Alors que Paris goûtait à son premier aperçu de l’été, l’Islandais Ásgeir a fait souffler un vent de fraîcheur dans un Cabaret Sauvage plein à craquer. Après la sortie en 2013 de son premier LP, “In the Silence”, le jeune prodige de 24 ans est venu présenter ses tous nouveaux morceaux, issus de “Afterglow”, son deuxième album publié quelques jours auparavant.
Au bord du canal de l’Ourcq, nombreux sont ceux qui, dans une agréable léthargie, profitent d’un lundi soir ensoleillé étendus dans l’herbe. À quelques mètres de là, dans le somptueux Cabaret Sauvage, une ambiance tout autre s’installe. Alors qu’une longue file s’enroule autour du chapiteau, la Londonienne Emily Underhill, sous les traits de son projet solo TUSKS, ouvre cette soirée placée sous le signe d’influences nordiques, de celles de James Blake et de Bon Iver. Signée chez One Little Indian Records, le même label que la tête d’affiche du soir, la jeune Anglaise attise la brise glaciale qui va envelopper le Cabaret Sauvage toute la soirée. Seule sur scène, Tusks plane sur de la pop alternative sombre, laissant sa voix douce se poser sur des beats électro et des notes de guitare envoûtants.
Après trente minutes de set, on continue notre exil toujours plus au nord pour atteindre notre destination finale : l’Islande. Pour Ásgeir, il faudra attendre encore un peu puisqu’on croise d’abord la route d’AXEL FLÓVENT, lui aussi compositeur-interprète solo. Avec une guitare acoustique pour unique compagnon, le jeune Islandais s’inscrit dans un folk épuré et subtil. Porté par une voix éthérée qui sent bon la forêt, il se dévoile avec délicatesse et douceur sur des morceaux comme “Forest Fires” ou “Your Ghost”, figurant sur l’EP “Quiet Eyes”, sorti quelques jours plus tôt. Dégageant une humilité palpable, le jeune homme véhicule cette mélancolie, si commune à la plupart des musiciens venant du pays de la nuit polaire et des aurores boréales.
Après deux premières parties on ne peut plus appropriées, c’est un Cabaret Sauvage plongé dans un profond dépaysement qui réclame ÁSGEIR avec enthousiasme. L’artiste et ses musiciens montent sur scène peu avant 21h30. Sur “Afterglow”, son nouvel album, Ásgeir injecte à ses mélodies acoustiques une forte dose d’influence électro, des synthétiseurs et des effets de voix. Sur scène, cette production ultra travaillée se traduit par cinq acolytes, un batteur et un guitariste, et trois musiciens (dont le frère d’Ásgeir) qui, comme le jeune multi-instrumentiste, jonglent entre guitares et synthés. Intercalés entre tous ces instruments, des bâtonnets géants lumineux constituent une scénographie simple et efficace.
Quelques notes suffisent à Ásgeir et son groupe pour insuffler une atmosphère douce et aérienne, aussi glaciale qu’ardente. Oscillant entre l’anglais et son islandais natale, Ásgeir dégage une mélancolie poétique. Peu importe la langue, sa voix pure et délicate semble mêler les deux pour atteindre des sonorités envoûtantes. Elle s’efface parfois lorsque la formation s’offre de longues envolées instrumentales sur des nouveautés comme “Underneath It” et le puissant “Here Comes The Wave In” ou sur des plus anciens morceaux comme le brumeux “Head In The Snow”. Quatre ans après son premier album, le jeune Islandais a enfin des compositions flambants neuves et joue presque l’intégralité de son dernier opus.
Au lancinant et électro “Unbound”, il oppose “Stardust”, son dernier single dansant au refrain entêtant. Mais avec Ásgeir, la délicatesse n’est jamais loin. Des lumières bleu nuit baignent la salle sur l’émouvante piste éponyme “Afterglow”, épurée et porteuse d’une bouffée de douceur. Le multi-instrumentiste signe le plus gracieux moment du concert en s’installant derrière le piano pour interpréter la très jolie mais trop courte “Nothing”. La voix de son guitariste s’ajoute à la sienne dans une complémentarité très mélodieuse. Un moment d’intimité furtif lors duquel se livre l’artiste, beaucoup plus pudique quand il s’agit de prendre la parole. Derrière cette impressionnante carrure et cette barbe fournie se cache un grand timide, qui esquisse des sourires farouches et de humbles mercis. Si cette retenue colle bien avec la musique d’Ásgeir, elle entraîne parfois une maîtrise implacable qui manque de chaleur.
L’assemblée frissonne quand résonnent d’anciens morceaux extraits de “In The Silence”, qui ont fait sortir l’artiste de ses terres d’origine. Entre le subtil “Going Home”, le folk “Samhljómur” et le funky et progressif “King And Cross”, Ásgeir passe de la pénombre à la lumière. La nuit polaire laisse place au jour sans fin sur l’emblématique dernier morceau, “Torrent”. Entre mélancolie et espoir, le titre embarque le Cabaret Sauvage dans un ouragan d’émotions, qui s’apaise sur un salut groupé d’Ásgeir et de sa bande.
Aussi intense que délicat, l’indie folk ponctué de mélodies électroniques d’Ásgeir a charmé le Cabaret Sauvage par sa poésie et son élégance. Pour réitérer l’expérience ou assister à une séance de rattrapage, un retour dans la capitale est déjà calé pour le 12 octobre au Bataclan, en plus d’une tournée de sept dates françaises le mois prochain.