C’est une Maroquinerie révoltée que nous avons retrouvé lundi, le temps d’une soirée présidée par les génies d’Algiers. Après la sortie du second album, “The Underside Of Power”, et juste avant de virer vers les contrées anglaises, la formation est venue nous voir à Paris, accompagnée par la douceur électro Hiro Kone.
La salle n’est pas bien pleine à 20h lorsqu’entre sur scène une jeune femme à frange. Elle se fait appeler HIRO KONE et se montre seule sur les planches, les yeux rivés vers sa table de mixage. Le contact avec le public est rare. Les compositions aériennes et quasi extraterrestres infusent l’atmosphère. Si le peu de spectateurs ne semble par très captivé aux prémices du set, la plupart étant resté assis ou n’ayant même pas pris la peine de stopper sa conversation, l’attention portée à l’artiste monte crescendo pour finalement en arriver à la récompense tant espérée : l’audience est conquis et le montre par de nombreux applaudissements et sifflements.
Peu après 21h, c’est au tour des très attendus ALGIERS de débarquer sur scène. Pour leur première date parisienne en tête d’affiche, les Américains s’offrent le bonheur de jouer à La Maroquinerie : petite salle, certes, mais qui se gorge d’une atmosphère des plus exquise lors de chaque concert. Ça commence fort dès le premier son : “Walk Like A Panther” et les cris poussés par le ô combien talentueux Franklin James Fisher marquent le début d’un set qui promet d’être des plus sauvages.
Ryan Mahan, le bassiste qui manie aussi avec brio le synthé, capte directement le regard de la foule, ébahie par la transe et les sauts qu’il s’adonne à performer aux premiers retentissements de guitare. Quoi de mieux qu’assister à une pièce de théâtre tout en allant à un concert ? Enchaînant sur les morceaux du dernier album, Algiers fait face à un auditoire absorbé par sa performance qui reste tout de même calme bien que très attentif aux revendications égalitaires du groupe. Fisher se mêle à la masse venue l’adorer dès le troisième morceau, “Death March”, pour une performance des plus énervée. Comme pour mettre en pratique les lyrics qu’il déclame dans ses chansons, le chanteur tente de réinstaurer l’égalité effacée par la distinction scène/fosse et fera des va-et-viens tout au long du set.
Loin d’être décadent et de se laisser envahir par ses émotions, l’assemblée semble tout simplement en adoration devant l’amas d’influences proposé par Algiers. Soul, blues, indie, gospel viennent s’ajouter au post punk et aux tonalités plus urbaines qui définisse le mastodonte musical qu’est en train de devenir Algiers. “Animals”, “Cleveland”, et autre version étendue de “Irony. Utility. Pretext.”, issu du premier album, montrent que la bande aime faire durer le plaisir.
Entre chaque morceau ont été minutieusement choisis des extraits de discours engagés contre le racisme et autres inégalités, en anglais bien évidemment, mais aussi en français, parfaitement maitrisé par le chanteur qui s’amuse à en déclamer chaque phrase avec émotion. La black panther Fisher jongle magnifiquement entre son clavier et sa guitare, qu’il ne lâche jamais, tout en se roulant au sol. “A Hymn For An Average Man” se démarque par le calme instauré dans l’audience, une pure merveille voix/piano. Lee Tesche, le guitariste, prend son pied en créant des sons très indus, muni d’une chaine qu’il vient frotter contre une cymbale, et d’un archet défoncé pour gratter les cordes de son instrument.
Consécration aux premières notes de “The Underside Of Power”, single du nouvel essai, qui fait enfin se déchainer l’ensemble de la foule. On les attendait avec impatience ces premiers points levés au ciel ! Mahan se jette dans la foule le temps de pogoter un petit peu avant de quitter la scène aux côtés de sa formation. Après une courte pause, les quatre révoltés refont surface pour deux morceaux aux couleurs de leur premier opus : “Black Eunuch” et “But She Was Not Flying” mettent le feu à la salle qui continue sur sa lancée. Si les plus naïfs pensaient que les Américains allaient se satisfaire de ces quinze morceaux, les plus avertis persistent à les rappeler après leur seconde sortie de scène. Bien joué. Réapparition furtive pour un dernier morceau (que l’on se satisfera de penser imprévu) : Algiers semble vouloir remercier son public d’une telle ovation.
Le Maroquinerie était comblée lundi soir. On ne peut repartir d’un tel show sans penser au succès à venir d’Algiers : aujourd’hui grandissant, demain fulgurant. Il ne nous reste qu’une seule chose à gueuler : “All power to the people!”.
Setlist :
Walk Like A Panther
Cry Of The Martyrs
Death March
Blood
Cleveland
Mme Rieux
Animals
Irony. Utility. Pretext.
Old Girl
A Hymn For An Average Man
Pague Years
The Cylce/The Spiral :Time To Go Down Slowly
The Underside Of Power
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Black Eunuch
But She Was Not Flying