Affiche aussi prestigieuse que rare en ce dimanche soir à La Machine Du Moulin Rouge. Si Like Moths To Flames, Silverstein et Memphis May Fire sont plutôt habitués des scènes françaises (bien que les trois ne sont pas venus depuis 2014), The Devil Wears Prada s’offre seulement sa première headline à Paris en onze ans de carrière. Alors que tous les groupes sont en tournée ensemble depuis plus d’un mois (d’abord aux Etats-Unis puis en Europe), que nous réservent ces quatre pointures du metalcore américain ?
La soirée s’ouvre à 19h15 dans une Machine peu remplie avec LIKE MOTHS TO FLAMES. Si la formation fait preuve d’un professionnalisme très… américain, la prestation du combo est entachée par un public beaucoup trop parsemé pour avoir l’impact attendu. Le groupe originaire de Columbus sert un metalcore classique, pour ne pas dire cliché. Les moshparts s’enchainent et sont même plutôt prévisibles. La bande semble privilégier l’efficacité à l’originalité. C’est un parti pris, est-ce le bon ? Nous ne sommes personne pour en juger, toujours est-il que LMTF remporte un succès mitigé pour ce court set.
L’ambiance se réchauffe considérablement sur les coups de 20h puisque que ce sont les vétérans du emocore SILVERSTEIN qui débarquent sur scène. Dans la salle, beaucoup de trentenaires se souviennent sûrement de leur jeunes années, dévorant “Discovering The Waterfront” sur MySpace. Le groupe débarque sous de chaleureux applaudissements et lancent un “Sacrifice” toujours aussi efficace. Le quintette est en place et bénéficie d’une belle qualité sonore seulement l’envie n’y est clairement pas. L’audience dégarnie ou la lassitude d’une si longue tournée est peut-être la raison de l’attitude extrêmement nonchalante de Shane, le frontman. S’il exécute ses parties avec plus ou moins de justesse (nos oreilles pleurent encore l’intro de “My Heroine”), l’entrain n’est pas de la partie. Paul Marc, dernier arrivé au sein de la formation, et clairement le plus enthousiasmant ce soir, en profite pour jouer la très jolie “Arrivals” qu’il chante en solo à la demande d’un fan au premier rang. Le groupe clôture son set avec la légendaire “My Heroine” et satisfait une grande partie de son auditoire, décidément aussi ambitieux que le combo en question.
La soirée se poursuit avec MEMPHIS MAY FIRE et son très charismatique chanteur Matty Mullins (interview à venir). Le quintette ouvre sur son dernier single “Carry On” qui est repris en choeur par une bonne partie de la fosse. Le set est énergique et les chansons s’enchainent suffisamment rapidement pour que l’effet rouleau compresseur soit total. La prestation de Matty au chant se rapproche du travail scream/clair de Jeremy McKinnon (A Day To Remember) avec notamment des similitudes dans la gestuelle. En bref, le frontman tient son assemblée avec enthousiasme et se permet même le luxe d’exécuter les parties de Jacoby Shaddix (Papa Roach) avec une maitrise tout à fait convaincante sur le hit “The Light I Hold”. MMF s’en va sur le tube “Vices”, reprit très haut et très fort par une fosse peu nombreuse mais visiblement heureuse de la prestation du groupe.
Il est 22h lorsque les lumières s’éteignent pour laisser THE DEVIL WEARS PRADA entrer en scène. La moitié de la salle a déserté après le set ce qui fait que la formation originaire de Dayton va jouer devant un peu moins de deux cent personnes, tout au plus. Le set s’ouvre sur “Praise Poison”, ouvrant également le dernier album en date, “Transit Blues“. Le son est massif et carré, et Mike Hranica n’a que faire du peu d’enthousiasme que leur présence génère, il se donne comme un beau diable et recueille l’ensemble des maigres suffrages. TDWP déroule un set en forme de best of. Bien qu’axé sur le dernier album du groupe (quatre titres joués), l’ensemble de la discographie est survolée. “Assistant To The Regional Manager” ou encore “Escape” et “Outnumbered” du “Zombie EP” déchainent la maigre foule. Hranica s’en donne à coeur joie et n’hésite pas à quitter la scène pour venir se mêler à son public lors de “Escape”.
Le groupe offre même un vieux “Hey John, What’s Your Name Again?”, sorti de derrière les fagots, toujours exécuté avec ce mélange de puissance folle et de classe. La prestation est clairement un ou deux crans au dessus des autres formations dans la sauvagerie atteinte. The Devil Wears Prada nous emmène même dans le cockpit de son “Space EP” avec l’incroyable “Planet A,” dont le refrain soulèvera les coeurs des spectateurs présents avant que “Danger: Widman” n’achève un auditoire réceptif. TDWP quittera la scène et reviendra pour un rappel plus mécanique que souhaité (quel enthousiasme), un “Mammoth” toujours aussi apocalyptique. Prada est venu, Prada a vaincu sans trop d’opposition mais le public ne mérite pas Prada.
Soirée clairement mitigée. Une audience peu présente pour une affiche pourtant prestigieuse sur le papier (au delà des goûts et couleurs). La fin d’une époque en France, voire dans le monde, le metalcore n’est plus souverain. La seule véritable déception est de constater qu’un groupe de la qualité de The Devil Wears Prada ne trouvera jamais son public en France. En même temps, le coté underground rend surement la chose plus belle.