Belle affiche que nous proposait le Divan Du Monde en ce début d’année, du moins si l’on est amateur du style hardcore/screamo, car ce ne sont pas moins de quatre groupes que le public aura vu défiler en une seule soirée. Parmi ces derniers, les déjà très populaires We Came As Romans et Alesana, débarqués de leur Amérique natale. Résumé de la soirée.
Vers 19h, alors que les techniciens s’affairent encore sur scène, le public, très jeune dans l’ensemble, commence à se mettre dans l’ambiance, enchaînant les allers-retours entre le bar et le devant de la scène. Quelques minutes plus tard, les quatre garçons de Glamour Of The Kill, déjà présentés comme la révélation du moment par le magazine anglais Kerrang, font irruption sur scène, visiblement pas trop impressionnés par la difficile tâche d’ouvrir la soirée. Le quatuor, qui décrit sa musique comme un mélange de metalcore, de glam rock et de pop, nous livre cinq morceaux, principalement issus de son premier album “The Summoning”, à paraitre le 24 janvier prochain. Avec un style efficace et une performance ne manquant pas d’assurance, la prestation des britanniques se révèle dans l’ensemble plutôt convaincante, même si le total look fringues noires, de préférence cloutées, des musiciens et leur tendance à surjouer un peu fait parfois sourire. Si l’on ne peut pas dire que toute la salle s’embrase, il n’empêche, le public semble assez satisfait et se montre globalement réactif, surtout sur le bondissant “Feeling Alive”, qui vient clôturer la performance du groupe vers 19h30.
Une vingtaine de minutes plus tard, place aux américains dont certains d’entre nous frenchies ne peuvent prononcer le nom, Iwrestledabearonce. Et lorsque surviennent les premiers cris, véritablement monstrueux, de la frontwoman Krysta Cameron, on a beau l’avoir en face de nous, on a encore du mal à croire qu’un son pareil puisse sortir de la bouche d’un tel petit bout de femme. L’effarement passé, on peut constater que la demoiselle a une technique vocale impressionnante et qu’elle maitrise totalement ses screams, alternant avec du chant sur des mélodies à la structure tortueuse et surprenante, dans le style du groupe britannique Rolo Tomassi, mais sur des paroles loufoques. Beaucoup de gestuelle du coté des guitaristes, qui s’agitent dans tous les sens, faisant preuve d’une énergie décapante. Le quintette mathcore originaire de Shreveport livrera au total six titres dont le fameux “Tastes Like Kevin Bacon”, qui a aidé le groupe à se faire connaitre. Au niveau du public, les réactions sont contrastées, entre les déjà convaincus, comme ce jeune garçon venu habillé en ours et remarqué par Krysta, les sceptiques et ceux qui n’aiment franchement pas. De toute façon, Iwrestledabearonce ne laisse personne indifférent, et c’est finalement le principal.
Après une nouvelle attente, c’est au tour des We Came As Romans de faire leur entrée, vers 20h45. Après un passage réussi par le Batofar en avril 2011, on peut voir que les six garçons de Detroit ont réellement commencé à se faire un nom en France, vu le joli accueil que leur réserve le public. Avec une setlist de dix chansons équilibrée entre morceaux tirés du premier album et du récent “Understanding What We’ve Grown To Be”, le groupe metalcore est sûr de faire plaisir à tout le monde, et il y parvient, vu comment la foule s’agite. On peut voir que ces types en veulent, et il se dégage de leur performance une belle énergie, tout à fait communicative. Mention spéciale à Andy Glass, qui fait véritablement le show en faisant tournoyer sa basse d’une façon qu’on n’imaginerait pas possible. Malheureusement, les réglages ne sont pas vraiment en la faveur de WCAR ce soir, autant du point de vue des lumières que du son, si bien que le chant clair de Kyle Pavone se retrouve pas mal étouffé par rapport aux screams de Dave Stephens, au passage impeccables. On regrettera aussi un certain manque d’interaction entre les deux frontmen et un chant clair pas toujours complètement juste. Une légère baisse d’attention se fait quand même ressentir dans l’audience vers la fin de la prestation, la faute sans doute en grande partie aux réglages, qui ôtent au son des américains de sa lourdeur et de sa puissance. C’est sur “To Plant A Seed” que le groupe achève son set, ne manquant pas d’annoncer Alesana, dont c’est ce soir le tout premier concert en France en plus de huit ans de carrière. Autant dire qu’il était temps !
Et c’est à 21h50 que déboulent les six compères originaires de Caroline du Nord, sur un thème musical tout droit sorti de leur dernier album “A Place Where The Sun Is Silent”, dont le concept tourne autour de l’”Enfer” de Dante. L’ambiance est donnée ! Première chose qui frappe en les voyant s’installer : la nouvelle coupe de Dennis Lee, affichant la boule à zéro, grâce à laquelle il a pu se balader dans la salle plus tôt sans que personne ne le reconnaisse. Tout de suite, le groupe screamo attaque avec “Hand In Hand With The Damned”, et le public commence à s’agiter. Même si les réglages ne sont toujours pas incroyables, on entend assez bien le chant clair de Shawn Milke, qui en plus est remarquable en live, ce qui est plutôt une bonne surprise. Quant à Dennis, également très en forme vocalement, impossible de ne pas être instantanément fasciné par sa gestuelle de chef d’orchestre et son regard fou balayant la salle. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le groupe vit complètement sa musique, rarement on aura vu des musiciens aussi habités par leur performance. Ponctué de quatre interludes, le set d’Alesana prend la forme d’une pièce en plusieurs actes, toujours d’après le concept de leur dernier opus. On aura bien sûr droit aux singles “Circle VII: Sins Of The Lion”, “A Forbidden Dance” ou encore “A Gilded Masquerade”. Il apparait rapidement que les américains de Raleigh maîtrisent parfaitement leur jeu et possèdent une certaine finesse qui manque peut être encore aux jeunes WCAR. On constate également une réelle complicité sur scène entre Shawn et Dennis, dont les voix se complètent parfaitement. Le bassiste Shane Crump y va même de ses propres screams à plusieurs reprises. Pourtant, malgré l’énergie surréelle déployée par le groupe, force est de constater que la sauce ne prend qu’à moitié dans la salle, avec un public au début réactif, puis de plus en plus dispersé et relativement éteint, ce que Dennis ne manquera pas de faire remarquer, sans grande réaction de la part de la foule. Néanmoins, Alesana se donnera à fond jusqu’au bout, gardant “The Thespian” et “Beyond The Sacred Glass” pour la fin, avant de se retirer à 22h30 passées sans faire de rappel.
C’est donc à un bien bel éventail de talents hardcore qu’on aura eu droit en ce début d’année 2012, avec des groupes ne ménageant pas leurs efforts pour offrir au public français une soirée mémorable malgré des réglages pas toujours au top et une réaction de l’audience un peu tiède. Espérons que cela ne nous empêche pas de rêver à une prochaine fois.
Setlist :
Hand In Hand With The Damned
The Murderer
Hymn For The Shameless
Circle VII: Sins Of The Lion
A Forbidden Dance
The Curse Of The Virgin Canvas
Lullaby Of The Crucified
A Gilded Masquerade
The Lover
The Thespian
Beyond The Sacred Glass
Crédit photos : Jennifer Wagner