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AND SO I WATCH YOU FROM AFAR @ La Flèche d’Or (04/05/15)

En ce lundi soir, La Flèche d’Or propose une soirée 100% math rock.

À 19h30, les portes s’ouvrent et une première partie du public envahit la salle. Une petite demi heure passe et la seule première partie arrive sur scène à 20h tapante : MYLETS. Ce groupe représente un peu la figure du jeune prodige : un jeune Américain de vingt ans, qui vient tout juste de sortir son deuxième album “Arizona” sur Sargent House, le même label que la tête d’affiche de la soirée. Fait particulier, le jeune homme gère tous les instruments seul. Math rock complètement sauvage à coups de mélodies désarticulées et expérimentales, Henry Kohen se lance dans un véritable flamenco sur des dizaines de pédales d’effet : le jeune homme jouera autant avec ses pieds qu’avec ses mains ! Tout est loopé et semble ficelé à la seconde près. Si le niveau de technicité et le jeu de guitare sont hors norme, on ne peut par contre pas en dire autant du chant qui, même s’il reste rare, casse un peu le mythe du musicien parfait qu’on s’était fait. Pas toujours juste, parfois éraillé, mais ne manquant jamais de coffre, Henry Kohen s’abime la gorge pour tenter de couvrir les ondes volcaniques qui pénètrent nos esgourdes ébahies. Si au début, l’Américain ressemble plus à un ado mécontent en sueur, le musicien prend de l’assurance au fil des chansons et nous montre qu’il sait chanter. Et même si ça reste maladroit, on sent qu’il y met tous ses trippes, en témoignent les postillons qui jaillissent sans cesse de sa bouche. À la moitié du set, l’artiste souffle et nous remercie d’être là, confiant qu’il n’a pas pu jouer les deux soirs précédents car il était malade. Il explique que c’est également sa deuxième tournée avec ASIWYFA. Ce qui est sûr c’est que les sonorités expérimentales du jeune Américain n’auront pas laissé indifférent un public qui est venu se greffer au fur et à mesure d’un set de quarante minutes. Le set se poursuit et tout y passe : joujou avec les volumes du micro de guitare, DJ sur ses pédales, dédoublement ou triplement des notes qui sont aussitôt loupées et greffées à d’autres mélodies supersoniques. Devant tant de technicité, ce qui nous sauve de l’ennui, c’est ce fond résolument rock au niveau de certains accords. Et cette voix, qui vient, de temps à autre, donner une once d’humanité à une musique encore plus robotique que du math rock traditionnel. C’est l’eau la tête au pied et sous un tonnerre d’applaudissements que Mylets repart, souriant, laissant une assemblée satisfaite et impatiente d’entendre la suite.

Un petit quart d’heure passe et les musiciens d’AND SO I WATCH YOU FROM AFAR viennent faire leur dernier réglage eux-mêmes. Lumières bleutées s’emparent d’une Flèche d’Or littéralement pleine à craquer, en ce 4 mai, jour de sortie du quatrième album des Irlandais, “Heirs“. Et c’est après une longue plage ambiante où l’hystérie ne fera que monter en flèche dans la fosse que le quatuor débarque sur scène et entame son set en mettant en avant son nouvel opus. En effet, les trois premières chansons de ce dernier effort sont jouées dans l’ordre. En un quart d’heure à peine, le groupe montre que “Heirs” passe d’emblée l’épreuve du live, notamment sur la piste d’ouverture “Run Home” qui propose un melting pot de ce que les Irlandais savent faire de mieux : une première partie de morceau résolument math rock avec des cœurs puissants et une deuxième partie plus planante, ne reniant pas de légères influences post rock. Le son, dantesque, accompagne des musiciens ultra rodés qui ne manquent pas d’enthousiasme et de présence scénique. Mention spéciale au guitariste de droite qui aime visiblement sauter lorsqu’il plaque ses accords. Le niveau de technicité rivalise amplement avec Mylets, d’autant plus que quatre corps qui s’activent derrière leur instrument restent davantage impressionnant, surtout lorsqu’ils sont accompagnés de lights que l’on pourrait qualifier… d’hystériques. L’ambiance est survoltée, aussi bien sur scène que dans la foule. Pas de cadeau ce soir, les Irlandais piochent avec efficacité dans leur discographie entière : cinq morceaux du dernier essai, quatre de “Gangs” (2011), trois de “All Hail Bright Futures” (2013) et trois également pour l’éponyme “And So I Watch You From Afar” (2009), premier disque qui avait imposé la formation sur la scène math rock il y a six ans déjà. Au fil des titres, le quatuor revisite donc ses classiques et la zone de pogo s’élargit et devient aussi dynamique que les mélodies assénées par le combo. Les slams ne tardent pas à suivre, dans une bonne humeur qui, il faut l’avouer, s’avère assez rare dans les salles de concerts parisiennes. Les rares accalmies permettent de respirer, mais il faut bien admettre que le néophyte se retrouvera vite avec la barre au crâne : les mélodies qui, superposées à d’autres, ne finissent jamais de se rajouter ne plaisent qu’à ceux qui ont l’habitude d’un math rock résolument technique et poussée. La lourdeur du son peut également surprendre, même si cela relève d’une qualité exemplaire pour tout amateur de musique instrumentale. Car oui, And So I Watch You From Afar relève le défi difficile d’être encore plus groovy que sur CD ! Heureusement, la bande articule ses compositions entre instrumentales et morceaux avec des chœurs, pour contrebalancer un peu ces moments de violence auditive. Du côté de l’auditoire, entre chaque chanson des T-shirt s’enlèvent : le ventilo est en panne et les Irlandais ont transformé La Flèche d’Or en un véritable four. And So I Watch You From… Hell! Au bout d’1h10 de set, les quatre musiciens dégoulinants d’eau se retirent, le temps d’un court rappel. La foule en redemande, impatiente et visiblement contente du ventilo qui remarche : les conditions sont réunies pour une dernière offensive auditive. Les Irlandais n’ont pas fini et reviennent avec leurs titres phares : “Eunoia” et “Big Thinks Do Remarkable” tirés de “All Hail Bright Futures” suivi du hit en puissance “Set Guitars To Kill” (rarement un titre n’aura aussi bien porté son nom) et enfin “The Voiceless” qui viendra clôturer un set d’1h40. Après ce rappel de quatre chansons, le public reste en extase devant une performance aussi carrée et impressionnante.

Une chose est certaine : après sept concerts de suite, And So I Watch You From Afar aura plus que mérité le premier day off de cette tournée qui, Paris saura s’en souvenir, s’annonce mémorable.

Setlist :

Run Home
These Secret Kings I Know
Wasps
BEAUTIFULUNIVERSEMASTERCHAMPION
Gang (Starting Never Stopping)
7 Billion People All Alive At Once
Search:Party:Animal
Like A Mouse
S Is For Salamander
A Beacon, A Compass, An Anchor
A Little Bit of Solidarity Goes A Long Way
Tryer, You
—-
Eunoia
Big Thinks Do Remarkable
Set Guitars To Kill
The Voiceless