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WE LOVE GREEN 2018 : on y était !

Pour tous les Parisiens désireux de varier les plaisirs musicaux dans une ambiance de fête en un week-end, le début du mois de juin rime désormais avec We Love Green, qui est devenu en quelques années l’un des festivals les plus importants d’Ile-de-France par son offre en matière de programmation et sa fréquentation. Entre nouveautés et artistes confirmés des scènes hip hop, rap, rock, électro et autres genres actuellement en vogue, l’affiche de cette année avait largement de quoi combler les attentes de tous les publics.

 

Samedi 2 juin

CANNIBALE (La Canopée) – Comptant parmi les premiers groupes à jouer ce week-end, les Français de Cannibale inaugurent la nouvelle scène du festival. Avec les couleurs chaudes de la décoration de La Canopée et sous un soleil qui tape fort, le quintette a trouvé là un bon spot pour son rock teinté de psychédélisme aux rythmes entraînants et exotiques. On commence donc les festivités tranquillement, en repérant les précieux points d’ombre de l’espace qui regroupe La Canopée et La Clairière avec la bande son idéale.

 

 

ANGÈLE (La Prairie) – Du côté de la grande scène du festival, une foule compacte est déjà là en attendant la jeune chanteuse belge. Le succès rapide de ses deux clips sur YouTube, “La Loi De Murphy” et “Je Veux Tes Yeux”, la mène aujourd’hui à son “premier concert en plein air”, comme elle l’annonce elle-même, premier d’une série de festivals cet été. Autant dire un cap important pour Angèle, qui ne cesse de se déplacer sur la large scène, un peu trop peut-être, où elle ne semble être à l’aise que lorsqu’elle chante face à un public un peu passif. Mais l’énergie est bien là, et si on oublie les quelques moments de flottement, on aura passé un bon moment.

 

 

IBEYI (La Clairière) – Retour sur nos pas pour aller assister au concert des soeurs Diaz, très attendues si on se fie à l’impressionnante masse de festivaliers qui déborde largement du chapiteau de La Clairière. Les deux musiciennes sont toujours en tournée pour défendre leur deuxième album sorti l’année dernière, “Ash”, qui a rencontré un succès critique international foudroyant. Loin d’être fatiguées, elles se montrent dans une forme redoutable devant un public qui leur répond bien et se fait souvent l’écho des chanteuses, de “I’m On My Way” à “Deathless”.

 

 

JULIETTE ARMANET (La Prairie) – Il y a nettement moins de monde pour le concert de Juliette Armanet qui occupe la grande scène, et pourtant la Française a bien de quoi séduire un auditoire plus large. Dans son costume lumineux et sous une boule disco, la musicienne, révélée en 2017 avec son premier disque “Petite Amie”, s’affiche aussi en bonne artiste de scène en alternant ballades et morceaux plus dansants, épaulée par des musiciens enthousiastes. Une belle découverte.

 

 

BECK (La Prairie) – Place ensuite à la tête d’affiche rock du festival qui n’a rien d’un petit nouveau. En démarrant son set avec les quatre guitares nécessaires pour interpréter “Devils Haircut”, Beck a déjà fourni aux spectateurs du We Love Green leur dose de six cordes du week-end. La suite mêle morceaux de “Colors“, le dernier album qui avait reçu un accueil plutôt mitigé auprès de ses fidèles fans, et d’anciens succès (“E-Pro”, “Loser”, “Mixed Bizness”) dans une bonne ambiance tant sur scène que dans l’assemblée. Chapeau vissé sur la tête, Beck paraît parfaitement dans son élément et assure un show bien huilé avec ses excellents musiciens, malgré une fin de concert qui sent un peu le remplissage, entre la présentation des membres du groupe (sept !), entrecoupée de mini reprises et autres happy birthday, et un medley couplant “Where It’s At” et “One Foot In The Grave”.

 

 

ORELSAN (La Prairie) – Plus tard dans la soirée, on retrouve le rappeur français le plus célèbre du moment sur la grande scène face à la foule tout acquise à sa cause. L’artiste et son équipe ont vu les choses en grand : un imposant et hyper élaboré dispositif de lumières et d’animations vidéo vient en renfort d’une performance électrique orchestrée par Orelsan et les producteurs/musiciens qui l’accompagnent. Toujours avec son éternelle attitude du type désabusé et plein d’autodérision, il envoie en majorité les morceaux de son dernier album avec efficacité, et aborde la dernière ligne droite du concert avec plus de gravité, entre “Notes Pour Trop Tard” et “La Fête Est Finie”. Puis après un faux départ, termine le show comme il l’a commencé sur un “Basique” explosif, s’assurant ainsi que le public du We Love Green a bien les bases.

 

 

Cette première journée s’achève avec un DJ set de JAMIE XX, qui permet tout juste de se réchauffer par ce temps qui s’est considérablement rafraîchi depuis l’après-midi. On emprunte donc le chemin du retour avec quelques milliers d’autres festivaliers, pressé de revenir le lendemain pour une journée qui s’annonce particulièrement intéressante.

 

Dimanche 3 juin
 


 

EVERGREEN (La Canopée) – A l’image de la veille, c’est un sympathique groupe français qui ouvre le bal des festivités sur la petite scène de La Canopée. Le trio, soutenu en live par un quatrième musicien, profite de cette date pour présenter de très bons nouveaux morceaux issus de son deuxième album à venir pour la mi-juin, “Overseas”. En ce début d’après-midi chaud et ensoleillé, la pop rythmée et joyeuse de Evergreen est parfaite pour se mettre en jambes.

 

 

GUS DAPPERTON (La Clairière) – On se déplace ensuite de quelques dizaines de mètres, sous la tente de La Clairière, pour découvrir Gus Dapperton et son groupe. Depuis l’année dernière, le New Yorkais de tout juste 21 ans attire l’attention avec seulement deux EP qui mêlent les influences diverses du musicien, des Smiths à Mac DeMarco, en passant subtilement par des touches de R’n’B. Son set bien rodé se déroule le plus naturellement du monde, et dès le milieu de sa performance, le jeune Américain achève de séduire les festivaliers en reprenant l’intemporel “Twist And Shout”. Parmi les jeunes artistes à suivre de l’affiche du We Love Green, on tient là un bon gagnant.

 

 

FATHER JOHN MISTY (La Prairie) – Un peu plus tard dans l’après-midi, la Prairie accueille une “incredibly sophisticated music”, selon les dires de Josh Tillman, alias Father John Misty. Si le personnage est bien dans son rôle de songwriter cynique et un poil arrogant, il n’en fait cependant pas trop et assure avec sa troupe de musiciens un set soigné et élégant. Cuivres, claviers et guitares sont de la partie et le rendu des compositions n’en est que meilleur. Fraîchement sorti comme nous le rappelle une animation kitsch au possible pendant l’interprétation du dernier single “Mr. Tillman”, le quatrième album de l’Américain se marie bien à l’ensemble de son oeuvre solo, entièrement représentée dans la setlist avec des classiques comme “Total Entertainment Forever”, “Hollywood Forever Cemetery Sings” ou “I Love You, Honey Bear”. A l’exception peut-être des “bored Björk fans” qui occupent les premiers rangs depuis le début du festival en attendant le grand soir, Tillman et son groupe se sont certainement trouvés ce dimanche de nouveaux adeptes.

 

 

CHARLOTTE GAINSBOURG (La Clairière) – De l’autre côté du site, un public de plus en plus consistant attend l’arrivée de Charlotte Gainsbourg. La scénographie particulièrement travaillée à base de carrés de lumière promet un show autant porté sur son atmosphère intimiste que sur la musique. D’abord un peu en retrait tant dans le mix de sa voix que dans sa présence sur scène, la chanteuse gagne en assurance et se montre sincèrement touchée par l’accueil des spectateurs au fur et à mesure que les titres s’enchaînent, entre des extraits de son dernier disque, “Rest”, et quelques retours dans le passé avec “Heaven Can Wait” et “The Songs That We Sing” qu’un Jarvis Cocker mêlé à la foule a certainement apprécié. Mention spéciale enfin à son groupe de scène, composé de membres déjà passés par les rangs de Christine And The Queens, François And the Atlas Mountains ou encore Air, qui aura largement contribué au charme spécial de sa prestation.

 

 

KING KRULE (La Clairière) – Retour à La Clairière après un dîner sur le pouce pour assister au show de l’Anglais le plus attendu du jour, accompagné ici par une formation solide. Comme on peut se le représenter à l’écoute de ses deux albums publiés sous le nom King Krule, “6 Feet Beneath The Moon” et le reconnu “The Ooz” paru l’année dernière, Archy Marshall est une véritable boule de nerfs qui rappe et débite ses textes incisifs et personnels sur un fond musical audacieusement varié, du jazz au trip hop en passant par le punk et le hip hop. Sans parvenir à entrer complètement dans la performance, on reconnaît au Britannique une originalité et un talent certain qui font de lui l’un des artistes les plus novateurs du moment.

 

 

BJÖRK (La Prairie) – S’il y avait bien une artiste dans le thème du festival cette année, c’était sans conteste la plus célèbre des Islandaises. Le dévoilement de la grande scène a de quoi en boucher un coin : un large bosquet remplit l’espace que complètent deux sortes de plantes géantes aux teintes roses et les rares instruments qui occupent la scène. Le tout compose un ensemble harmonieux dont le foisonnement de détails fait regretter l’absence d’écrans géants aux côtés de la scène pour apprécier la richesse du décor et des costumes. Métamorphosée en fleur, la chanteuse est accompagnée par un ballet de flûtistes, de son fidèle percussionniste Manu Delago, d’un harpiste et d’un musicien aux claviers. Le décor ainsi planté, nulle doute que le dernier album de Björk sera au coeur de la performance. L’occasion est donc parfaite pour redécouvrir une oeuvre difficile d’accès et aux sonorités inhabituelles. Réarrangés pour s’insérer dans l’étrange symphonie qu’est “Utopia”, une poignée de morceaux plus anciens (et aussi nettement plus connus des spectateurs) émergent au milieu de cette jungle musicale. On reconnaît le rythme soutenu de “Human Behaviour”, ainsi que “Isobel” et “Wanderlust” appuyé par son clip pour le moins original. Conçu comme un véritable spectacle vivant par tous les moyens d’expressions maîtrisés par Björk – la danse, le chant, la musique, la vidéo -, le show fascinant n’aura laissé personne indifférent, les fans absolus comme les festivaliers simplement curieux.

 

 

TYLER, THE CREATOR (La Clairière) – Après l’enchantement islandais, place à l’ultime décharge d’énergie du week-end que représente le concert du rappeur californien sur les planches et dans la fosse. Infatigable, intenable et parfaitement à l’aise sur la scène qu’il occupe seul, Tyler enchaîne ses tubes, de “OKRA” à “Who Dat Boy” ou encore “Mr. Lonely”, haranguant l’audience tout acquise à sa cause, la faisant chanter et danser jusqu’à la fin de la soirée. Un concert qui, à l’image des autres performances de hip hop du festival, prouve bien que le genre se montre actuellement au meilleur de sa forme.

 

 

Le succès aura été au rendez-vous pour cette septième édition du We Love Green. Des performances de qualité, un grand soleil tout au long du week-end, et un record de fréquentation de 74 000 festivaliers sur les deux jours, contre 58 000 l’année précédente. Autant de monde qui a pu se côtoyer sans soucis dans l’ensemble du Bois de Vincennes, particulièrement vaste et bien aménagé, entre les scènes, les espaces dédiés aux conférences et le point de restauration central qui permettait de satisfaire toutes les envies. On regrette toutefois la proximité entre La Prairie et Lalaland, où s’enchaînaient en continu les sets de musiques électroniques de la programmation et dont les lourdes basses occasionnaient quelques nuisances lors de certains concerts relativement plus calmes comme celui de Björk. Mais au-delà de ce détail, car festival oblige, cette édition 2018 est parvenue à se montrer à la hauteur de toutes les attentes.

Gabrielle de Saint Leger
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