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ROCK EN SEINE 2016 – Jour 3 (28/08/16)

Le troisième et dernier jour de l’édition 2016 du festival Rock En Seine nous a, une nouvelle fois, réservé son lot de surprises et de déceptions. Ce qui est certain, c’est que l’éclectisme de ce dimanche en a fait sa force, en plus de têtes d’affiche exceptionnelles et d’un soleil de rigueur. Quoi de mieux pour clôturer la saison des festivals et l’été ?

BLUES PILLS (Grande Scène) – Premier concert de ce dernier jour, et pas des moindres : du rock n’roll pur mené par Elin Larsson, la chanteuse à la voix rocailleuse et à l’énergie incroyable. Les Suédois partagent leur setlist entre morceaux de leur premier album, “Blues Pills” (2012), en débutant notamment leur show par “High Class Woman” et ses riffs bien sentis et chansons du dernier opus “Lady In Gold“, plus blues. C’est sur un tapis posé au sol qu’Elin Larsson sautille pieds nus, jouant avec sa longue chevelure blonde, enchaînant les titres avec une vigueur égale sans oublier de communiquer avec son public. On pourrait dire qu’elle vole la vedette à ses quatre musiciens, dont le guitariste français Dorian Sorriaux qu’elle n’oublie pas de présenter, mais on a plutôt l’impression qu’elle les pousse tout simplement à se surpasser. Et le résultat n’en est que meilleur, la prestation est rythmée, entraînante et maîtrisée. Cependant, la foule, peu nombreuse à cette heure, se contente de dodeliner de la tête, un peu trop timide par rapport à la prestation du groupe.

 

 

KEVIN MORBY (Scène De La Cascade) – En face de la bruyante Grande Scène où se trouvent les frontaux Blues Pills, l’ambiance est un brin différente, bien que tout aussi impressionnante. Originaire du Texas, Kevin Morby est présent aujourd’hui non pour défendre ses deux autres projets Woods et The Babies, mais bien dans le cadre d’une tournée pour son troisième disque solo “Singing Saw”, disponible depuis avril dernier. Dans un univers indie 70’s-80’s, le rock de l’Américain n’est pas là pour faire tâche. Accompagné par trois camarades, la voix baignée dans une légère reverb, il anime sans broncher son set, cheveux sur le visage et lunettes sur le nez. Il aurait été super de découvrir l’artiste au bord d’une plage, au beau milieu de nul part tant le monde du chanteur produit un bien-être intérieur et une satisfaction auditive. Jamais oppressantes, les mélodies de Kevin Morby s’adaptent parfaitement à la situation, du calme “Cut Me Down” au garage “Dorothy”, du sensible “Miles, Miles, Miles” au rapide “The Ballad Of Arlo Jones”. Un spectacle qui convainc bon nombre de festivaliers à la fatigue évidente, posés sur le sol à sobrement contempler l’acte.

 

 

IMARHAN (Scène Pression Live) – Place à la plus jolie découverte de cette édition 2016 : Imarhan, cinq musiciens originaires de Tamanrasset, capitale des Touaregs algériens, en plein coeur du Sahara. Ils définissent leur musique comme un mélange de kel tamashek, de desert groove et d’assuf new experience et entendent bien casser les préjugés des occidentaux sur la musique touarègue. S’il n’y a pas foule (et c’est bien dommage), le quintette, un peu timide au début, livre un set techniquement excellent au son urbain et propre. Le rock et le blues s’invitent volontiers dans ce mélange des genres pour un résultat étonnant et novateur. Le tout est rythmé et le temps passe à une vitesse fulgurante. L’audience est quant à elle plutôt réceptive, tapant des mains en rythme et applaudissant longuement. Une formation à découvrir en studio avec son premier album éponyme sorti au printemps 2016 si vous n’avez pas eu la chance de les voir en live. A suivre !

 

 

EDITORS (Grande Scène) – A 16h05, c’est au tour des Anglais d’investir la plus grande scène du festival, le soleil dans la figure, devant un auditoire en pleine digestion, qui préfère faire la sieste que d’encourager le quintette rock. Même si les fans des premiers rangs dansent et apprécient le concert, cela ne suffit pas à pousser Tom Smith et ses compères à aller chercher un peu plus loin. Le set est certes de qualité et les tubes “Sugar”, “Munich”, “Papillon” et “Ocean Of Night” sont au rendez-vous, les guitares rugissent et la voix caverneuse de Tom Smith apporte sa touche sombre à une musique souvent comparée à celle d’Interpol. Mais, parce qu’il y a un mais, le tout reste assez fade sur scène, n’emportant jamais les morceaux très loin; les sortes de réacteurs d’avion qui décorent la scène semblaient promettre un show décoiffant qui en fin de compte, ne décolle jamais vraiment. Dommage ! On se rabat sur les albums.

 

 

GREGORY PORTER (Scène De La Cascade) – On jette un coup d’oeil à la soul du Californien. C’est gai, frais et l’assemblée est enthousiaste. Le set débute par “Holding On” de son dernier album “Take Me To The Alley” dont une version, plus connue et plus house, a été enregistrée avec le duo électro Disclosure. S’ensuit la plus jazz “On My Way To Harlem” tirée de “Be Good” (2012). C’est pro, authentique et se révèle parfait pour cette fin d’après-midi où la température est enfin devenue plus agréable. “Don’t Lose Your Steam”, plus blues et soul fait danser petits et grands, le sourire aux lèvres. En bref, un concert chaleureux au doux son des trompettes dans lesquelles on se love avec un plaisir non dissimulé.

 

 

SUM 41 (Grande Scène) – Qui aurait imaginé voir Sum 41 sur la Grande Scène de l’édition 2016 de Rock En Seine il y a un an et demi/deux ans ? Sûrement personne. Et pourtant, c’est remise sur pieds et avec son guitariste originel Dave Baksh que la formation canadienne investit l’estrade sous un soleil imposant. Après deux concerts complets au Trianon en début d’année, la bande de Deryck Whibley fait la tournée des festivals avant la sortie de son nouvel essai “13 Voices”, dans les bacs le 7 octobre prochain. Pour l’occasion, les Canadiens proposent un set carré et travaillé, certes aseptisé sur les bords mais néanmoins efficace.

 

 

On y retrouve un best of des plus grands singles (“Over My Head (Better Off Dead)”, “With Me”, “Walking Disaster”) mais également quelques singularités (“Grab The Devil By The Horns And Fuck Him Up The Ass” / “We’re All To Blame” ou le récent “Fake My Own Death”). Le frontman invitera même dès les premières minutes du concert des fans sur scène, comme à son habitude lors du bridge de “The Hell Song”, permettant à quelques élus de profiter du set d’un point de vue unique. Niveau musical, peu de fausses notes ou de changements de direction sont de mise, seule la voix de Deryck semble largement limitée dans sa puissance. Un détail qui semble désuet lorsque tout le parterre reprend en choeur les tubes des Canadiens. Unique déception : point de “War”, dernière chanson de Sum 41, mais pas de panique : notre petit doigt nous dit que le combo sera de retour début 2017. Avec plus de spontanéité, on l’espère.

 

 

GHINZU (Scène De La Cascade) – Moyennement de monde sur le parterre de la Scène De La Cascade pour accueillir Ghinzu, phénomène belge. Alors qu’un quatrième album est prévu pour très bientôt, le quintette bruxellois continue de défendre fièrement “Mirror Mirror” (2009) et “Blow” (2004) sur scène. Avec un style hybride rock électro allant au delà des époques, la troupe de John Stargasm affiche une prestance massive, avec des interludes planantes et des mélodies fortes. Désormais classiques, les titres comme “Cold Love”, “21st Century Crooners” ou “Jet Sex” sont largement repris par la foule en délire mais ne créent pas réellement d’effets de surprise. Là où l’intérêt est de rigueur, c’est lorsque les cinq comparses se lancent dans quelques nouveautés, à l’instar de l’ouverture “Face” ou de l’intriguant et noisy “Barbe Bleue”, offrant un court aperçu du Ghinzu 2016-2017. Trop peu donc de modernités présentes dans les nouveaux concerts du quintette, un détail qui sera forcément réglé à la sortie du prochain disque.

 

 

IGGY POP (Grande Scène) – Enfin ! LE concert que le public de Rock En Seine attendait avec le plus d’impatience va commencer. C’est la première fois que le grand Iggy Pop se produit à Rock En Seine, alors forcément, il y a foule. Il y a même tellement de monde qu’on ne distingue pas un brin d’herbe sur le parterre où les fans s’étendent à perte de vue, ni sur la butte et les allées latérales ont tout bonnement disparues. Tout le monde se presse, yeux et oreilles grands ouverts pour voir la légende sur scène, souvent pour la première fois. Et quel spectacle ! L’Iguane entre sur scène torse nu, comme à son habitude, et sous l’ovation de la foule. De sa démarche claudiquante, il parcourt la scène d’une extrémité à l’autre pour saluer un public qu’il sait conquis d’avance.

 

 

Et le voilà qui débute le set par “I Wanna Be Your Dog”, s’offrant un petit bain de foule avec serrages de mains pour les plus chanceux des premiers rangs. Il enchaîne ensuite avec ” The Passenger” en multipliant les “fuck”, son insulte préférée. Sur “Lust For Life”, une partie de la fosse improvise un circle pit (Hellfest es-tu là ?) tandis que d’autres slament. Le batteur, Matt Helders (Arctic Monkeys), s’éclate et Iggy Pop déploie une incroyable énergie qui ne faiblit pas sur une heure et quart de concert ! A 69 ans, l’Américain est impressionnant ! En plus de son incroyable condition physique, il interprète certains de ses plus vieux titres punk période The Stooges à la perfection : “1969”, “Search And Destroy”, “Down On The Street”. Et que dire de “Mass Production”, “Sister Midnight” et “Nightclubbing”, tous trois extraits de “The Idiot” (1977) et de “Sixteen” et “Some Weird Sin” issus de “Lust For Life” (1977), les deux premiers efforts studio d’Iggy Pop en solo sur lesquels il a travaillé avec David Bowie ? Un hommage à son grand ami disparu en janvier dernier, certainement.

 

 

De “Post Pop Depression“, Iggy Pop ne jouera que “Gardenia”. C’est chouette mais ça l’aurait été encore plus avec Josh Homme. A la fin du concert, l’Iguane insiste pour que les agents de sécurité laissent monter une fan sur scène, la jeune fille se présente et repart avec Iggy Pop en backstage après que celui-ci lui ne lance “Allez, on se casse d’ici !”. Iggy Pop provoque encore et c’est pour ça qu’on l’aime aussi. En bref, un concert exceptionnel dont on mesure la chance que l’on a eu d’y assister !

 

 

CHVRCHES (Scène De l’Industrie) – Alors que les fans de grosses sonorités rock sont rassemblés autour de la Grande Scène, quelques irréductibles festivaliers (et moyen fans d’Iggy Pop) répondent présents à la Scène de l’Industrie pour accueillir la formation pop Chvrches. Trio écossais en pleine montée depuis la sortie du second disque “Every Open Eye” en 2015 et de son extension en juillet dernier, la troupe de Lauren Mayberry livre un set électro synthpop d’une efficacité exemplaire. Rien que le duo d’intro “Never Ending Circles” / “We Sink” résume parfaitement l’heure à venir : une voix un peu hésitante mais symbolique, de fortes basses omniprésentes, quelques néons lumineux et un jeu de scène au point, avec une frontwoman dynamique et visiblement inspirée par certaines mimiques de sa camarade Hayley Williams.

 

 

Machines à tubes en puissance (bien que certaines mélodies se confondent à la longue), les Ecossais ont officiellement déniché la recette secrète pour séduire l’audience sans forcer, comme le montre l’effet de transe provoqué par, entre autres, les versions live de “Empty Threat”, “Bury It” et la fermeture “The Mother We Share”. A la fois simpliste, rêveuse et divertissante, la performance de Chvrches détonne de cette dernière journée, pour le plaisir de tous.

 

 

AURORA (Scène Pression Live) – Le concert d’Aurora est sûrement l’acte le plus théâtralisé de cette édition 2016. Chanteuse norvégienne de synthpop minimaliste à peine âgée de 20 ans, Aurora Aksnes vit chaque seconde de son set et chaque parole chantée avec une sensibilité très particulière. Toute habillée de blanc et aidée par quatre musiciens à ses côtés, la singulière artiste dégage un élan de douceur mature se répercutant directement sur l’assemblée, elle aussi empathique sur les bords et ne souhaitant pas perdre une goutte de ce qu’elle observe.

 

 

 

Le set et la musique de la jeune femme sont esthétiquement intéressants, souvent légers et lyriques, valorisant au possible son style à part et sa propre culture. Difficile de ne pas tomber sous le charme de cette dernière après des réalisations à fleur de peau de “Under The Water”, “Murder Song (5, 4, 3, 2, 1)” et les différentes chansons extraites du personnel “All My Demons Greeting Me As A Friend” qu’il faut découvrir de fond en comble pour réellement comprendre ce curieux personnage. Aurora, ou lorsque Lana Del Rey retrouve autocritique et innocence.

 

 

 

CASSIUS (Scène De La Cascade) – Il y a foule pour la musique électronique des Français. Le nouvel album, “Ibifornia”, est sorti il y a deux jours et le duo a choisi de décorer sa scène à l’image de son artwork. Ainsi, les DJ sont perchés en haut d’un volcan duquel une lave de lumière s’écoule : visuellement efficace. Zdar et Boombass jouent d’ailleurs des morceaux de ce nouvel opus : “Ibifornia”, “Go Up”, “The Missing”, c’est sympa mais ça ne casse pas trois pattes à un canard. Le public semble pourtant ravi et danse tout le long de la performance; au moins, le mantra “Let’s Dance” de ce festival est assuré par ces représentants de la French Touch. Mais on repassera pour le côté rock. Le tube “I <3 U SO" mettra tout le monde d'accord même s'il sera joué différemment en live. Cassius se révèle finalement décevant, notamment avec ce nouvel opus, ni fou ni très intéressant. Cassius, c'était mieux avant.

 

 

FOALS (Grande Scène) – Tête d’affiche très attendue de ce festival, les Anglais livrent un superbe show clôturant cette édition 2016 en beauté. La foule est venue en masse assister au concert du phénomène rock venu d’Oxford. Yannis Philippakis, le chanteur, et ses quatre musiciens offrent un set pro, musicalement parfait avec supplément d’âme et de frissons. Si le deuxième effort “Total Life Forever” (2010) est un peu laissé à l’écart à l’exception de la sublime “Spanish Sahara”, les Anglais offrent une setlist qui ravit les fans de la première heure comme les nouveaux : de “Antidotes” (2008), Foals joue notamment la trop rare “Cassius” au rythme entêtant que l’on redécouvre avec plaisir. Bien sûr, on n’échappe pas à l’incontournable “Inhaler” issu de “Holy Fire” (2013), toujours aussi enivrante. Du nouvel essai, “What Went Down” (2015), “A Knife In The Ocean” se distingue comme l’une des meilleures chansons qu’aient écrite le quintette et pour laquelle on peut saluer la performance du batteur Jack Bevan qui se mettra d’ailleurs debout sur son siège à plusieurs reprises pour mieux apprécier l’énergie si particulière qui se dégage ce soir.

 

 

Car si Foals assure sur scène, la foule lui rend bien malgré les quelques slams avortés de Yannis Philippakis. L’audience exulte sur les tubes comme “My Number” et admire la performance. Après le rappel, Yannis prend la peine de remercier son “crew” et reprend de plus belle s’arrêtant avant la dernière, “Two Steps, Twice”, pour s’adresser à son auditoire : “Vive la France, on s’excuse pour cette histoire de Brexit”. Décidément, entre Massive Attack et Foals, on sent que ce Brexit ne passe pas auprès des musiciens britanniques ! Il reprend : “Let’s make it savage !” et descend alors de la scène pour un slam plus réussi cette fois. “Merci à vous Paris on vous aime ! Merci”, lance-t-il avant de s’éclipser, dix minutes avant l’heure prévue. Foals est égal à lui-même, assurant chaque show avec une énergie redoutable et un plaisir évident, de quoi donner le sourire aux festivaliers qui repartent repus.

 

 

Cette édition de Rock En Seine nous aura globalement plus ébahis qu’attristés, tant au niveau de la sélection des groupes que les artistes en eux-mêmes. Peu sont ceux qui n’ont pas réussi à séduire l’audience sur place et peu ont manqué de professionnalisme, qualité nécessaire à la bonne tenue d’un concert. Pour ce qui est de l’organisation générale, Rock En Seine a, une fois de plus, trouvé la bonne recette pour satisfaire le plus de monde possible, avec des stands diversifiés, des activités atypiques (comme si se jeter sur un coussin d’air à six mètres de hauteur était un passe-temps récurrent ?) et une sécurité attentive aux besoins. Mais surtout, ce dimanche nous aura convaincu grâce aux shows d’Iggy Pop et Chvrches, entre expérience et jeunesse. Cher Rock En Seine, chère équipe, RockUrLife tient à vous féliciter pour cette édition particulièrement réussie, à vous remercier pour ces nombreux kilomètres parcourus et vous dit : “A l’année prochaine” !

 

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