant à l’audience la possibilité de choisir le prochain morceau. En somme donc, une bonne heure de claque et de discours humaniste, rythmés par des explosions de cuivres et des ambiances blues rock sans prétention, ni discorde, étant donné que seule une nouvelle chanson du récent “PersonA” sera jouée ce soir, “Wake Up The Sun”. A noter, la reprise du “Instant Karma” de John Lennon, l’apogée de ce set.
L7 (Scène De L’Industrie) – La nuit tombe progressivement sur le Domaine De Saint-Cloud qui accueille un vieux groupe punk des 90’s composé uniquement de femmes et qui, après un hiatus en 2000, a décidé de revenir sur le devant de la scène en 2014. La foule est incroyablement dense et connaisseuse mais plutôt composée de trentenaires et de quadragénaires, parfois accompagnés de jeunes enfants. “We’ve come to corrupt your children!”, s’exclame la chanteuse Donita Sparks à leur intention. Les L7 communiquent bien avec leur public, haranguant la foule à plusieurs reprises. Cependant, si l’énergie est à saluer, et la qualité de certaines chansons à noter (“Pretend We’re Dead”), cela manque parfois de rythme et les chansons se confondent tellement elles se ressemblent. Finalement, si le set n’est pas désagréable, il semble durer longtemps, trop longtemps.
THE TEMPER TRAP (Scène Pression Live) – Si la Scène Pression Live est loin de la Grande Scène, elle bénéficie d’un son excellent, bien meilleur que celui de cette dernière ! Une aubaine pour les excellents Australiens de The Temper Trap qui livrent l’une des meilleures performances musicales de ce festival. Dougy Mandagi nous régale de sa sublime voix qui vient caresser nos tympans le temps de onze morceaux. La setlist laisse autant de place à “Conditions” (2009), le premier effort, qu’à “Thick As Thieves” (2016), le dernier, ne laissant finalement que “Trembling Hands” au second opus, “The Temper Trap” (2012). “Love Lost” se révèle encore plus envoûtante et aérienne en live qu’elle ne l’est sur l’album. Quant à “Fall Together”, issu de “Thick As Thieves”, et sa pop dansante, elle entraîne une assemblée sous le charme avec laquelle le groupe communique tout au long du set. L’excellente “Sweet Disposition” vient conclure un set maîtrisé de bout en bout. Bravo The Temper Trap !
SIGUR ROS (Scène De La Cascade) – Alors que la Grande Scène se prépare à l’arrivée du phénomène britannique Massive Attack et que la Pression Live cède à l’invasion des Australiens de The Temper Trap, ce sont des Islandais qui viennent défier les lois du rock sur la Scène De La Cascade à 21h45. Et non des moindres puisqu’il s’agit de Sigur Ros, que certains festivaliers ont déjà eu la chance de découvrir en 2012. De retour cette année avec le single “Óveður”, opening du show, le trio se livre à une performance post rock à l’archer dont seul lui connait le secret, magnifié par un backdrop visuellement impressionnant composé de néons.
Même s’il est difficile de rentrer dans l’univers de la formation en dehors de la fosse, l’ensemble sonne plutôt bien et intrigue, surtout lorsque Jón Þór Birgisson (chant/guitare) se lance dans ses lignes de chant subtiles. En plus de nous faire voyager avec sa musique, Sigur Ros remet également au goût du jour la quasi totalité de sa discographie, de “Starálfur” extrait de “Ágætis byrjun” (1999) à “Glósóli” de “Takk…” (2005) sans oublier “Festival” de l’imprononçable “Með suð í eyrum við spilum endalaust” (2008), oscillant entre plaisirs planants et recettes dynamiques. Si le nouvel album du combo dépend des concerts actuels, difficile donc de ne pas être excité de ce qui va prochainement arriver. Affaire à suivre !
MASSIVE ATTACK (Grande Scène) – Tête d’affiche de ce samedi, le groupe mythique de trip hop offre un concert de qualité à un public venu en masse (bien que le son de la Grande Scène, définitivement moins bon que celui des autres scènes gâche un peu le plaisir avec parfois des vibrations très désagréables). Les Britanniques ouvrent les hostilités avec “Hymn Of The Big Wheel” du premier album, “Blue Lines” (1991), avec le chanteur jamaïcain Horace Andy en featuring dont la voix apporte de la chaleur à un set parfois un peu froid. En fond, des messages philosophiques en français apparaissent : “A quoi sert la vie ?”, “Quel est le but de mourir ?” etc. Sur “United Snakes”, ce sont des dizaines de drapeaux qui défilent à une cadence effrénée. La setlist est chiadée, 3D et Daddy G consciencieux, Horace Andy indispensable et Azekel, le jeune chanteur londonien, tout en justesse, sur “Ritual Spirit” notamment.
Massive Attack est un groupe engagé, on le sait; et une fois n’est pas coutume, la politique s’invite au concert des Bristoliens : du Brexit au burkini en passant par Trump, Nicolas Sarkozy et François Hollande, tout le monde en a pris pour son grade et l’audience apprécie. Visuellement et musicalement, Massive Attack assure; mais à trop contempler, on finit par légèrement s’ennuyer. Ça tombe bien, les Naive New Beaters jouent au même moment et il est temps d’aller y jeter un oeil. Toujours est-il que Massive Attack ne laisse personne insensible, donnant à réfléchir tout en plongeant son auditoire dans un bain de sonorités envoûtantes le temps d’un show intelligent.
NAIVE NEW BEATERS (Scène De L’Industrie) – Le trio parisien est venu se rajouter à la programmation au dernier moment et cela en ravit plus d’un ! Bonne humeur et humour irrésistible font de ce set l’un des plus amusants de cette édition 2016. David Boring, le chanteur, à la voix traînante si particulière, commence le concert en taquinant les organisateurs qui les avaient déjà invités en 2012 : “Eh Martine tu crois qu’ils vont encore nous faire attendre six ans pour nous faire jouer à Rock En Seine ?”. Alternant entre tubes de “Wallace” (2009) et de “La Onda” (2012), le trio fait se déchaîner une foule dense et conquise notamment sur “Get Love”.
Les Français déploient une énergie incroyable qui ne faiblit pas sur l’entraînante “Made To Last Long” (issue de “A La Folie”, le troisième album sorti en juillet dernier), qu’ils jouent en live pour la première fois. “Mettez les filles sur vos épaules et les autres… formez des patates !”, lance le frontman avec humour. Après quoi, une surprise de taille attend Rock En Seine : c’est la talentueuse Izia, à la bonne humeur communicative, qui entre en scène pour interpréter “Heal Tomorrow” avec ses copains; le morceau qui avait fait parler de lui pour son clip à 360° se révèle excellent en live, aidé par une incroyable complicité entre Izia, Martin Luther B.B. King, Eurobelix et David Boring. Ce dernier lance : “Merci d’avoir boycotté Massive Attack ! Un groupe qu’on kiffe !”, avant de finir sur “Run Away”, extrait de “A La Folie”, un titre d’album parfait pour l’un des groupes les plus barrés de la scène française !
HALF MOON RUN (Scène Pression Live) – Dans une obscurité intimiste, en parfaite opposition avec les deux autres scènes encore actives, débarquent au beau milieu de la nuit les cousins éloignés d’Half Moon Run. En courte escale dans l’Hexagone (la formation était la veille au Leeds Festival et le lendemain programmé au Reading Festival), les interprètes de “Full Circle” viennent en cette fin de soirée défendre leur nouveau disque “Sun Leads Me On” (2015), en plus de pratiquer leur français haletant. Basculant de mélodies signature mélancoliques et électriques (“Turn Your Love”, “I Can’t Figure Out What’s Going On”) à une folk aux arpèges charmants (“Nerve”, “It Works Itself Out”), la troupe de Devon Portielje propose un set juste et résumant parfaitement sa carrière.
Une recette à la fois progressive et posée, attirant en fin de compte de nombreux adeptes autour de la Pression Live, venus réciter tel un oral chacune des paroles connus et se dandiner au rythme simpliste de la batterie. En somme donc, un grand moment de cohésion et d’harmonie entre un public encenseur et une formation d’indie rock doux, lucide et ingénieux.
Cette deuxième journée s’achève et l’on peut déjà constater que la programmation de cette édition 2016 est bien plus rock que celle des années précédentes : on en est ravi ! Nos coups de coeurs de cette journée : The Temper Trap et Beach Slang.