C’est au 211 Avenue Jean Jaurès, que la population parisienne est sortie de l’ombre le 4 février dernier pour l’unique date d’Alt-J à la capitale. Le Zénith s’est fait arracher ses places en un rien de temps, il avait prédit un concert explosif avec deux premières parties incroyables et ça n’a pas loupé.
L’horloge affiche 19h25, le show peut commencer avec le premier groupe, GENGAHR. Cette formation anglaise, au genre pop électrique, a éveillé le Zénith pour trente minutes de rock aigu et sur le fil. On retrouve la fragilité à la Travis vs Radiohead. Les titres sortent méchamment de l’adolescence, l’âge où l’on attend un coup de fil et que l’on balance les coups de pied. Gengahr, c’est une musique et des textes tant doux, insouciants que durs et puissants. Ce quatuor nous connecte au genre psychédélique et prépare le terrain pour les maîtres du rock alternatif.
Mais avant cela, une autre surprise se cache derrière les grands rideaux noirs, on aperçoit une petite brunette et ses trois acolytes. Les WOLF ALICE n’ont l’air de rien mais ils ont tous des grands. La température monte d’un cran, la foule reste cependant bien silencieuse. Timide, elle s’accordera que de légers mouvements de tête, avant de se laisser débaucher par ces gosses nourris aux écorces de rock. Le protagoniste féminin ne semble pas très à l’aise et c’est ce qui plait. On se retrouve bercé par des influences à la Alanis Morissette en passant par Florence And The Machine dans la voix d’Ellie Rowsell, sans omettre bien évidemment une empreinte de Garbage. Loin d’eux d’appartenir à l’arrogance, c’est dans les bas-fonds de leur garage, qu’ils envoûtent les âmes et nous ensorcellent tous.
La tension est palpable, les cœurs battent la chamade, la salle est comble. Que ALT-J se tienne prêt car le public ne tient plus en place. Les cris retentissent aux moindres changements de lumières. 21h15, l’heure d’être sage est définitivement révolue pour ce public qui jusque-là se tenait à carreaux. Les projecteurs rouges inondent la foule, les premières notes de “Hunger Of The Pine” sont balancées. Nos corps se suspendent aux crochets massifs d’Alt-J. Une crise cardiaque se profile sur les chemins du bouddhisme et du voyage absolu. Une porte s’ouvre entre le paradis et l’enfer avec “Fitzpleasure”, une intense explosion des sens, une messe si sacrée qu’elle en devient intenable pour le commun des mortels. Joe Newman et sa voix chamanique y convertirait les plus athées. D’une simplicité renversante, ce groupe nous ouvre les portes de la perception et de l’inconnu. La peur de la conquête n’existe plus. Leurs âmes colorent les nôtres avec “Something Good”, cette formation nous concocte une dose d’Ayahuasca et nous libère de notre misérable existence par l’hypnotisme. Leurs notes résonnent, car même si le quotidien est piqué de gris, c’est dans leur monde haut en couleurs que nous embarquons. L’interaction est inévitable, la fusion entre les artistes et la foule est humainement féerique. Un coucher de soleil s’amoncelle pour apaiser les cœurs parisiens avec “Dissolve Me”. On retrouve dans la voix du frontman un timbre familier avec Horace Andy (Massive Attack), cette sonorité laisse place à l’introspection générale. Quand on ferme les yeux, c’est la découverte absolue, le pays des rêves vient d’être révélé au public du Zénith. “Leon” résonne comme une prière et c’est à cappella qu’elle sera prononcée, elle se branche au duo basse/ batterie et y laisse des variations celtiques. Ce combo est un preux adepte du tellurisme mélangé aux rythmiques tribales avec Gus Unger Hamilton (claviers) et Thom Green (batterie). C’est religieusement que nos paupières restent lourdes derrière nos barreaux de métal.
C’est le 4 février au Zénith De Paris qu’Alt-J a brouillé les ondes de ce code barre sociétal. Ce concert est un songe devenu une réalité bien trop courte.